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07/05/2025 | FRANCE | N°494468

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 07 mai 2025, 494468


Vu les procédures suivantes :



La société Kem One a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016 dans les rôles des communes de Fos-sur-Mer et de Martigues (Bouches-du-Rhône). Par un jugement nos 1709300, 1709301, 1709302, 1709303 du 8 novembre 2019, ce tribunal a fait droit à sa demande. Par une décision n° 437408 du 22 octobre 2021, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des

comptes publics, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé ce jugemen...

Vu les procédures suivantes :

La société Kem One a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016 dans les rôles des communes de Fos-sur-Mer et de Martigues (Bouches-du-Rhône). Par un jugement nos 1709300, 1709301, 1709302, 1709303 du 8 novembre 2019, ce tribunal a fait droit à sa demande. Par une décision n° 437408 du 22 octobre 2021, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire devant ce tribunal, lequel a rejeté la demande de la société par un jugement n° 2109273 du 22 mars 2024.

Par deux réclamations du 27 décembre 2018 soumises d'office au tribunal administratif de Marseille en application des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales, la société Kem One a par ailleurs demandé la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2017 et 2018 dans les rôles des mêmes communes. Par deux jugements n° 1901823 et n° 1902041 du 30 septembre 2020, ce tribunal a fait droit à ses demandes. Par deux ordonnances n° 446501 et n° 446505 du 10 janvier 2022, le président de la 9ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat, saisi de pourvois présentés par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé ces jugements et renvoyé les affaires devant ce tribunal lequel, par deux jugements n° 2200336 et

n° 2200340 du 22 mars 2024, a rejeté les demandes de la société.

II. - Sous le numéro 494469, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai et 22 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Kem One demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 2200336 du 22 mars 2024 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

III. - Sous le numéro 494472, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai et 22 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Kem One demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 2200340 du 22 mars 2024 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoît Chatard, auditeur,

- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Kem One ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par un contrat de cession du 22 mai 2012, le groupe Arkema a convenu de céder au groupe Klesch son activité de production de produits vinyliques. Par un traité d'apport partiel d'actifs du

2 juillet 2012, prévoyant que cet apport était réalisé pour les besoins de la cession de cette activité, la société Arkema France a apporté les actifs correspondants, comprenant deux établissements industriels exploités dans les communes de Martigues et de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), à la société DIFI 7, autre société du groupe. Le même jour, la société Klesch Chemicals a acquis les titres de la société DIFI 7, qui a été par la suite renommée Kem One. Par trois jugements du 22 mars 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de la société Kem One tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2018 dans les rôles de ces communes. La société Kem One demande l'annulation de ces trois jugements par trois pourvois distincts qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l'article 1499 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 1518 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession. / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux seules immobilisations corporelles directement concernées par l'opération d'apport, de scission, de fusion ou de cession, dont la valeur locative a été retenue au titre de l'année précédant l'opération. (...) / [5ème alinéa] Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération. (...) / [11ème alinéa] Par exception aux cinquième et sixième alinéas, pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2011 et mentionnées au premier alinéa ou au sixième alinéa, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure à : / [12ème alinéa] 1° 100 % de son montant avant l'opération lorsque, directement ou indirectement, l'entreprise cessionnaire ou bénéficiaire de l'apport contrôle l'entreprise cédante, apportée ou scindée ou est contrôlée par elle, ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise ; (...) ".

3. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que les opérations successives consistant en l'apport des établissements en litige par la société Arkema France à une autre filiale du groupe puis, le même jour, conformément à ce qui avait été prévu dans le traité d'apport, en la cession des titres de cette filiale à la société Klesch Chemicals, non liée à la société Arkema France, s'inscrivaient dans le cadre d'une opération globale de cession à un tiers d'une branche d'activité, ainsi qu'il ressortait du contrat de cession du 22 mai 2012. Dès lors, ces opérations doivent être analysées comme une opération unique de cession d'établissement au sens et pour l'application du premier alinéa de l'article 1518 B du code général des impôts, entre deux entreprises non liées relevant par suite du cinquième alinéa de cet article qui prévoit que la valeur locative des immobilisations corporelles de l'établissement cédé ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération de cession.

4. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en jugeant que l'apport partiel d'actifs et la cession de titres en cause constituaient deux opérations distinctes et successives et que la première ayant été réalisée entre deux sociétés liées, il convenait d'appliquer, pour la détermination de la valeur locative des immobilisations corporelles, non pas les dispositions du cinquième alinéa de l'article 1518 B du code général des impôts mais celles des onzième et douzième alinéas du même article prévoyant la fixité de cette valeur locative en cas d'apport entre deux entreprises dont l'une contrôle l'autre ou qui sont contrôlées par la même entreprise, le tribunal administratif de Marseille a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et commis une erreur de droit. La société Kem One est dès lors fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de ses pourvois, à demander l'annulation des jugements qu'elle attaque.

5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, de seconds pourvois en cassation, il lui incombe de régler les affaires au fond.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la cession des établissements en litige n'est pas intervenue entre deux entreprises dont l'une contrôlait l'autre ou qui auraient été contrôlées par la même entreprise. Il en résulte que la société requérante est fondée à demander la réduction des cotisations de taxes foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie dans les rôles des communes de Martigues et de Fos-sur-Mer au titre des années 2014 à 2018, à hauteur des montants résultant de l'application du cinquième alinéa de l'article 1518 B du code général des impôts.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des différentes instances.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les jugements n° 2109273, n° 2200336 et n° 2200340 du 22 mars 2024 sont annulés.

Article 2 : La société Kem One est déchargée des montants de cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie dans les rôles des communes de Martigues et de Fos-sur-Mer au titre des années 2014 à 2018, excédant ceux définis au point 6 de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la société Kem One la somme de 6 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Kem One et au ministre de l'économie,

des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 mars 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,

Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Vincent Daumas, M. Nicolas Polge,

M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Benoît Chatard, auditeur-rapporteur.

Rendu le 7 mai 2025.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Benoît Chatard

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 494468
Date de la décision : 07/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mai. 2025, n° 494468
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Benoît Chatard
Rapporteur public ?: M. Bastien Lignereux
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:494468.20250507
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