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12/05/2025 | FRANCE | N°490144

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 12 mai 2025, 490144


Vu la procédure suivante :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 juin 2022 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre les notes du secrétariat général du ministère de la justice des 4 août 2021 et 24 mars 2022 relatives à la gestion de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) des corps interministériels, corps à statut commun et emplois relevant du ministère de

la justice, en tant qu'elles créent, pour les attachés d'administration stagiaires, un cin...

Vu la procédure suivante :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 juin 2022 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté son recours hiérarchique dirigé contre les notes du secrétariat général du ministère de la justice des 4 août 2021 et 24 mars 2022 relatives à la gestion de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) des corps interministériels, corps à statut commun et emplois relevant du ministère de la justice, en tant qu'elles créent, pour les attachés d'administration stagiaires, un cinquième groupe de fonctions, dénommé 4B, moins favorable, et d'annuler ces deux notes dans cette mesure ;

2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de la reclasser rétroactivement à compter du 1er novembre 2021, date de son affectation, dans le groupe de fonctions 3 correspondant à son poste d'affectation, et de réévaluer en conséquence son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise, en tenant compte de la mesure interministérielle de convergence indemnitaire entrée en vigueur au 1er janvier 2022.

Par un jugement n° 2218097/5-3 du 13 décembre 2023, enregistré le 14 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Paris a, en application des articles R. 311-1 et R. 351-2 du code de justice administrative, transmis au Conseil d'Etat les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la note du 24 mars 2022 et, en application de l'article R. 351-4 de ce code, rejeté comme irrecevables le surplus des conclusions.

Par cette requête, un mémoire en réplique et un autre mémoire, enregistrés les 28 août 2022, 18 juillet et 10 novembre 2023 au greffe du tribunal administratif, Mme C... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la note du secrétariat général du ministère de la justice du 24 mars 2022 relative à la gestion de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise des corps interministériels, corps à statut commun et emplois relevant du ministère de la justice, en tant qu'elle crée, pour les attachés d'administration stagiaires, un cinquième groupe de fonctions, dénommé 4B, moins favorable, ainsi que la décision par laquelle le garde des sceaux a rejeté son recours administratif dirigé contre cette note.

Elle soutient que la note attaquée :

- est entachée d'incompétence et d'une méconnaissance des dispositions du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat et de l'arrêté interministériel du 3 juin 2015 pris pour l'application de ce régime indemnitaire au corps des attachés d'administration de l'Etat ;

- méconnaît le principe d'égalité entre les fonctionnaires appartenant à un même corps, dès lors que le rattachement des attachés stagiaires à un groupe de fonctions spécifique n'est pas prévu pour les attachés du ministère de la justice nommés sur liste d'aptitude, ni pour les attachés recrutés par concours affectés dans autres ministères, et crée également une rupture d'égalité avec les fonctionnaires du ministère de la justice appartenant à d'autres corps et recrutés par concours.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 modifié ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- l'arrête du 3 juin 2015 pris pour l'application au corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été, à l'issue de sa scolarité à l'institut régional d'administration de Lyon, nommée, au 1er novembre 2021, attachée d'administration de l'Etat et affectée en qualité d'attachée-stagiaire sur un poste de rédactrice-experte chargée d'analyse budgétaire au sein du secrétariat général du ministère de la justice et titularisée au 1er mars 2022 sur ce poste, classé au titre de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) en groupe 3. Par la présente requête, elle demande l'annulation pour excès de pouvoir de la note de la cheffe de service des ressources humaines de ce ministère du 24 mars 2022, entrée en vigueur au 1er janvier 2022, relative à la gestion de l'IFSE des corps interministériels, corps à statut commun et emplois relevant du ministère de la justice dans le cadre du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel, en tant que la cartographie des fonctions et socles indemnitaires applicables aux attachés d'administration, figurant à son annexe 7, prévoit un groupe de fonctions, dénommé 4B, réservé aux attachés stagiaires, assorti de montants indemnitaires inférieurs à ceux prévus pour les quatre autres groupes de fonctions.

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat (B...) : " Les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée peuvent bénéficier, d'une part, d'une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et, d'autre part, d'un complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir, dans les conditions fixées par le présent décret (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions. / Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps ou statut d'emploi sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants : / 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception ; / 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions ; / 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel. / Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. / Ce même arrêté fixe les montants minimaux par grade et statut d'emplois, les montants maximaux afférents à chaque groupe de fonctions et les montants maximaux applicables aux agents logés par nécessité de service. (...) ". L'arrêté du 3 juin 2015 de la ministre chargée de la fonction publique et du secrétaire d'Etat chargé du budget, pris pour l'application de ces dispositions au corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat, détermine, à son article 2, les plafonds annuels d'IFSE correspondant à chacun des quatre groupes de fonctions retenus.

3. Il résulte de ces dispositions que le nombre de groupes de fonctions est fixé, pour chaque corps, par un arrêté des ministres chargés de la fonction publique et du budget, signé, le cas échéant, du ministre intéressé, et que, s'agissant du corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat, l'arrêté interministériel du 3 juin 2015 cité au point précédent prévoit que les fonctions correspondantes sont réparties en quatre groupes. Il résulte, en outre, des dispositions de l'article 2 du décret du 20 mai 2014, rappelées au point précédent, que les groupes mentionnés doivent être constitués sur la base des fonctions occupées par les fonctionnaires du corps concerné, réparties selon des critères professionnels formalisés. Par suite, en prévoyant, à l'annexe 7 de la note du 24 mars 2022 attaquée, pour les attachés d'administration relevant du ministère de la justice, un groupe de fonctions 4B, qui doit être regardé comme un cinquième groupe, destiné aux attachés stagiaires, indépendamment des fonctions exercées, le garde des sceaux a entaché cette note d'incompétence et méconnu l'article 2 du décret du 20 mai 2014 précité, ainsi que l'arrêté du 3 juin 2015 de la ministre chargée de la fonction publique et du secrétaire d'Etat chargé du budget, pris pour l'application de ces dispositions au corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que la requérante est fondée à demander l'annulation de la note du 24 mars 2022 en tant qu'elle prévoit, à son annexe 7, un cinquième groupe de fonctions destiné aux attachés d'administration stagiaires.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La note du 24 mars 2022 de la cheffe du service des ressources humaines du ministère de la justice relative à la gestion de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise des corps interministériels, corps à statut commun et emplois relevant du ministère de la justice dans le cadre du régime indemnitaire dit B... est annulée en tant qu'elle prévoit un cinquième groupe de fonctions destiné aux attachés d'administration stagiaires.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... C..., au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et au tribunal administratif de Paris.

Délibéré à l'issue de la séance du 3 avril 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 12 mai 2025.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

Le rapporteur :

Signé : M. Bruno Bachini

La secrétaire :

Signé : Mme Magalie Café


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 490144
Date de la décision : 12/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mai. 2025, n° 490144
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: Mme Maïlys Lange

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:490144.20250512
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