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15/05/2025 | FRANCE | N°500676

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 15 mai 2025, 500676


Vu la procédure suivante :



Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 8 août 2024 accordant son extradition aux autorités marocaines.





Vu les autres pièces du dossier ;



Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux

droits de l'enfant ;

- la convention d'extradition conclue entre la République française et le R...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 8 août 2024 accordant son extradition aux autorités marocaines.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention d'extradition conclue entre la République française et le Royaume du Maroc, signée à Rabat le 18 avril 2008 ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julia Flot, auditrice,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un décret du 8 août 2024 qui a pu être compétemment pris au titre de l'expédition des affaires courantes, le Premier ministre a accordé aux autorités marocaines l'extradition de M. B... A..., ressortissant marocain, sur le fondement d'un mandat d'arrêt délivré le 11 août 2022 par le procureur général du Roi près la cour d'appel de Nador pour des faits qualifiés d'adhésion à une association et entente dans le but d'organiser et de faciliter la sortie clandestine du territoire national à titre habituel, de possession d'une marchandise sans titre valable justifiant l'origine, et de complicité de ces faits.

2. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par la secrétaire générale du Gouvernement, que le décret attaqué a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice. La circonstance que l'ampliation notifiée à M. A... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la légalité du décret. En outre, conformément à ce que prévoit l'article 696-18 du code de procédure pénale, le décret attaqué a été pris sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, lequel n'avait pas à être communiqué au préalable au requérant.

3. En deuxième lieu, le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

4. En troisième lieu, il résulte des stipulations de la convention d'extradition conclue entre la République française et le Royaume du Maroc en date du 18 avril 2008, que cette convention détermine les conditions mises à l'extradition entre les deux pays. Il s'ensuit que le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 3° de l'article 696-4 du code de procédure pénale, qui prévoient que l'extradition n'est pas accordée lorsque les crimes ou délits ont été commis en France mais qui ne sont susceptibles de recevoir application, ainsi que le précise l'article 696 du même code, qu'en l'absence de stipulation internationale régissant les conditions de l'extradition.

5. En quatrième lieu, si M. A... soutient qu'il ne peut être l'auteur des délits qui lui sont reprochés faute d'avoir été présent au Maroc à la date de la commission des faits, il résulte des principes généraux du droit applicables à l'extradition qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, sauf en cas d'erreur évidente, de statuer sur le bien-fondé des charges retenues contre la personne recherchée. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle erreur évidente ait été commise sur les faits reprochés au requérant.

6. En cinquième lieu, une décision d'extradition est susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et peut affecter de manière suffisamment directe et certaine la situation des enfants mineurs de la personne dont l'extradition est demandée et qui en a la charge effective et continue, et constituer ainsi une décision dans l'appréciation de laquelle son auteur doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant en vertu de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Toutefois, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes résidant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes et des délits commis hors de France que l'exécution, par les mêmes personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes ou délits. Les circonstances que l'intéressé résiderait en France depuis 2019 et qu'il soit marié et père de deux enfants mineurs ne sont pas de nature à faire obstacle, dans l'intérêt de l'ordre public, à l'exécution de son extradition. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

7. En dernier lieu, les mêmes circonstances ne sauraient caractériser une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de l'exécution de l'extradition sur la situation personnelle de l'intéressé, qui a bien été examinée.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'il attaque.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre d'Etat, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 avril 2025 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et Mme Julia Flot, auditrice-rapporteure.

Rendu le 15 mai 2025.

Le président :

Signé : M. Nicolas Boulouis

La rapporteure :

Signé : Mme Julia Flot

La secrétaire :

Signé : Mme Sandrine Mendy


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 500676
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 mai. 2025, n° 500676
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Julia Flot
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:500676.20250515
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