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02/06/2025 | FRANCE | N°492799

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 02 juin 2025, 492799


Vu la procédure suivante :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015. Par un jugement n° 1914175 du 22 février 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 22PA02890 du 22 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.



Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire

, enregistrés les 21 mars et 21 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... d...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015. Par un jugement n° 1914175 du 22 février 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 22PA02890 du 22 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mars et 21 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention du 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu'en matière de contribution des patentes et de contributions foncières ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoît Chatard, auditeur,

- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de concerts donnés en France par le groupe musical allemand Scorpions en 2015, la société civile de droit allemand Scorpions dont M. B..., guitariste du groupe, est associé, a perçu, de la part de la société de production française, plus de deux millions d'euros de recettes. M. B..., résident allemand, a déclaré, au titre de l'année 2015, des revenus de source française pour un montant de 786 649 euros dans la catégorie des traitements et salaires, ainsi que la retenue à la source prélevée sur le fondement de l'article 182 A bis du code général des impôts. Le 19 décembre 2017, M. B... a souscrit une déclaration de revenus rectificative tendant notamment à la prise en compte de frais professionnels réels à hauteur de 165 653 euros. Par un arrêt du 22 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B... contre le jugement du 22 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015. M. B... demande l'annulation de cet arrêt.

2. D'une part, aux termes de l'article 164 A du code général des impôts : " Les revenus de source française des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes qui ont leur domicile fiscal en France. (...) ". Aux termes de l'article 164 B du même code : " I. Sont considérés comme revenus de source française : / (...) / g. Les sommes, y compris les salaires, payées à compter du 1er janvier 1990, correspondant à des prestations artistiques ou sportives fournies ou utilisées en France ". Aux termes de l'article 92 de ce code : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " (...) les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) / Il en est de même, sous les mêmes conditions :/1°Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ; / (...) ". Aux termes de l'article 60 du même code, applicable aux associés en nom : " Le bénéfice des sociétés visées à l'article 8 est déterminé, dans tous les cas, dans les conditions prévues pour les exploitants individuels. / Ces sociétés sont tenues aux obligations qui incombent normalement aux exploitants individuels ". Aux termes de l'article 238 bis K du même code, relatif notamment à la détermination de la part de bénéfices correspondant aux droits détenus dans une société de personnes : " (...) / II. - Dans tous les autres cas, la part de bénéfice (...) sont déterminés et imposés en tenant compte de la nature de l'activité et du montant des recettes de la société ou du groupement ".

4. Par ailleurs aux termes de l'article 12 de la convention fiscale conclue le 21 juillet 1959 entre la France et la République fédérale d'Allemagne, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'avenant du 31 mars 2015 : " - 1. Les revenus provenant de l'exercice d'une profession libérale et tous les revenus du travail autres que ceux visés aux articles 13 et 14 ne sont imposables que dans l'Etat contractant où s'exerce l'activité personnelle, source de ces revenus. 2. Une profession libérale n'est considérée comme s'exerçant dans l'un des Etats contractants que dans le cas où le contribuable utilise pour cette activité une installation permanente dont il dispose de façon régulière. Cette condition n'est toutefois pas applicable lorsqu'il s'agit de manifestations publiques de l'activité indépendante (...) de professionnels du sport ou du spectacle (...) ".

5. Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier d'abord, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et il n'a pas été contesté que la société civile de droit allemand (" Gesellschaft bürgerlichen Rechts ") Scorpions par lequel le groupe musical éponyme exerce son activité, et qui prend en charge l'ensemble des frais et recettes générés par cette activité, est assimilable à une société civile de droit français régie par les dispositions de l'article 8 du code général des impôts cité au point 3. Eu égard à l'activité artistique exercée par la société et en vertu du II de l'article 238 bis K du même code cité à ce même point 3, la part de bénéfice revenant à ses associés, membres du groupe, doit être déterminée selon les règles applicables aux revenus relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux, prévues par les articles 92 et suivants de ce code.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que les sommes en litige perçues par M. B..., dont il est constant qu'elles correspondent à la quote-part lui revenant du bénéfice réalisé en France par la société allemande, étaient imposables à l'impôt sur le revenu selon les règles applicables aux revenus relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux. Par suite, la cour a commis une erreur de droit en refusant, sur le fondement des dispositions de l'article 83 de ce code, applicable aux revenus relevant de la catégorie de traitements et salaires, la déduction des frais professionnels réels revendiquée par le contribuable.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 22 novembre 2023 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Vincent Daumas, M. Nicolas Polge, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Benoît Chatard, auditeur-rapporteur.

Rendu le 2 juin 2025.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Benoît Chatard

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 492799
Date de la décision : 02/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 2025, n° 492799
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Benoît Chatard
Rapporteur public ?: M. Bastien Lignereux
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:492799.20250602
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