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02/05/2025 | FRANCE | N°489628

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 02 mai 2025, 489628


Vu la procédure suivante :



Par une ordonnance n° 2325024/5-3 du 16 novembre 2023, enregistrée le 24 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 30 octobre 2023 au greffe de ce tribunal, présentée par l'Union nationale des syndicats CGT SPIP, dite " CGT Insertion Probation ".



Par cette requête, CGT Insertion Probation demande au Consei

l d'Etat :



1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoi...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2325024/5-3 du 16 novembre 2023, enregistrée le 24 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 30 octobre 2023 au greffe de ce tribunal, présentée par l'Union nationale des syndicats CGT SPIP, dite " CGT Insertion Probation ".

Par cette requête, CGT Insertion Probation demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la note du directeur de l'administration pénitentiaire du 12 juillet 2023 relative aux régimes indemnitaires des personnels relevant de la direction de l'administration pénitentiaire, ainsi que son annexe 3.6 ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler plusieurs dispositions figurant au a) du 2), au ii du a) du 3) et au b) du 4) du paragraphe III du titre 3 de la note précitée ainsi que son annexe 3.6 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n° 2007-1777 du 17 décembre 2007 ;

- le décret n° 2010-1640 du 23 décembre 2010 ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- le décret n° 2020-1427 du 20 novembre 2020 ;

- l'arrêté du 25 avril 2022 du garde des sceaux, ministre de la justice et de la ministre de la transformation de la fonction publique portant création des comités sociaux d'administration relevant du ministère de la justice ;

- l'arrêté du 13 octobre 2022 du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre de la transformation et de la fonction publiques et du ministre délégué auprès du ministre de l'innovation, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics portant application au corps des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation et aux emplois de directeur fonctionnel des services pénitentiaires d'insertion et de probation des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'Union nationale des syndicats CGT SPIP, dite " CGT Insertion Probation ", demande l'annulation pour excès de pouvoir de la note du directeur de l'administration pénitentiaire du 12 juillet 2023 relative aux régimes indemnitaires des personnels relevant de la direction de l'administration pénitentiaire, ainsi que de son annexe 3.6.

Sur la recevabilité de la requête :

2. En vertu de l'article 3 de ses statuts, CGT Insertion Probation a pour " champ d'intervention professionnel et territorial " tous les personnels travaillant ou ayant travaillé dans un service pénitentiaire et de probation (SPIP). Par suite, elle ne justifie d'un intérêt à contester les dispositions de la note qu'elle attaque qu'en tant qu'elles concernent les personnels travaillant dans des SPIP. Il y a lieu, en revanche, de rejeter comme irrecevables les conclusions de la requête en tant qu'elles concernent les autres personnels visés par cette note.

Sur la légalité externe de la note attaquée :

3. Aux termes de l'article 48 du décret du 20 novembre 2020 relatif aux comités sociaux d'administration dans les administrations et les établissements publics de l'Etat : " Le comité social d'administration est consulté sur : / 1° Les projets de texte réglementaire relatifs au fonctionnement et à l'organisation des services ; / 2° Les projets de lignes directrices de gestion relatives à la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines (...) ; / 3° Les projets de texte relatifs aux règles statutaires et aux règles relatives à l'échelonnement indiciaire ; / (...) 8° Les projets d'aménagement importants modifiant les conditions de santé et de sécurité et les conditions de travail lorsqu'ils s'intègrent dans le cadre d'un projet de réorganisation de service mentionné au 1° du présent article ; / 9° Les projets de texte réglementaire relatifs au temps de travail (...). / Les comités sociaux d'administration connaissent également des questions pour lesquelles des statuts particuliers prévoient leur consultation ". Aux termes de l'article 50 du même décret : " Le comité social d'administration débat au moins une fois tous les deux ans des orientations générales, présentées en cohérence avec les lignes directrices de gestion relatives à la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines, relatives : / (...) 3° A la politique indemnitaire ; / (...) 5° A la politique d'organisation du travail et de qualité de vie au travail ".

4. La note attaquée, qui fixe les régimes indemnitaires applicables aux personnels affectés à la direction de l'administration pénitentiaire et à l'école nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP), n'a pour objet ni de fixer des règles à caractère statutaire ou de régir le fonctionnement et l'organisation des services, ni de définir la stratégie de pilotage des ressources humaines de la direction. En se bornant, en outre, à ses titres 6 et 7, à rappeler les règles applicables concernant le versement de l'indemnité de surveillance de nuit et de l'indemnité forfaitaire pour travail du dimanche et des jours fériés et concernant le paiement des astreintes, elle ne constitue pas un texte réglementaire relatif au temps de travail. Enfin, s'il résulte des dispositions de l'article 50 du décret du 20 novembre 2020 précité que le comité social d'administration doit débattre au moins une fois tous les deux ans des orientations générales relatives à la politique indemnitaire, ces dispositions n'imposaient pas la consultation de cette instance sur la note attaquée. Par suite, le moyen tiré de ce que la note attaquée serait illégale, faute d'avoir été précédée de la consultation du comité social d'administration spécial, compétent pour l'ensemble des services pénitentiaires d'insertion et de probation, institué par l'article 3 de l'arrêté du 25 avril 2022 portant création des comités sociaux d'administration relevant du ministère de la justice doit être écarté.

