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02/05/2025 | FRANCE | N°491334

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 02 mai 2025, 491334


Vu la procédure suivante :



La société à responsabilité limitée (SARL) Hydroseven a demandé au tribunal administratif de Lyon, en premier lieu, d'annuler les deux arrêtés du 31 octobre 2019 par lesquels le préfet de l'Ardèche, d'une part, a fixé des mesures conservatoires dans l'attente du respect des prescriptions administratives en vue de la suspension immédiate des travaux réalisés sur le seuil n° ROE72970, dénommé " tournant de Fargescure " sur la rivière Ardèche, sur le territoire de la commune de Barnas (Ardèche), d'autre part, l'a mise en

demeure de procéder à la remise en état du site, et, en second lieu, de condamn...

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Hydroseven a demandé au tribunal administratif de Lyon, en premier lieu, d'annuler les deux arrêtés du 31 octobre 2019 par lesquels le préfet de l'Ardèche, d'une part, a fixé des mesures conservatoires dans l'attente du respect des prescriptions administratives en vue de la suspension immédiate des travaux réalisés sur le seuil n° ROE72970, dénommé " tournant de Fargescure " sur la rivière Ardèche, sur le territoire de la commune de Barnas (Ardèche), d'autre part, l'a mise en demeure de procéder à la remise en état du site, et, en second lieu, de condamner l'État au versement d'une indemnité de 100 000 euros en réparation des pertes liées aux retards administratifs successifs, ainsi que d'une indemnité de 250 000 euros au profit de la société Hydrinnelec, son associée, du fait des préjudices financiers subis en lien avec ce projet et d'autres projets initiés par cette société.

Par un jugement n° 2000099 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 21LY02273 du 29 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de la société Hydroseven, annulé ce jugement et les deux arrêtés du préfet de l'Ardèche du 31 octobre 2019.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier et 2 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Hydroseven.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la société Hydroseven ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Hydroseven a entrepris des travaux sur le seuil dénommé " tournant de Fargescure " situé sur la rivière Ardèche sur le territoire de la commune de Barnas (Ardèche) pour y implanter une vanne d'évacuation des sédiments. Par un jugement du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la société Hydroseven tendant à annuler deux arrêtés du 31 octobre 2019 par lesquels le préfet de l'Ardèche a, d'une part, fixé des mesures conservatoires dans l'attente du respect des prescriptions administratives en vue de la suspension immédiate des travaux sur le seuil et, d'autre part, l'a mise en demeure de procéder à la remise en état du site. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 novembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur l'appel de la société Hydroseven, annulé ce jugement ainsi que les deux arrêtés préfectoraux du 31 octobre 2019.

2. Aux termes de l'article L. 511-9 du code de l'énergie : " Les installations hydrauliques autorisées à la date du 18 octobre 1919 et dont la puissance ne dépasse pas 150 kilowatts demeurent autorisées conformément à leur titre et sans autre limitation de durée que celle résultant de la possibilité de leur suppression dans les conditions fixées au titre Ier du livre II du code de l'environnement ". En vertu du II de l'article L. 214-6 du code de l'environnement : " Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre ". Selon le VI du même article, " les installations, ouvrages et activités visés par les II, III, et IV sont soumis aux dispositions de la présente section ". Entrent dans le champ de l'article L. 214-6 du code de l'environnement les installations hydrauliques qui, autorisées à la date du 18 octobre 1919 et dont la puissance ne dépasse pas 150 kilowatts, demeurent, en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'énergie hydroélectrique, aujourd'hui codifiées à l'article L. 511-9 du code de l'énergie précité, autorisées conformément à leur titre. Il en résulte que ces installations sont soumises, pour leur exploitation, aux dispositions des articles L. 214-1 à L. 214-11 du code de l'environnement, qui définissent le régime de la police de l'eau, notamment à celles qui définissent les conditions dans lesquelles, en vertu de l'article L. 214-4, l'autorisation peut être abrogée ou modifiée sans indemnisation. Toutefois, dès lors que les autorisations délivrées avant le 18 octobre 1919 réglementaient des droits à l'usage de l'eau qui avaient la nature de droits réels immobiliers antérieurement acquis par les propriétaires des installations hydrauliques, le droit à l'usage de l'eau, distinct de l'autorisation de fonctionnement de l'installation mais attaché à cette installation, ne se perd que lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d'être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d'eau. L'abrogation de l'autorisation susceptible d'être prononcée sur le fondement du II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement est ainsi sans incidence sur le maintien du droit d'usage de l'eau attaché à l'installation.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 30 juillet 1896, le préfet de l'Ardèche a autorisé la reconstruction d'un ouvrage dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de l'ouvrage en litige. Il ressort de l'article 11 de cet arrêté que faute pour les travaux d'avoir été exécutés dans le délai d'un an imparti par l'article 10 du même arrêté, l'administration pouvait prononcer la déchéance de cette autorisation. Si, ainsi qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué, le bénéficiaire de l'autorisation a été, par un deuxième arrêté du préfet de l'Ardèche du 18 octobre 1900, déchu de ses droits faute d'avoir exécuté les travaux ainsi autorisés, l'arrêté d'autorisation du 30 juillet 1896 a été " remis en vigueur " par un troisième arrêté du préfet de l'Ardèche du 24 février 1902, aux termes de son article 1er, " pour une nouvelle période d'un an ", cet arrêté précisant également, à son article 2, que " toutes les dispositions " de l'arrêté du 30 juillet 1986 " autres que celles de l'article 10 sont maintenues ". Il ressort ainsi de l'arrêté du 24 février 1902 qu'il ne pouvait produire des effets au-delà d'une année qu'à la condition que les travaux soient réalisés dans ce délai d'un an. Par suite, en jugeant que l'ouvrage en litige était régulièrement autorisé en vertu d'une autorisation délivrée antérieurement à la loi du 16 octobre 1919, sans rechercher si, ainsi que le prévoyait l'arrêté du 24 février 1902, les travaux de construction de cet ouvrage avaient été réalisés dans le délai d'un an, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 29 novembre 2023 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Hydroseven au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la société Hydroseven.

Délibéré à l'issue de la séance du 27 mars 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et Mme Juliette Mongin, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 2 mai 2025.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Juliette Mongin

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 491334
Date de la décision : 02/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 mai. 2025, n° 491334
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Juliette Mongin
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:491334.20250502
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