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21/05/2025 | FRANCE | N°496581

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 21 mai 2025, 496581


Vu la procédure suivante :



Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 1er août et 21 octobre 2024 et le 6 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 11 juin 2024 du Président de la République portant nomination de présidents dans le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en tant qu'il n'y figure pas ;



2°) d'enjoindre,

à titre principal, au Président de la République de le nommer au grade de président dans le corps ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 1er août et 21 octobre 2024 et le 6 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 11 juin 2024 du Président de la République portant nomination de présidents dans le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en tant qu'il n'y figure pas ;

2°) d'enjoindre, à titre principal, au Président de la République de le nommer au grade de président dans le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et, à titre subsidiaire, d'enjoindre au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (CSTACAA) de l'inscrire au tableau d'avancement au grade de président ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de produire les évaluations des candidats inscrits au tableau d'avancement au grade de président au titre de l'année 2024 et le procès-verbal de la délibération du CSTACAA du 12 mars 2024 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la décision du 30 octobre 2024 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. B... ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Caron, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., premier conseiller du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 11 juin 2024 du Président de la République portant nomination de présidents dans le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel au titre de l'année 2024 en tant qu'il n'y figure pas.

2. Aux termes de l'article L. 232-1 du code de justice administrative : " Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel connaît des questions individuelles intéressant les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel dans les conditions prévues par le présent article ou par un décret en Conseil d'Etat. / Il établit les tableaux d'avancement et les listes d'aptitude prévus aux articles L. 234-2-1, L. 234-2-2, L. 234-4 et L. 234-5. (...) ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel est présidé par le vice-président du Conseil d'Etat et comprend en outre : / 1° Le conseiller d'Etat, président de la mission d'inspection des juridictions administratives ; / 2° Le secrétaire général du Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article L. 232-7 du même code : " Un secrétaire général des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est nommé parmi les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sur proposition du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel. Pendant l'exercice de ses fonctions, il ne peut bénéficier d'aucun avancement autre qu'à l'ancienneté. Il exerce ses fonctions pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. / Il a pour mission notamment : / 1° D'assurer le secrétariat du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ; / 2° Auprès du secrétaire général du Conseil d'Etat de participer à la mission de gestion des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ". Aux termes de l'article L. 234-2 du même code : " Les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont promus de grade à grade par décret du Président de la République après inscription sur un tableau d'avancement. / Ce tableau est établi par le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, compte tenu des compétences, des aptitudes et des mérites des intéressés, tels qu'ils résultent notamment des évaluations prévues par l'article L. 234-7 et des avis motivés émis par le président de leur juridiction. Les magistrats sont inscrits au tableau par ordre de mérite (...) ". Aux termes de l'article L. 234-2-2 du même code : " Peuvent être promus au grade de président les premiers conseillers justifiant de huit ans de services effectifs et ayant accompli une mobilité statutaire d'au moins deux ans. / Dans la limite de deux ans, les services rendus au titre de l'obligation de mobilité dans le grade de premier conseiller sont assimilés à des services effectifs dans les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel. "

3. En premier lieu, il résulte de ces dispositions qu'il appartient au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel (CSTACAA) d'établir le tableau d'avancement des magistrats au grade de président et que l'absence d'inscription du magistrat intéressé au tableau d'avancement fait obstacle à ce que le Président de la République le promeuve par le décret mentionné au 1er alinéa de l'article L. 234-2 du code de justice administrative cité au point 2. Par suite, dès lors que M. B... ne figurait pas sur le tableau d'avancement arrêté par le CSTACAA au titre de l'année 2024, le Président de la République n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en ne le nommant pas au grade de président.

4. En deuxième lieu, le CSTACAA pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 234-2 citées au point 2, prendre en compte, dans son évaluation des compétences, aptitudes et mérites des candidats, l'ancienneté des candidats promouvables en fonction de " l'année seuil " leur correspondant, la diversité de leurs expériences professionnelles, la durée d'exercice de fonctions juridictionnelles et l'aptitude à rédiger et réviser des projets de décision.

5. En troisième lieu, si M. B... soutient que ses demandes de rendez-vous avec la présidente de la mission permanente d'inspection des juridictions administratives, avec la secrétaire générale adjointe du Conseil d'Etat en charge des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et avec le secrétaire général du Conseil d'Etat n'ont pas fait l'objet de réponses favorables, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à ces autorités de recevoir les magistrats promouvables en entretien individuel avant l'établissement par le CSTACAA du tableau d'avancement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les membres du CSTACAA ont eu accès aux évaluations et aux avis émis par le supérieur hiérarchique du requérant et à l'ensemble de son dossier, qui comprenait des éléments d'appréciation circonstanciés sur ses compétences professionnelles. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le CSTACAA n'aurait pas procédé à l'examen individuel de sa candidature ni pris en compte des spécificités de son parcours ainsi que de ses expériences professionnelles et de ses compétences.

6. En quatrième lieu, M. B... soutient que le tableau d'avancement au grade de président dans le corps des magistrats de tribunaux administratifs et de cours administratives d'appel au titre de l'année 2024 a été établi en méconnaissance du principe d'impartialité en raison de la présence au sein du CSTACAA du vice-président du Conseil d'Etat, du secrétaire général du Conseil d'Etat, de la présidente de la mission d'inspection des juridictions administratives et de la secrétaire générale adjointe du Conseil d'Etat en charge des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

7. Toutefois, les attributions, les règles de fonctionnement et la composition du CSTACAA résultant des dispositions des articles L. 232-1, L. 232-4, L. 232-7 et L. 234-2 du code de justice administrative citées au point 2 ci-dessus concourent à garantir l'indépendance et l'impartialité de la juridiction administrative. La circonstance que l'article L. 232-4, relatif à la composition du CSTACAA, prévoit qu'il comprend, parmi ses treize membres, le vice-président du Conseil d'Etat, en qualité de président, le conseiller d'Etat, président de la mission d'inspection des juridictions administratives mentionnée à l'article L. 112-5 de ce code et le secrétaire général du Conseil d'Etat, alors qu'ils disposent de prérogatives sur la gestion du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, n'est pas de nature à porter atteinte à l'indépendance des membres de ce corps ou à faire obstacle à ce que leur promotion de grade à grade, dans les conditions prévues à l'article L. 234-2 du même code, soit assurée dans le respect du principe d'impartialité. Il en va de même pour l'article L. 232-7 de ce code qui prévoit que le secrétaire général des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel assure le secrétariat du CSTACAA. Au demeurant, quelles que soient les prérogatives du vice-président du Conseil d'État sur la nomination ou la carrière des membres de la juridiction administrative, les garanties statutaires reconnues à ces derniers aux titres troisièmes des livres premier et deuxième du code de justice administrative assurent leur indépendance à son égard. Par suite, le moyen tiré de ce que le tableau d'avancement au grade de président du corps des magistrats administratifs et des cours administratives d'appel aurait été établi par le CSTACAA en méconnaissance du principe d'impartialité ne peut qu'être écarté.

8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de ne pas inscrire M. B... au tableau d'avancement au grade de président du corps des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel procède d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque. Ses conclusions à fins d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au Premier ministre et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 496581
Date de la décision : 21/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 mai. 2025, n° 496581
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Aurélien Caron
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:496581.20250521
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