Sur la légalité interne de la note attaquée :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) dans la fonction publique de l'Etat : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions. / Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps ou statut d'emploi sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants : / 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception ; / 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions ; / 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel. / Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. / Ce même arrêté fixe les montants minimaux par grade et statut d'emplois, les montants maximaux afférents à chaque groupe de fonctions et les montants maximaux applicables aux agents logés par nécessité de service. (...) ".

6. L'intérim résulte d'une décision spéciale par laquelle l'autorité compétente désigne une personne pour exercer à titre temporaire des fonctions sans que cette personne ait à remplir les conditions normalement exigées pour l'exercice de ces fonctions. Par suite, et conformément aux dispositions du décret du 20 mai 2014 citées au point 5, la personne qui est chargée de l'intérim du titulaire de fonctions ouvrant droit à l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) n'a pas droit, au titre et pour la durée de l'intérim, au bénéfice de cette indemnité. Il suit de là que la note attaquée a pu légalement prévoir qu'" en cas d'intérim, le fait d'occuper une fonction pendant l'absence du titulaire ne permet pas de modifier le groupe de fonctions de l'agent chargé de l'intérim ".

7. En deuxième lieu, l'article 10 de l'arrêté du 13 octobre 2022 portant application au corps des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation et aux emplois de directeur fonctionnel des services pénitentiaires d'insertion et de probation des dispositions du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat, qui définit les plafonds annuels afférents aux groupes de fonctions ainsi que les montants minimaux annuels de l'IFSE, prévoit que ses dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2022. Si le titre 3 de la note attaquée rappelle, en son préambule, que le corps des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation et les emplois de directeur fonctionnel des services pénitentiaires d'insertion et de probation " bénéficient du RIFSEEP depuis le 1er janvier 2022 " et si le ii du a) du 3) de son paragraphe III prévoit que " les élèves et stagiaires qui effectuent une période de scolarité à l'ENAP perçoivent l'IFSE ", il ajoute que " ces modalités sont applicables dès l'entrée en formation des prochaines promotions après publication de cette note ", soit à compter de septembre 2023. En prévoyant, pour les élèves et stagiaires qu'elle mentionne, une date d'application différente de celle prévue par l'article 10 de l'arrêté du 13 octobre 2022, la note attaquée a méconnu ces dispositions. Par suite, la requérante est fondée à demander l'annulation de ce passage de la note, en tant qu'il concerne les personnels travaillant dans des SPIP, en ce qu'il prévoit une telle date d'entrée en vigueur.

8. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 515-7 du code général de la fonction publique : " La période de congé parental est assimilée à des services effectifs dans le corps ou le cadre d'emplois ". D'autre part, selon l'article 3 du décret du 20 mai 2014 précité : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise fait l'objet d'un réexamen : / (...) 2° Au moins tous les quatre ans, en l'absence de changement de fonctions et au vu de l'expérience acquise par l'agent (...) ". Si les fonctionnaires placés en position de congé parental n'ont pas droit au maintien, pendant la durée de ce congé, des indemnités attachées à l'exercice des fonctions, au nombre desquelles figure l'IFSE, il résulte, en revanche, des dispositions précitées du code général de la fonction publique que la période de congé parental est assimilée à des services effectifs dans le corps. Par suite, en mentionnant au b) du 4) du paragraphe III de son titre 3, que le temps passé en congé parental n'est pas assimilé à une durée d'affectation sur le poste précédent et qu'il ne peut donc être comptabilisé au titre du calcul de la période, d'au plus quatre ans, au terme de laquelle l'agent peut prétendre au réexamen du montant de son IFSE, la note attaquée a méconnu les dispositions de l'article L. 515-7 du code général de la fonction publique. Par suite, la requérante est fondée à demander l'annulation de ce passage de la note, en tant qu'il concerne les personnels travaillant dans des SPIP.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. CGT Insertion Probation n'étant pas représentée par un avocat et ne justifiant pas des frais qu'elle aurait exposés, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme qu'elle demande à ce titre.

D E C I D E :

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Article 1er : Au ii du a) du 3) du paragraphe III du titre 3 de la note du 12 juillet 2023, les mots : " Ces modalités sont applicables dès l'entrée en formation des prochaines promotions après publication de cette note " sont annulés en tant qu'ils concernent les personnels travaillant dans des services pénitentiaires et de probation.

Article 2 : Au b) du 4) du paragraphe III du titre 3 de la note du 12 juillet 2023, les mots : " en congé parental ou " sont annulés en tant qu'ils concernent les personnels travaillant dans des services pénitentiaires et de probation.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale des syndicats CGT SPIP et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 27 mars 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et Mme Stéphanie Vera, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 2 mai 2025.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Stéphanie Vera

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 489628
Date de la décision : 02/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 mai. 2025, n° 489628
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Stéphanie Vera
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:489628.20250502
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