Vu la procédure suivante :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 27 septembre 2024, 20 janvier et 6 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ligue nationale de cyclisme demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 juillet 2024 du conseil fédéral de la Fédération française de cyclisme adoptant le cahier des charges de labellisation des équipes continentales hommes ;
2°) de mettre à la charge de la Fédération française de cyclisme la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du sport ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pierra Mery, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de l'association Ligue nationale de cyclisme, et à la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Fédération française de cyclisme ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 mai 2025, présentée par la Fédération française de cyclisme ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 30 juillet 2024, le conseil fédéral de la Fédération française de cyclisme (FFC) a adopté un cahier des charges de labellisation d'équipes fédérales masculines dénommées " Continentale fédérale hommes ", constituées de coureurs amateurs, les équipes répondant à ce cahier des charges ayant vocation à être enregistrées par la fédération auprès de l'Union cycliste internationale (UCI) dans la catégorie des équipes " Continentale UCI " pour leur permettre de participer à des compétitions de haut niveau ouvertes à cette catégorie. La Ligue nationale de cyclisme (LNC) demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération.
2. L'article L. 132-1 du code du sport prévoit que les fédérations sportives délégataires " peuvent créer une ligue professionnelle, pour la représentation, la gestion et la coordination des activités sportives à caractère professionnel des associations qui leur sont affiliées et des sociétés sportives (...) ". En vertu de l'article R. 132-1 du même code : " Lorsque ses statuts le prévoient, une fédération sportive délégataire peut créer une ligue professionnelle dotée de la personnalité morale : / 1° Soit pour organiser les compétitions sportives qu'elle définit ; / 2° Soit pour fixer, pour les compétitions sportives qu'elle définit, leurs conditions d'organisation et celles de la participation des sportifs ". Aux termes de l'article R. 132-12 du même code, la réglementation et la gestion des compétitions mentionnées à l'article R. 132-1 relèvent de la compétence de la ligue professionnelle, sous réserve des compétences propres de la fédération et des compétences exercées en commun par la fédération et par la ligue, énumérées respectivement par les articles R. 132-10 et R. 132-9. Les relations entre la fédération délégataire et la ligue qu'elle crée sont, en vertu de l'article R. 132-9, fixées par une convention qui précise la répartition de leurs compétences et les conditions dans lesquelles elles exercent en commun certaines compétences, ces dispositions de la convention ayant un caractère réglementaire.
3. La FFC, fédération sportive agréée, est titulaire de la délégation prévue à l'article L. 131-14 du code du sport notamment pour la discipline du cyclisme sur route. La LNC, créée en 2008 en application des dispositions aujourd'hui codifiées à l'article L. 132-1 du code du sport, exerce par délégation, selon l'article 30 des statuts de la fédération, " la gestion et la coordination des activités cyclistes à caractère professionnel ". Les relations de la Fédération et de la Ligue sont fixées, conformément aux dispositions de l'article R. 132-9 du code du sport, par une convention adoptée le 24 novembre 2021. L'article 1er de cette convention indique que le " secteur professionnel " comprend : " 1°) Les compétitions d'un jour et par étapes : " Epreuves World Tour ", " Epreuves ProSeries ", " Epreuves Classe 1 " et " les Critériums Professionnels (route et piste) ", sous réserve de modification d'appellation de l'UCI " ; / 2°) Les équipes : UCI World teams (1ère division) ; UCI Proteams (2ème division) et Equipes Continentale UCI (3ème division), sous réserve de modification d'appellation de l'UCI ; 3°) Les coureurs titulaires d'un contrat de travail avec les équipes ci-dessus ou détenteurs d'une licence Elite professionnel (route) délivrée par la FFC. (...) ". L'article 3 de la même convention précise que " la LNC a compétence pour : / (...) 2°) fixer les conditions de participation des groupes cyclistes professionnels et des coureurs cyclistes aux dites compétitions ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse a pour objet de permettre à des équipes, constituées exclusivement de coureurs au statut amateur et qui seront enregistrées par la FFC auprès de l'UCI dans la catégorie des équipes " Continentale UCI ", de participer à des compétitions qui peuvent relever du secteur professionnel délégué par la fédération à la ligue en vertu de l'article 1er de la convention passée entre les deux instances cité au point 3. Si la décision ne concerne ainsi pas des coureurs faisant partie du secteur professionnel au sens du 3° de l'article 1er de la convention, elle fixe néanmoins les conditions de participation à des compétitions dont la gestion a été confiée à la LNC et relève ainsi à la fois de la compétence de la fédération et de celle de la ligue. Son adoption ne pouvait donc, faute pour la convention de le prévoir, procéder d'une décision unilatérale de l'une d'entre elles. Par suite, la LNC est fondée à soutenir que la décision litigieuse est entachée d'illégalité.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, la LNC est fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du conseil fédéral de la FFC du 30 juillet 2024 qu'elle attaque.
6. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Fédération française de cyclisme la somme de 3 000 euros à verser à la Ligue nationale de cyclisme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise, au même titre, à la charge de la Ligue nationale de cyclisme qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du conseil fédéral de la Fédération française de cyclisme du 30 juillet 2024 adoptant un cahier des charges de labellisation d'équipes fédérales masculines dénommées " Continentale fédérale hommes " est annulée.
Article 2 : La Fédération française de cyclisme versera à la Ligue nationale de cyclisme une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la Fédération française de cyclisme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Ligue nationale de cyclisme et à la Fédération française de cyclisme.
Copie en sera adressée à la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Délibéré à l'issue de la séance du 7 mai 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et Mme Pierra Mery, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 28 mai 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Pierra Mery
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard