Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2007, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2004331 du 7 octobre 2021, ce tribunal a prononcé la réduction, à hauteur de 30 000 euros, de la majoration pour manœuvres frauduleuses dont avaient été assorties les impositions en litige et rejeté le surplus de la demande de M. B....
Par un arrêt n° 21PA06237 du 17 mai 2024, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B... contre l'article 2 de ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 juillet, 17 octobre et 29 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de M. B... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 mars 2025, présentée par M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., qui détenait 30,57 % du capital de la société de droit français Hibiscus, et la société de droit luxembourgeois Luxhi, qui détenait 25,79 % du capital de cette même société, ont, conjointement avec ses autres actionnaires, cédé, le 5 décembre 2007, leurs actions de la société Hibiscus à la société Gravograph Industrie International, la société Luxhi recevant en paiement de ses titres la somme de 3 280 585 euros, représentant 63,55 % du prix de vente total. Estimant que M. B... avait bénéficié, en qualité d'ayant-droit économique de la société Luxhi et de maître de l'affaire disposant seul des fonds sociaux, notamment ceux issus de la cession des titres de la société Hibiscus, d'une répartition d'un montant de 3 280 252 euros opérée par la société Luxhi, l'administration a imposé cette somme entre les mains de l'intéressé sur le fondement du 3° de l'article 120 du code général des impôts. Après avoir réduit de 30 000 euros les majorations pour manœuvres frauduleuses dont avaient été assorties les impositions en litige pour tenir compte de la condamnation de l'intéressé à une amende de même montant pour fraude fiscale prononcée à raison des mêmes faits par un arrêt devenu définitif de la cour d'appel de Lyon, le tribunal administratif de Montreuil a, par un jugement du 7 octobre 2021, rejeté le surplus des conclusions en décharge de M. B.... Ce dernier se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 mai 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il avait formé contre l'article 2 de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 120 du code général des impôts, dans sa version applicable aux impositions en litige : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article : / 1° Les dividendes, intérêts, arrérages et tous autres produits des actions de toute nature et des parts de fondateur des sociétés, compagnies ou entreprises financières, industrielles, commerciales, civiles et généralement quelconques dont le siège social est situé à l'étranger quelle que soit l'époque de leur création ; (...) 3° Les répartitions faites aux associés, aux actionnaires et aux porteurs de parts de fondateur des mêmes sociétés, à un titre autre que celui de remboursement d'apports ou de primes d'émission. Une répartition n'est réputée présenter le caractère d'un remboursement d'apport ou de prime que si tous les bénéfices ou réserves ont été auparavant répartis. Les dispositions prévues à la deuxième phrase ne s'appliquent pas lorsque la répartition est effectuée au titre du rachat par la société émettrice de ses propres titres. (...) ".
3. Après avoir estimé que l'administration fiscale apportait la preuve que M. B... avait la qualité de seul maître de l'affaire de la société Luxhi jusqu'à sa dissolution le 28 décembre 2007, qu'il avait transféré, le 18 janvier 2008, la somme de 3 280 585 euros perçue par cette société lors de la cession des titres de la société Hibiscus sur des comptes bancaires qu'il gérait personnellement, et qu'ainsi il avait, en qualité d'ayant-droit économique de la société Luxhi, perçu au titre de l'année 2007 le produit de la vente des titres de la société Hibiscus revenant à la société luxembourgeoise, la cour administrative d'appel de Paris en a déduit que l'administration fiscale avait pu à bon droit regarder cette somme comme une répartition faite à M. B..., imposable entre ses mains sur le fondement des dispositions précitées du 3° de l'article 120 du code général des impôts. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la société Luxhi avait pour associée unique la société panaméenne Charmayne Overseas Corp et que la seule circonstance que M. B... avait la qualité de maître de l'affaire de la société Luxhi et d'ayant-droit économique de ses comptes ne permettait pas de le regarder comme un associé, un actionnaire ou un porteur de parts de cette société au sens du 3° de l'article 120 du code général des impôts, la cour a commis une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 27 mai 2024 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 mars 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.
Rendu le 9 mai 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle