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02/05/2025 | FRANCE | N°495728

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 02 mai 2025, 495728


Vu la procédure suivante :



Mme B... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution, en premier lieu, de l'arrêté du 5 juillet 2023 par lequel la préfète du Rhône lui a imposé des prescriptions spéciales, en qualité d'ayant-droit de M. A... C..., afin de mener des travaux sur l'ancien site A... C..., sur le territoire de la commune de Grézieu-la-Varenne (Rhône), en deuxième lieu, de l'arrêté du 15 novembre 2023 par lequel la pr

éfète du Rhône l'a mise en demeure de respecter, dans un délai d'un mois, les ...

Vu la procédure suivante :

Mme B... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution, en premier lieu, de l'arrêté du 5 juillet 2023 par lequel la préfète du Rhône lui a imposé des prescriptions spéciales, en qualité d'ayant-droit de M. A... C..., afin de mener des travaux sur l'ancien site A... C..., sur le territoire de la commune de Grézieu-la-Varenne (Rhône), en deuxième lieu, de l'arrêté du 15 novembre 2023 par lequel la préfète du Rhône l'a mise en demeure de respecter, dans un délai d'un mois, les articles 3.2 et 3.4 de l'arrêté du 5 juillet 2023 en transmettant un justificatif d'engagement de l'interprétation de l'état des milieux (IEM) et le résultat de l'expertise du bâtiment A et, en troisième lieu, de l'arrêté du 17 mai 2024 de la préfète du Rhône portant obligation de consigner la somme de 107 000 euros.

Par une ordonnance nos 2405265, 2405269 et 2405292 du 18 juin 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi, enregistré le 5 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de Mme C... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 mars 2025, présentée par Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, le 19 novembre 1959, a été déclarée au nom de " C... Fils " une activité de dégraissage de soieries, d'ennoblissement textile, d'ignifugation et de blanchisserie, relevant de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), sur un site implanté au lieu-dit " Le Tupinier " sur le territoire de la commune de Grézieu-la-Varenne (Rhône). Il ressort de ces mêmes pièces qu'une seconde société créée en 1965, la société Dasi, dont le gérant était également M. C..., a exercé sur le site une activité de blanchisserie et de nettoyage de produits textiles et, pour cela, a fait l'objet d'une déclaration au titre de la police des ICPE en 1982. L'activité de ces sociétés ayant progressivement cessé, la destination des terrains a été modifiée pour être affectée à un usage d'habitation, et les terrains ont été cédés à des tiers. Après la découverte, par des riverains, d'une nappe d'hydrocarbures dans le sous-sol, le préfet du Rhône a pris deux séries d'arrêtés, dirigés, les uns, contre la société Khalyge 1, désignée comme ayant-droit de la société Dasi, les autres, contre la société ATC Energie, en tant qu'ayant-droit de la société ID C.... Par un jugement du 23 janvier 2023, devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'ensemble des arrêtés pris à l'encontre de la société ATC Energie. Par un arrêté du 5 juillet 2023, la préfète du Rhône a imposé, sur le fondement des dispositions de l'article R. 512-66-2 du code de l'environnement, des prescriptions spéciales à M. D... C... et Mme B... C..., en qualité d'héritiers et ayants-droits de M. A... C..., en vue de remettre en état le site. Par un arrêté du 15 novembre 2023, pris cette fois sur le fondement des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, la préfète du Rhône les a ensuite mis en demeure de respecter, dans un délai d'un mois, les articles 3.2 et 3.4 de l'arrêté du 5 juillet 2023, en transmettant un justificatif d'engagement de l'interprétation de l'état des milieux et le résultat de l'expertise du bâtiment A. Enfin, par un arrêté du 17 mai 2024, pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 171-8 précité, la préfète du Rhône a obligé Mme B... C... à s'acquitter entre les mains du comptable public d'une somme de 107 000 euros, en vue de sa consignation, correspondant au montant des études et travaux d'interprétation de l'état des milieux et d'expertise des bâtiments. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 18 juin 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, saisi par Mme C... sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution des arrêtés des 5 juillet et 15 novembre 2023 et du 17 mai 2024 en tant qu'ils la concernent.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. En premier lieu, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

4. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour juger remplie la condition d'urgence et suspendre l'exécution des trois arrêtés litigieux, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a, après avoir relevé le coût très élevé des mesures prescrites à l'égard de Mme C... au regard de ses revenus et de ses charges, écarté comme inopérante l'argumentation du préfet du Rhône invoquant en défense l'intérêt général qui s'attache à la réalisation des mesures prescrites pour limiter l'expansion des pollutions constatées et la contamination des habitations voisines. En statuant ainsi, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, à qui il appartenait, au regard des principes rappelés au point 3, de se livrer à une appréciation objective, globale et concrète de la situation d'urgence, tenant compte notamment de l'urgence à exécuter les arrêtés litigieux au regard des intérêts publics invoqués en défense, a commis une erreur de droit.

5. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Pour demander la suspension de l'exécution des trois arrêtés contestés, Mme C... soutient que l'arrêté du 5 juillet 2023 n'est pas suffisamment motivé, qu'elle n'est pas la dernière exploitante des activités à l'origine de la pollution en litige, que sa qualité d'héritière de M. A... C... ne saurait lui conférer la qualité d'ayant-droit, au sens du code de l'environnement, les biens et droits permettant l'exploitation de l'activité précédemment exercée ayant été transférés, à la cessation d'activité, à sa mère, dont elle a refusé la succession, puis à la société ID C....

8. Aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une situation d'urgence, la demande de Mme C... tendant à la suspension de l'exécution des trois arrêtés qu'elle conteste doit être rejetée.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 18 juin 2024 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à Mme B... C....

Délibéré à l'issue de la séance du 27 mars 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 2 mai 2025.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Juliette Mongin

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 495728
Date de la décision : 02/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 mai. 2025, n° 495728
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Juliette Mongin
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:495728.20250502
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