Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2016 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2000761 du 30 décembre 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22TL20240 du 23 mai 2024, la cour administrative d'appel de Toulouse, sur appel de M. B..., a prononcé la décharge de la majoration de 40 % prévue par le a de l'article 1729 du code général des impôts, réformé le jugement du tribunal administratif en ce qu'il avait de contraire à sa décision et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juillet et 25 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 3 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benoît Chatard, auditeur,
- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Bardoul, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à compter du 2 janvier 2014, M. B..., qui exerce une activité individuelle de masseur-kinésithérapeute principalement auprès de patients au domicile desquels il se déplace, a installé son cabinet, auparavant situé sur le territoire de la commune de Nasbinals (Lozère), dans la commune de Saint-Chély-d'Aubrac (Aveyron), située en zone de revitalisation rurale. A l'issue d'une vérification de comptabilité de cette activité portant sur l'exercice clos en 2016, l'administration fiscale a remis en cause l'application aux résultats de cet exercice du régime d'exonération temporaire d'impôt prévu à l'article 44 quindecies du code général des impôts pour certaines entreprises situées en zones de revitalisation rurale. M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2016 en conséquence de la remise en cause de cette exonération, ainsi que celle des pénalités correspondantes. Par un jugement du 30 décembre 2021, ce tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt du 23 mai 2024, la cour administrative d'appel de Toulouse, sur appel de M. B..., a prononcé la décharge de la majoration de 40 % prévue par le a de l'article 1729 du code général des impôts, réformé le jugement en ce qu'il avait de contraire à sa décision et rejeté le surplus des conclusions de la requête. M. B... se pourvoit en cassation contre l'article 3 de cet arrêt, par lequel la cour administrative d'appel a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
2. Aux termes de l'article 44 quindecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " I. - Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, les entreprises qui sont créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale au sens de l'article 34 ou professionnelle au sens du 1 de l'article 92, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de leur création ou de leur reprise et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. / Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération. / II. - Pour bénéficier de l'exonération mentionnée au I, l'entreprise doit répondre aux conditions suivantes : / a) Le siège social de l'entreprise ainsi que l'ensemble de son activité et de ses moyens d'exploitation sont implantés dans les zones mentionnées au I. Lorsqu'une entreprise exerce une activité non sédentaire, réalisée en partie en dehors des zones précitées, la condition d'implantation est réputée satisfaite dès lors qu'elle réalise au plus 25 % de son chiffre d'affaires en dehors de ces zones. Au-delà de 25 %, les bénéfices réalisés sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun en proportion du chiffre d'affaires réalisé en dehors des zones déjà citées. Cette condition de chiffre d'affaires s'apprécie exercice par exercice ; / (...) / III. L'exonération ne s'applique pas aux créations et aux reprises d'activités dans les zones de revitalisation rurale mentionnées au I consécutives au transfert d'une activité précédemment exercée par un contribuable ayant bénéficié, au titre d'une ou plusieurs des cinq années précédant celle du transfert, des dispositions des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies, 44 quaterdecies ou d'une prime d'aménagement du territoire. / L'exonération ne s'applique pas aux créations et aux reprises d'activités dans les zones de revitalisation rurale mentionnées au I consécutives au transfert, à la concentration ou à la restructuration d'activités précédemment exercées dans ces zones, sauf pour la durée restant à courir si l'activité reprise ou transférée bénéficie ou a bénéficié de l'exonération prévue au présent article. / (...) ".
3. Il résulte des dispositions de l'article 44 quindecies du code général des impôts citées au point précédent, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 dont elles sont issues, que les entreprises créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020 au sein de zones de revitalisation rurale peuvent bénéficier de l'exonération qu'elles prévoient, dans les conditions précisées au II de cet article et sous réserve des exceptions mentionnées par son III, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que leur création ou leur reprise serait consécutive au transfert d'une activité précédemment exercée en dehors de ces zones. Ne font pas davantage obstacle au bénéfice de l'exonération, dans une telle hypothèse, les circonstances que ce transfert ne s'accompagnerait d'aucun renouvellement, pas même partiel, de la clientèle, ni d'aucun changement de la forme juridique de l'exploitation.
4. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la cour administrative d'appel, en écartant le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 quindecies du code général des impôts au motif que l'installation de l'activité de M. B... au sein d'une zone de revitalisation rurale procédait non d'une création d'entreprise mais d'un simple transfert de son activité antérieure exercée en dehors de cette zone, après avoir relevé que l'intéressé s'était borné à déplacer de 18 kilomètres le siège de son activité en gardant la même zone géographique d'intervention, au moins partiellement la même clientèle et la même forme juridique d'exploitation, a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt qu'il attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Toulouse du 23 mai 2024 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée à l'article 1er, à la cour administrative d'appel de Toulouse.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Vincent Daumas, M. Nicolas Polge, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Benoît Chatard, auditeur-rapporteur.
Rendu le 2 juin 2025.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Benoît Chatard
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :