Vu les procédures suivantes :
La société Bolloré Logistics a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 7 octobre 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a mise en demeure de participer solidairement au retrait des déchets de batteries usagées situées dans la cellule 1 de l'entrepôt incendié le 16 janvier 2023 à Grand-Couronne et de participer solidairement à l'élimination de la pollution des eaux souterraines au lithium au droit de la cellule 1 de cet entrepôt. Par une ordonnance n° 2404457 du 5 décembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a suspendu l'exécution de cet arrêté.
La société Blue Solutions a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 7 octobre 2024 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a mise en demeure de faire procéder au retrait des déchets de batteries usagées situées dans la cellule 1 de l'entrepôt incendié le 16 janvier 2023 à Grand-Couronne et d'éliminer la pollution des eaux souterraines au lithium au droit de la cellule 1 de cet entrepôt. Par une ordonnance n° 2404467 du 5 décembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a suspendu l'exécution de cet arrêté.
1° Sous le n° 499977, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre 2024 et 8 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 2404457 du 5 décembre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen.
Elle soutient que l'ordonnance attaquée est entachée :
- d'une erreur de droit ou, à tout le moins, d'une dénaturation des pièces du dossier en ce que le juge des référés a estimé qu'était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté en cause le moyen tiré de ce que les batteries en litige ne pouvaient pas être considérées, avant l'incendie, comme des déchets dont la société Blue Solutions était détenteur ;
- d'une erreur de droit ou, à tout le moins, d'une dénaturation des pièces du dossier en ce que le juge des référés a estimé qu'était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté en cause le moyen tiré de ce que l'article L. 541-23 du code de l'environnement ne permettait pas d'édicter à l'encontre de la société Bolloré Logistics une mise en demeure de réaliser une opération matérielle de retrait des déchets sur le fondement de l'article L. 541-3 du code de l'environnement au motif qu'il n'est pas établi que cette société aurait elle-même la qualité de détenteur ou de producteur de déchets ;
- d'une dénaturation des pièces du dossier en ce que le juge des référés a estimé qu'était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté en cause le moyen tiré de ce que celui-ci accordait un délai trop bref et irréalisable à la société Bolloré Logistics pour participer au retrait des débris de batteries présents sur le site ;
- d'une erreur de droit en ce que le juge des référés a estimé que le moyen tiré de ce que l'obligation de participation au fonctionnement d'une barrière hydraulique visant à prévenir la pollution des eaux souterraines ne faisait pas partie des mesures pouvant être ordonnées par l'autorité compétente sur le fondement de l'article L. 541-3 du code de l'environnement au titre de la police des déchets était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté en cause, en tant que son article 2 prescrit une telle mesure à la société Bolloré Logistics ;
- d'une erreur de droit ou, à tout le moins, d'une dénaturation des pièces du dossier en ce que le juge des référés, pour apprécier la condition d'urgence, s'est fondé sur la circonstance que les mesures prescrites par le préfet présentaient des coûts très importants et devaient être réalisées dans des délais particulièrement brefs eu égard à la technicité des opérations de déblaiement des déchets de l'incendie, en en déduisant que l'arrêté portait une atteinte grave et immédiate à la situation de la société Bolloré Logistics ;
- d'une erreur de droit ou, à tout le moins, d'une dénaturation des pièces du dossier en ce que le juge des référés, pour apprécier la condition d'urgence, s'est fondé sur la circonstance qu'il n'était pas démontré que la société Highway France Logistics 8 n'était pas en mesure de faire face aux obligations qui lui ont été prescrites par arrêté du 28 juillet 2023 en sa qualité d'exploitante de l'installation classée siège de l'incendie ;
- d'une dénaturation des pièces du dossier en ce que le juge des référés, pour considérer que la condition d'urgence à suspendre l'exécution de l'arrêté litigieux était satisfaite, s'est borné à relever que la société Highway France Logistics 8 n'avait, à la date de l'ordonnance attaquée, pas été mise en demeure par l'autorité préfectorale de respecter les prescriptions mises à sa charge depuis le 28 juillet 2023 relatives à l'évacuation des déblais de l'incendie ;
- d'une erreur de droit et d'une contradiction de motifs ou, à tout le moins, d'une dénaturation des pièces du dossier en ce que le juge des référés, pour écarter l'urgence s'attachant à l'exécution de l'arrêté préfectoral litigieux, s'est fondé sur la circonstance que, si la pollution des eaux souterraines au lithium au droit de la cellule 1 de l'entrepôt était avérée et si le risque d'une pollution des milieux aquatiques était réel, il était constant qu'aucun risque sanitaire n'avait été identifié, qu'aucune norme réglementaire ni norme de qualité environnementale n'existait pour le paramètre lithium et qu'un dispositif de confinement hydraulique destiné à protéger les eaux souterraines avait été mis en place au cours de l'année 2023.
