Vu la procédure suivante :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 février et 22 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a rejeté sa demande tendant à ce que soient prises les mesures permettant que les absences injustifiées des intervenants d'aide et d'accompagnement à domicile soient contrôlées en ayant recours à l'application " YouTime " qu'il a développée et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question de la conformité des dispositions relatives aux services d'aide et d'accompagnement à domicile à la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code pénal ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a présenté au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique une demande de " prendre des mesures " pour que les défaillances des employeurs d'intervenants d'aide et d'accompagnement à domicile qui n'honorent pas leurs rendez-vous avec les usagers soient contrôlées en ayant recours à l'application " YouTime " qu'il a développée. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision rejetant implicitement sa demande présenté au ministre.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. Les articles L. 116-1 et L. 116-2 du code de l'action sociale et des familles énoncent les principes généraux de l'action sociale et médico-sociale. L'article L. 311-1 de ce code énonce les missions d'intérêt général et d'utilité sociale dans lesquelles s'inscrit l'action sociale et médico-sociale et définit, au sens de ce code, les institutions sociales et médico-sociales et les établissements et services sociaux et médico-sociaux d'intérêt collectif. Ces dispositions étant, par elles-mêmes, sans incidence sur la liberté d'entreprendre, le grief tiré de ce qu'elles méconnaîtraient cette liberté, qui n'est pas nouveau, ne présente pas un caractère sérieux.
4. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les articles L. 116-1, L. 116-2 et L. 311-1 du code de l'action sociale et des familles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.
Sur les autres moyens de la requête :
5. En premier lieu, si M. A... fait valoir que de nombreux manquements sont commis par les employeurs d'intervenants d'aide et d'accompagnement à domicile qui ne se rendent pas aux rendez-vous prévus, sans que ces défaillances ne soient contrôlées et signalées par les départements, en méconnaissance de l'article 434-3 du code pénal, qui punit le défaut d'information des autorités judiciaires ou administratives de la part de quiconque ayant connaissance notamment de privations ou de mauvais traitements infligés à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger, cette circonstance, à la supposer établie, n'impliquerait en tout état de cause pas qu'il y soit remédié par le recours à l'application développée par le requérant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions par le refus qui lui a été opposé doit être écarté. Il en va de même du moyen tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre, qui n'est nullement méconnue, ainsi que de ceux tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation dont ce refus serait entaché.
6. En deuxième lieu, les articles L. 116-1, L. 116-2 et L. 311-1 du code de l'action sociale et des familles, en ce qu'ils encadrent l'activité des services d'aide et d'accompagnement à domicile, ne méconnaissent en tout état de cause pas la liberté d'entreprendre ni la liberté d'entreprise garantie par l'article 16 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et ne font notamment pas obstacle à ce que M. A... commercialise l'application qu'il a développée. Ces dispositions ne méconnaissent pas davantage la dignité de la personne humaine garantie par l'article 1er de cette Charte.
7. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ". L'absence alléguée de contrôle de l'activité des services d'aide et d'accompagnement à domicile étant insusceptible d'affecter les échanges entre Etats membres, le requérant ne peut utilement invoquer la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A....
Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A....
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 mai 2025 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Jean-Luc Matt, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 22 mai 2025.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Luc Matt
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly