Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 mars et 29 juin 2024 et le 14 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'avis défavorable à son intégration directe en qualité d'auditrice de justice au titre de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 émis par la commission d'avancement lors de ses travaux du 27 novembre au 8 décembre 2023 ;
2°) d'enjoindre à l'administration de faire procéder au réexamen de sa demande par la commission d'avancement dans un délai de deux mois à compter de la décision à venir.
Elle soutient que l'avis attaqué :
- a été émis au terme d'une procédure irrégulière dès lors que sa candidature a été examinée en méconnaissance des principes d'impartialité, de non-discrimination et d'égal accès aux emplois publics ;
- est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une rupture d'égalité entre candidats et d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle justifiait pleinement avoir toutes les capacités requises pour être nommée auditrice de justice.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... A..., juriste assistante au tribunal de première instance de Nouméa, a présenté sa candidature à une intégration dans le corps judiciaire au titre de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. La commission d'avancement prévue à l'article 34 de l'ordonnance a, lors de ses travaux du 27 novembre au 8 décembre 2023, émis un avis défavorable à cette candidature, notifié par un courrier du procureur général près la cour d'appel de Riom du 12 janvier 2024. Par la présente requête, Mme A... demande l'annulation de cet avis.
2. Aux termes de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, alors applicable : " Peuvent être nommées directement auditeurs de justice les personnes que quatre années d'activité dans les domaines juridique, économique ou des sciences humaines et sociales qualifient pour l'exercice des fonctions judiciaires : / 1° Si elles sont titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique ou justifiant d'une qualification reconnue au moins équivalente dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; / 2° Et si elles remplissent les autres conditions fixées aux 2° à 5° de l'article 16. / Peuvent également être nommés dans les mêmes conditions : / (...) c) Les personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à cinq années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique ou justifiant d'une qualification reconnue au moins équivalente dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat qui justifient de trois années au moins d'exercice professionnel en qualité de juriste assistant (...) / Le nombre des auditeurs nommés au titre du présent article ne peut dépasser le tiers du nombre des places offertes aux concours prévus à l'article 17 pour le recrutement des auditeurs de justice de la promotion à laquelle ils seront intégrés. / Les candidats visés au présent article sont nommés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, sur avis conforme de la commission prévue à l'article 34. ". Il résulte de ces dispositions qu'elles ne créent, au profit des candidats, aucun droit à être nommé aux fonctions d'auditeur de justice et que le législateur organique a entendu investir la commission d'avancement d'un large pouvoir dans l'appréciation de l'aptitude à exercer les fonctions d'auditeur de justice.
3. En premier lieu, si la requérante soutient qu'elle aurait vu ses aptitudes remises en cause par le président du tribunal judiciaire d'Aurillac, lors de l'entretien d'examen de sa candidature qui s'est déroulé en visio-conférence le 26 juin 2023, au seul motif qu'elle avait obtenu la plupart de ses diplômes en Nouvelle-Calédonie, cette allégation, contredite par le défendeur, n'est pas assortie d'éléments permettant d'en établir le bien-fondé. De plus, ni la circonstance que le rapport de cet entretien d'examen ait fait état de ce que l'intéressée avait, jusqu'ici, fait preuve d'une faible mobilité géographique et justifiait de compétences fortement orientées sur le droit particulier applicable en Nouvelle-Calédonie, ni le fait que la secrétaire du procureur général près la cour de Nouméa ait témoigné de ce que les deux candidates, dont Mme A..., auxquelles elle a prêté son concours pour le déroulement de cette visio-conférence, avaient, à l'issue de leurs entretiens respectifs, manifesté un même état d'incompréhension et donné toutes deux l'impression d'avoir été heurtées par cette expérience, ne permettent d'établir que la candidature de Mme A... aurait été examinée dans des conditions méconnaissant les principes d'impartialité et d'égal accès aux emplois publics. Le moyen tiré de ce que l'avis litigieux aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière doit, par suite, être écarté.
4. En second lieu, si Mme A... se prévaut d'attestations positives de plusieurs professionnels du droit l'ayant connue en tant que juriste-assistante au service civil du tribunal de première instance de Nouméa, dont notamment les président et vice-président de ce tribunal, ainsi que du rapport d'entretien de la première présidente de la cour d'appel de Riom et du procureur général près cette cour du 27 juin 2023, qui émet un avis favorable à sa candidature, il résulte du compte-rendu d'entretien précité du 26 juin 2023 que le président du tribunal judiciaire d'Aurillac et le procureur général de la République près ce tribunal ont relevé d'importantes lacunes de sa part dans ses connaissances relatives tant à l'organisation de la juridiction judiciaire et aux questions statutaires qu'aux règles de procédure pénale et à la signification de certaines notions fondamentales découlant de la hiérarchie des normes. Il ne ressort, par ailleurs, d'aucune des pièces du dossier que ses mérites auraient été examinés différemment de ceux des autres candidats. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la commission d'avancement aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ni méconnu le principe général d'égalité en émettant un avis défavorable à sa candidature. Enfin, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'avis de la commission d'avancement qu'elle attaque. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par suite, être également rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré à l'issue de la séance du 3 avril 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 12 mai 2025.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Bachini
La secrétaire :
Signé : Mme Magalie Café