2° Sous le n° 499979, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre 2024 et 8 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 2404467 du 5 décembre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen.
Elle soutient que l'ordonnance attaquée est entachée :
- d'une erreur de droit ou, à tout le moins, d'une dénaturation des pièces du dossier en ce que le juge des référés a estimé qu'était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté en cause le moyen tiré de ce que les batteries en litige ne pouvaient pas être considérées, avant l'incendie, comme des déchets dont la société Blue Solutions était détentrice ;
- d'une erreur de droit ou, à tout le moins, d'une dénaturation des pièces du dossier en ce que le juge des référés a estimé qu'était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté en cause le moyen tiré de ce que l'article L. 541-23 du code de l'environnement ne permettait pas d'édicter à l'encontre de la société Blue Solutions une mise en demeure de réaliser une opération matérielle de retrait des déchets sur le fondement de l'article L. 541-3 du code de l'environnement ;
- d'une dénaturation des pièces du dossier en ce que le juge des référés a estimé qu'était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté en cause le moyen tiré de ce que celui-ci accordait un délai trop bref et irréalisable à la société Blue Solutions pour participer au retrait des débris de batteries présents sur le site ;
- d'une erreur de droit en ce que le juge des référés a estimé que le moyen tiré de ce que l'obligation de participation au fonctionnement d'une barrière hydraulique visant à prévenir la pollution des eaux souterraines ne faisait pas partie des mesures pouvant être ordonnées par l'autorité compétente sur le fondement de l'article L. 541-3 du code de l'environnement au titre de la police des déchets était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté en cause en tant que son article 2 prescrit une telle mesure à la société Blue Solutions ;
- d'une erreur de droit ou, à tout le moins, d'une dénaturation des pièces du dossier en ce que le juge des référés, pour apprécier la condition d'urgence, s'est fondé sur la circonstance que les mesures prescrites par le préfet présentaient des coûts très importants et devaient être réalisées dans des délais particulièrement brefs eu égard à la technicité des opérations de déblaiement des déchets de l'incendie, en en déduisant que l'arrêté portait une atteinte grave et immédiate à la situation de la société Blue Solutions ;
- d'une erreur de droit ou, à tout le moins, d'une dénaturation des pièces du dossier en ce que le juge des référés, pour apprécier la condition d'urgence, s'est fondé sur la circonstance qu'il n'était pas démontré que la société Highway France Logistics 8 n'était pas en mesure de faire face aux obligations qui lui ont été prescrites par arrêté du 28 juillet 2023 en sa qualité d'exploitante de l'installation classée siège de l'incendie ;
- d'une dénaturation des pièces du dossier en ce que le juge des référés, pour estimer que la condition d'urgence à suspendre l'exécution de l'arrêté litigieux était satisfaite, s'est borné à relever que la société Highway France Logistics 8 n'avait, à la date de l'ordonnance attaquée, pas été mise en demeure par l'autorité préfectorale de respecter les prescriptions mises à sa charge depuis le 28 juillet 2023 relatives à l'évacuation des déblais de l'incendie ;
- d'une erreur de droit et d'une contradiction de motifs ou, à tout le moins, d'une dénaturation des pièces du dossier en ce que le juge des référés, pour écarter l'urgence s'attachant à l'exécution de l'arrêté préfectoral litigieux, s'est fondé sur la circonstance que, si la pollution des eaux souterraines au lithium au droit de la cellule 1 de l'entrepôt était avérée et si le risque d'une pollution des milieux aquatiques était réel, il était constant qu'aucun risque sanitaire n'avait été identifié, qu'aucune norme réglementaire ni norme de qualité environnementale n'existait pour le paramètre lithium et qu'un dispositif de confinement hydraulique destiné à protéger les eaux souterraines avait été mis en place au cours de l'année 2023.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Léo André, auditeur,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de la société Bolloré Logistics, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Blue Solutions et à la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Highway France Logistics 8;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces des dossiers soumis au juge des référés du tribunal administratif de Rouen que, le 16 janvier 2023, un incendie est survenu dans un entrepôt situé à Grand-Couronne (Seine-Maritime) et relevant, en tant qu'installation de stockage de produits et de matériaux combustibles, de la rubrique n° 1510 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Par un arrêté du 17 janvier 2023, modifié à plusieurs reprises et en dernier lieu par un arrêté du 27 juin 2024, le préfet de Seine-Maritime a, au titre de la police des installations classées pour la protection de l'environnement et sur le fondement de l'article L. 512-20 du code de l'environnement, prescrit diverses mesures d'urgence à la société Highway France Logistics 8, propriétaire et exploitante de cet entrepôt. Par un arrêté du 28 juillet 2023, le préfet a, au même titre, prescrit à cette société des mesures tendant notamment à la gestion des déblais issus de l'incendie ainsi qu'à la gestion et au traitement de la pollution des eaux souterraines, notamment la mise en place d'une barrière hydraulique. Toutefois, postérieurement à cet arrêté, et à l'issue d'investigations sur l'origine du sinistre, il est apparu que l'incendie s'était déclaré dans la cellule n° 1 de l'entrepôt, dans laquelle étaient stockées, par la société Bolloré Logistics, 892 tonnes de batteries au lithium usagées, produites par l'une de ses filiales, la société Blue Solutions. Par un arrêté du 7 octobre 2024, le préfet de la Seine-Maritime a mis en demeure la société Blue Solutions, au titre de la police des déchets, en application notamment de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, de faire procéder au retrait des déchets issus de l'incendie de ces batteries usagées et d'éliminer la pollution des eaux souterraines au lithium au droit de la cellule n° 1 de l'entrepôt incendié, soit en prenant en charge les frais liés au fonctionnement de la barrière hydraulique mise en place par la société Highway France Logistics 8, soit en mettant en œuvre, avant le 31 décembre 2024, un nouveau dispositif validé par un hydrogéologue agréé visant à réduire à terme la concentration en lithium dans les eaux de la nappe alluviale au droit du site sous le seuil de 840 µg/l. Par un arrêté distinct du même jour, le préfet a mis en demeure la société Bolloré Logistics, sur le même fondement, de participer solidairement, en tant que personne ayant pris en charge des déchets sans y être autorisée, au retrait des déchets issus de l'incendie des batteries usagées et de participer solidairement à l'élimination de la pollution des eaux souterraines au lithium au droit de la cellule n° 1 de l'entrepôt, soit en participant solidairement aux frais liés au fonctionnement de la barrière hydraulique mise en place par la société Highway France Logistics 8, soit en participant solidairement à la mise en œuvre, avant le 31 décembre 2024, d'un nouveau dispositif validé par un hydrogéologue agréé visant à réduire à terme la concentration en lithium dans les eaux de la nappe alluviale au droit du site sous le seuil de 840 µg/l. Par deux pourvois, enregistrés sous les numéros 499977 et 499979, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche demande, respectivement, l'annulation des deux ordonnances du 5 décembre 2024 par lesquelles le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a suspendu l'exécution de ces arrêtés du 7 octobre 2024 sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.
2. Il y a lieu de joindre ces pourvois pour statuer par une même décision.
Sur l'intervention de la société Highway France Logistics 8 :
3. La société Highway France Logistics 8 justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation des ordonnances attaquées. Ses interventions au soutien des pourvois numéros 499977 et 499979 de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sont, par suite, recevables.
Sur l'exception de non-lieu à statuer sur le pourvoi n° 499979 opposée par la société Blue Solutions :
4. Si la société Blue Solutions soutient que des mesures équivalentes aux mesures prescrites par l'arrêté du 7 octobre 2024 la mettant en demeure auraient été mises en œuvre par la société Highway France Logistics 8 et que cet arrêté aurait, par suite, perdu son objet, elle n'établit pas, en tout état de cause, que cet arrêté n'aurait plus vocation à être exécuté ou que l'élimination de la pollution au lithium des eaux souterraines au droit de la cellule 1 de l'entrepôt incendié, objet de l'article 2 de l'arrêté en cause, serait achevée à la date de la présente décision. Par suite, la société Blue Solutions n'est pas fondée à soutenir qu'il n'y aurait plus lieu de statuer sur le pourvoi n° 499979.
Sur les pourvois :
5. En premier lieu, il ressort des énonciations des ordonnances attaquées que, pour juger remplie la condition d'urgence et suspendre l'exécution des arrêtés litigieux, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a estimé que ces arrêtés portaient une atteinte grave et immédiate à la situation des sociétés Blue Solutions et Bolloré Logistics, en se fondant sur le fait que la réalisation des mesures prescrites par les arrêtés en cause représenterait des coûts très importants. En prenant seulement en compte la valeur absolue des coûts en cause, sans apprécier ces coûts à l'aune de la capacité financière de ces sociétés ni tenir compte des obligations qui leur incombaient au titre de leur activité, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit.
6. En deuxième lieu, il ressort des énonciations des ordonnances attaquées que, pour écarter l'urgence à exécuter les arrêtés litigieux, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a notamment estimé que la société Highway France Logistics 8 n'avait, à la date de ces ordonnances, pas été mise en demeure par l'autorité préfectorale de respecter les prescriptions prévues à son encontre par l'arrêté du 28 juillet 2023 en sa qualité d'exploitante de l'installation classée incendiée et qu'il n'était pas établi que cette société ne serait pas en mesure de faire face à ces obligations. Toutefois, les articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement ont créé un régime juridique, distinct de celui des installations classées pour la protection de l'environnement, destiné à prévenir ou à remédier à toute atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement causée par des déchets. Il résulte, en outre, des dispositions de l'article R. 541-12-16 du même code que, lorsque les déchets se trouvent sur le site d'une installation classée pour la protection de l'environnement, le préfet est compétent pour prendre à l'égard du producteur ou du détenteur des déchets, au titre de la police des déchets, les mesures nécessaires à leur élimination. Par suite, en se fondant, pour écarter l'urgence à exécuter les arrêtés préfectoraux litigieux, pris au titre de la police des déchets, sur les mesures prescrites par ailleurs, sur le fondement de la police des installations classées pour la protection de l'environnement, à la société exploitant l'installation dans laquelle est survenu l'incendie, le juge des référés du tribunal administratif a entaché ses ordonnances d'une autre erreur de droit.
7. Enfin, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, après avoir relevé que la pollution des eaux souterraines au lithium au droit du site était avérée et que le risque d'une pollution des milieux aquatiques était réel, s'est fondé, pour écarter l'urgence à mettre en œuvre les mesures prescrites par les arrêtés litigieux, sur la circonstance qu'aucune norme réglementaire ni aucune norme de qualité environnementale n'existait pour définir la teneur en lithium dans les eaux souterraines. En se fondant sur cette circonstance, alors que le préfet invoquait des éléments tendant à établir un risque pour l'environnement et pour la santé des populations, lié à une pollution élevée des eaux souterraines au lithium, le juge des référés a commis une erreur de droit.
8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche est fondée à demander l'annulation des ordonnances qu'elle attaque.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
10. En premier lieu, pour justifier de l'urgence à suspendre les arrêtés contestés, les sociétés Blue Solutions et Bolloré Logistics font valoir que les mesures qui leur ont été prescrites par les arrêtés préfectoraux litigieux entraîneraient des répercussions financières importantes, estimées à 3,2 millions d'euros pour le retrait des déchets et entre 150 000 et 200 000 euros par mois pour le fonctionnement de la barrière hydraulique, et leur porteraient à ce titre une atteinte grave et immédiate. Toutefois, il résulte de l'instruction que ces sociétés n'avancent aucun élément permettant d'établir que ces coûts, qui, d'une part, ont été mis à leur charge solidaire et, d'autre part, résultent de la mise en œuvre par le préfet des pouvoirs de police spéciale qu'il détient à l'encontre d'un producteur ou d'un détenteur de déchets en vertu notamment des dispositions combinées des articles L. 541-2 et L. 541-3 du code de l'environnement lorsque des déchets sont déposés ou gérés contrairement aux prescriptions de ce code, seraient disproportionnés au regard de leurs capacités financières respectives et constitueraient une charge qu'elles ne seraient pas en mesure d'assumer. Si ces sociétés invoquent la circonstance que le maintien des arrêtés contestés pourrait, à terme, les exposer à un risque pénal et leur causer un préjudice d'image, ces considérations ne sont pas de nature à justifier l'urgence à suspendre les arrêtés contestés.
11. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, il résulte de l'instruction que, d'une part, les teneurs en lithium qui ont été constatées dans les eaux souterraines au droit de la cellule 1 de l'entrepôt incendié sont particulièrement élevées, atteignant à certains endroits des niveaux supérieurs à 20 000 µg/l, que, d'autre part, les études scientifiques menées en 2022 par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) tendent à établir une valeur cible maximale en lithium de 20 µg/l pour les organismes aquatiques des eaux douces et de 840 µg/l pour l'eau destinée au réseau potable, et, enfin, que les mesures prescrites par les arrêtés litigieux tendent, à travers la mise en place d'un dispositif de confinement hydraulique, à réduire à terme la concentration en lithium dans les eaux de la nappe alluviale au droit du site sous le seuil de 840 µg/l. Au regard de ces éléments, il y a lieu de considérer, compte tenu de l'intérêt public qui s'attache à la préservation des risques d'atteinte à l'environnement et à la santé des populations, que l'urgence à mettre en œuvre les mesures prescrites aux sociétés Blue Solutions et Bolloré Logistics par les arrêtés du 7 octobre 2024 est en l'espèce caractérisée.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité des arrêtés contestés, que la condition d'urgence à suspendre l'exécution de ces arrêtés ne peut être regardée comme remplie. Il y a lieu, par suite, de rejeter les demandes de suspension présentées par les sociétés Bolloré Logistics et Blue Solutions devant le juge des référés du tribunal administratif de Rouen.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, au titre des frais de l'instance, à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les interventions de la société Highway France Logistics 8 au soutien des pourvois nos 499977 et 499979 sont admises.
Article 2 : Les ordonnances du 5 décembre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen sont annulées.
Article 3 : Les demandes présentées par les sociétés Bolloré Logistics et Blue Solutions devant le juge des référés du tribunal administratif de Rouen sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions des sociétés Bolloré Logistics et Blue Solutions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, à la société Bolloré Logistics, à la société Blue Solutions et à la société Highway France Logistics 8.
Délibéré à l'issue de la séance du 3 avril 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et M. Léo André, auditeur-rapporteur.
Rendu le 5 mai 2025.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
Le rapporteur :
Signé : M. Léo André
La secrétaire :
Signé : Mme Magalie Café