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12/05/2025 | FRANCE | N°495109

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 12 mai 2025, 495109


Vu la procédure suivante :



Par une requête, enregistrée le 12 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat général des ministères des affaires sociales et du travail CGT demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction de la ministre du travail, de la santé et des solidarités n° DRH/SPGRH/2024/7 du 17 mai 2024 relative aux modalités de gestion du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP).





Vu les autres pièces du dossier ;



Vu :

- la Constitution ;...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat général des ministères des affaires sociales et du travail CGT demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction de la ministre du travail, de la santé et des solidarités n° DRH/SPGRH/2024/7 du 17 mai 2024 relative aux modalités de gestion du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- le décret n° 2020-1427 du 20 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une instruction du 17 mai 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités a précisé les modalités de gestion, à compter du 1er janvier 2024, du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) au sein des ministères chargés des affaires sociales pour les corps qui bénéficient de ce dispositif. Le Syndicat général des ministères des affaires sociales et du travail CGT demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette instruction.

Sur la légalité externe de l'instruction attaquée :

2. Aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : " Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ".

3. Aux termes de l'article 48 du décret du 20 novembre 2020 relatif aux comités sociaux d'administration dans les administrations et les établissements publics de l'Etat, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le comité social d'administration est consulté sur : / 1° Les projets de texte réglementaire relatifs au fonctionnement et à l'organisation des services ; / (...) 3° Les projets de texte relatifs aux règles statutaires et aux règles relatives à l'échelonnement indiciaire ; / (...) ". L'article 50 du même décret, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose : " Le comité social d'administration débat au moins une fois tous les deux ans des orientations générales, présentées en cohérence avec les lignes directrices de gestion relatives à la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines, relatives : / (...) 3° A la politique indemnitaire ; / (...) ".

4. Les dispositions de l'instruction attaquée ne présentent pas de caractère statutaire et ne concernent pas le fonctionnement et l'organisation des services. Par suite, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, elles n'avaient pas à être soumises, à l'un ou l'autre de ces titres, à l'avis des comités sociaux d'administration des ministères concernés. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 48 du décret du 20 novembre 2020 et, par voie de conséquence, du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ne peuvent dès lors qu'être écartés. La circonstance, invoquée par le syndicat, que le document intitulé " Campagne indemnitaire 2024 pour la revalorisation de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise " n'aurait pas été soumis au comité social d'administration du ministère de la santé et des solidarités est dépourvue d'incidence sur la légalité externe de l'instruction attaquée.

Sur la légalité interne de l'instruction attaquée :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise fait l'objet d'un réexamen : / 1° En cas de changement de fonctions ; / 2° Au moins tous les quatre ans, en l'absence de changement de fonctions et au vu de l'expérience acquise par l'agent ; / 3° En cas de changement de grade à la suite d'une promotion ".

6. L'instruction attaquée prévoit, en son point III-3, qu'" au sein des ministères chargés des affaires sociales, la possibilité d'obtenir un réexamen de son IFSE et, dans ce cadre, d'une revalorisation, est subordonnée au respect de la condition suivante : avoir occupé le même poste en qualité de fonctionnaire au sein du même corps depuis au moins deux ans sans interruption (...) A l'issue de cette première échéance de revalorisation, le niveau d'IFSE des agents sera réexaminé après une période de trois ans puis au terme de périodes de quatre ans. / (...) Ce réexamen peut conduire uniquement à un maintien ou une augmentation de l'IFSE. / Un agent ne bénéficiant d'aucune revalorisation à l'issue de ces réexamens pourra prétendre à l'application de la clause de revoyure dès l'année suivante et toutes les années postérieures tant que son régime indemnitaire ne sera pas réévalué. / Un agent qui a bénéficié d'une revalorisation au titre d'une période ne peut y prétendre de nouveau avant le terme de la période suivante ".

7. En prévoyant qu'en l'absence de changement de fonction, la revalorisation de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) ne peut intervenir avant le terme d'une période, qui est selon le cas de deux, trois ou quatre ans suivant la précédente revalorisation de cette indemnité, la ministre n'a pas méconnu les dispositions de l'article 3 du décret du 20 mai 2014, qui fixent à quatre ans la périodicité minimale du réexamen du montant de l'indemnité dans cette hypothèse, étant rappelé au surplus que ce réexamen n'implique pas nécessairement une augmentation de ce montant.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 411-5 du code général de la fonction publique : " Le grade est distinct de l'emploi. / Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade ". Sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade.

9. Il ressort des pièces du dossier que l'instruction attaquée précise, dans son point IV-2, le régime indemnitaire des agents en attente d'affectation pérenne qu'elle définit ainsi : " les agents en recherche d'une affectation pérenne quand, à l'issue de leur dernière affectation ou lors d'un retour après une période interruptrice, ils sont réintégrés ou affectés mais ne disposent pas d'un poste pérenne ou permanent ". Cette disposition concerne les agents en position d'activité n'ayant pas encore reçu une affectation pérenne dans un emploi correspondant à leur grade. Ce faisant, elle ne crée pas une nouvelle position statutaire des fonctionnaires en méconnaissance des dispositions du code général de la fonction publique relatives aux positions statutaires des fonctionnaires et n'est donc pas entachée d'erreur de droit, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant.

10. En dernier lieu, l'instruction attaquée énonce, concernant les établissements publics sous tutelle ministérielle, qu'il " revient aux établissements publics administratifs (EPA) procédant à la rémunération des fonctionnaires qui y sont affectés, de définir le régime indemnitaire des agents dans le cadre de leur autonomie de gestion, en cohérence avec les dispositions de la présente instruction. Il est recommandé que les principes, les plafonds et les socles indemnitaires (...) servent de référence aux agents d'un même corps quel que soit leur lieu d'affectation ". Il résulte des termes mêmes de cette instruction que ses dispositions définissant le régime indemnitaire ne sont pas applicables aux agents des établissements publics sous tutelle des ministères sociaux. Par suite, le syndicat requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que l'instruction du 17 mai 2024 méconnaîtrait l'autonomie de gestion de ces établissements publics.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat général des ministères des affaires sociales et du travail CGT n'est pas fondé à demander l'annulation de l'instruction qu'il attaque.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du Syndicat général des ministères des affaires sociales et du travail CGT est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat général des ministères des affaires sociales et du travail CGT et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Copie en sera adressée au ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 495109
Date de la décision : 12/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mai. 2025, n° 495109
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:495109.20250512
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