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28/05/2025 | FRANCE | N°501118

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 28 mai 2025, 501118


Vu la procédure suivante :



Par un mémoire distinct, enregistré le 11 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1017 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'ordonnance du 16 janvier 2025 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 12 juillet 2024 par laquelle le ministre des armées et des anciens combattants

a décidé de ne pas renouveler son contrat de travail, de renvoyer au Cons...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct, enregistré le 11 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1017 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'ordonnance du 16 janvier 2025 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 12 juillet 2024 par laquelle le ministre des armées et des anciens combattants a décidé de ne pas renouveler son contrat de travail, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 332-4 du code général de la fonction publique.

Mme A... soutient que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et le droit à un emploi sans discrimination garantis par le Préambule de la Constitution.

Par un mémoire enregistré le 11 avril 2025, le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification conclut à ce qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel. Il soutient que les conditions posées par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, et, en particulier, que la question soulevée n'est ni nouvelle ni sérieuse.

La question prioritaire de constitutionnalité a été transmise au Premier ministre et au ministre des armées, qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Céline Boniface, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droit et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Les dispositions de l'article 55 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique ont autorisé le Gouvernement, pendant un délai de vingt-quatre mois porté à vingt-huit mois par l'article 14 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, à procéder par voie d'ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à l'adoption de la partie législative du code général de la fonction publique. Sur le fondement de cette habilitation, le Gouvernement a pris l'ordonnance du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique. A la date de la présente décision, cette ordonnance n'a pas été ratifiée et le délai fixé par la loi d'habilitation est expiré.

3. Sur le fondement des dispositions citées au point 1, Mme A... demande au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 332-4 du code général de la fonction publique, issue de l'ordonnance du 24 novembre 2021. Elle soutient notamment qu'en ce qu'elles ne prévoient pas la prise en compte, pour le calcul de l'ancienneté requise pour qu'un contrat de travail soit conclu pour une durée indéterminée, des périodes accomplies dans le cadre d'un contrat à durée déterminée conclu pour faire face à une vacance temporaire d'emploi sur le fondement de l'article L. 332-7 du même code, ces dispositions sont contraires au principe d'égalité devant la loi.

4. Aux termes de l'article L. 332-4 du code général de la fonction publique : " Les contrats conclus en application du 1° de l'article L. 332-1 et des articles L. 332-2 et L. 332-3 peuvent l'être pour une durée indéterminée. / Lorsque ces contrats sont conclus pour une durée déterminée, cette durée est au maximum de trois ans. Ils sont renouvelables par reconduction expresse dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Tout contrat conclu ou renouvelé en application des mêmes dispositions avec un agent contractuel de l'Etat qui justifie d'une durée de services publics de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par une décision expresse, pour une durée indéterminée. / La durée de six ans mentionnée à l'alinéa précédent est comptabilisée au titre de l'ensemble des services accomplis dans des emplois occupés en application du 1° de l'article L. 332-1 et des articles L. 332-2, L. 332-3 et L. 332-6. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public. Pour l'appréciation de cette durée, les services accomplis à temps incomplet et à temps partiel sont assimilés à des services accomplis à temps complet. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 332-7 du même code : " Pour les besoins de la continuité du service, des agents contractuels de l'Etat peuvent être recrutés pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire, sous réserve que cette vacance ait donné lieu aux formalités prévues à l'article L. 311-2 ".

5. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

6. Les dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 332-4 du code général de la fonction publique, citées au point 3, sont applicables au litige et relèvent du domaine de la loi. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le grief tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles ne prennent pas en compte les contrats conclus, notamment sur le fondement de l'article L 332-7 du même code, pour faire face à une vacance temporaire d'emploi du calcul de la durée de six ans à l'issue de laquelle le contrat de travail d'un agent contractuel de l'Etat est qualifié de contrat à durée indéterminée, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre ces dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du quatrième alinéa de l'article L. 332-4 du code général de la fonction publique est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur le pourvoi de Mme A... jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A..., au ministre des armées, au ministre l'action publique, de la fonction publique et de la simplification et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 501118
Date de la décision : 28/05/2025
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 28 mai. 2025, n° 501118
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Céline Boniface
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:501118.20250528
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