Vu la procédure suivante :
Par une décision n° 394254 du 12 juillet 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, sur la demande de l'association Les Amis de la Terre France, d'une part, annulé pour excès de pouvoir les décisions implicites du Président de la République, du Premier ministre et des ministres chargés de l'environnement et de la santé, refusant de prendre toutes mesures utiles et d'élaborer des plans relatifs à la qualité de l'air conformes à l'article 23 de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe, permettant de ramener, sur l'ensemble du territoire national, les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 en-deçà des valeurs limites fixées à l'annexe XI de cette directive, d'autre part, enjoint au Premier ministre et au ministre chargé de l'environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, pour chacune des zones énumérées au point 9 des motifs de cette décision, un plan relatif à la qualité de l'air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible, et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018.
Par une décision n° 428409 du 10 juillet 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé une astreinte à l'encontre de l'Etat s'il ne justifiait pas, dans les six mois suivant la notification de cette décision, avoir exécuté la décision du 12 juillet 2017, pour chacune des zones énumérées au point 11 de sa nouvelle décision, et a fixé le montant de cette astreinte à 10 millions d'euros par semestre jusqu'à la date de cette exécution.
Par une décision n° 428409 du 4 août 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a procédé à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée pour la période du semestre courant du 11 janvier au 11 juillet 2021 et condamné l'Etat à verser la somme de 10 millions d'euros, à répartir de la façon suivante : 100 000 euros à l'association Les Amis de la Terre France, 3,3 millions d'euros à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), 2,5 millions d'euros au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), 2 millions d'euros à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), 1 million d'euros à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), 350 000 euros aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air Airparif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune, et 200 000 euros aux associations Atmo Occitanie et Atmo Sud chacune.
Par une décision n° 428409 du 17 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a procédé à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée pour la période des deux semestres courant du 11 juillet 2021 au 11 juillet 2022 et condamné l'Etat à verser la somme de 20 millions d'euros, à répartir de la façon suivante : 50 000 euros à l'association Les Amis de la Terre France, 5,95 millions d'euros à l'ADEME, 5 millions d'euros au CEREMA, 4 millions d'euros à l'ANSES, 2 millions d'euros à l'INERIS, 1 million d'euros aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air Airparif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune, et 500 000 euros aux associations Atmo Occitanie et Atmo Sud chacune.
Par une décision n° 428409 du 24 novembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a procédé à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée pour la période des deux semestres courant du 12 juillet 2022 au 12 juillet 2023 et condamné l'Etat à verser la somme de 10 millions d'euros, à répartir de la façon suivante : 10 000 euros à l'association Les Amis de la Terre France, 3,3 millions d'euros à l'ADEME, 2,5 millions d'euros au CEREMA, 2 millions d'euros à l'ANSES, 1 millions d'euros à l'INERIS, 450 000 euros aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air Airparif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune, et 145 000 euros aux associations Atmo Occitanie et Atmo Sud chacune.
Par un courrier du 17 avril 2024, le délégué à l'exécution des décisions de justice de la section des études, de la prospective et de la coopération du Conseil d'Etat a demandé au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de porter à sa connaissance les mesures prises par les services de l'Etat pour assurer l'exécution des décisions.
Par des observations, enregistrées le 31 mai 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a précisé les mesures adoptées par l'Etat à cette fin.
La section des études, de la prospective et de la coopération du Conseil d'Etat a exécuté les diligences qui lui incombent en vertu du code de justice administrative.
La note du 9 juillet 2024 que la présidente de la section des études, de la prospective et de la coopération a adressée à la présidente de la 6ème chambre de la section du contentieux, a été communiquée aux parties en application des dispositions de l'article R. 931-5 du code de justice administrative.
Les parties ont été invitées à indiquer au Conseil d'Etat quelles personnes morales de droit public disposant d'une autonomie suffisante à l'égard de l'Etat et dont les missions sont en rapport avec l'objet du litige ou de droit privé à but non lucratif menant, conformément à leurs statuts, des actions d'intérêt général également en lien avec cet objet pourraient utilement être désignées affectataires de tout ou partie de la liquidation de cette astreinte, dans l'hypothèse où il serait procédé à une telle liquidation.
Par trois mémoires, enregistrés le 13 septembre 2024, le 17 janvier et le 7 février 2025, l'association Les Amis de la Terre France, l'association Les Amis de la Terre Paris, l'Association de défense contre les nuisances aériennes (ADVOCNAR), l'association France nature environnement Ile-de-France, l'association Les amis de la Terre Val de Bièvre, l'association France nature environnement Provence-Alpes-Côte-d'Azur, l'association France nature environnement Bouches-du-Rhône, le Collectif anti nuisance L2, l'association Cap au nord, l'Association de défense du site du Réaltor et de son environnement, l'association RAMDAM, l'association CIRENA, l'association Autrement pour les aménagements des contournements (autoroutiers et ferroviaires) de l'habitat et de l'Est, l'association Défense des intérêts des riverains de l'aérodrome de Pontoise-Cormeilles en Vexin, M. C... I..., l'association SOS Paris, M. F... L..., M. J... A..., l'association Champagne-Ardenne nature environnement (CANE), l'association pour la sauvegarde du patrimoine et de l'environnement à Antony, l'association Greenpeace France, l'association de défense de l'environnement et de la population de Toussieu (ADEPT), l'association Val de Seine vert, l'association pour la sauvegarde de Boulogne Nord-Ouest (ASBNO), l'association inter village pour un environnement sain (AIVES), l'association Marennes contre les nuisances, l'association COFIVER, M. G... O..., M. M... D..., l'association Respect environnement, la Fédération Fracture, l'association Union française contre les nuisances des aéronefs (UFCNA), l'association Forum sud francilien contre les nuisances aériennes, Mme H... K..., Mme E... N..., l'association Environnement 92, l'association Chaville Environnement, l'association Comité riverains aéroport Saint-Exupéry (CORIAS), l'association Les Amis de la Terre Nord, l'association Actions citoyennes pour une transition énergétique solidaire (ACTEnergieS), l'association de concertation et de proposition pour l'aménagement et les transports (ACPAT), Mme B... P..., l'association Comité des intérêts de quartier (CIQ) Saint Jean de Tourette Protis, l'association Alertes nuisances aériennes (ANA), l'association Notre affaire à tous, l'association de protection des collines peypinoises (APCP), l'association Respire, l'association Vivre et agir en Maurienne, l'association France nature environnement Paris, l'association Sommeil et santé, l'association niçoise pour la qualité de l'air et l'environnement et de la vie, l'association Fédération Alsace nature, l'association de défense de l'environnement de Chaponnay, l'association Défense des riverains de l'aéroport de Paris, l'association Union des calanques littoral, l'association Collectif contre les nuisances aériennes de l'agglomération toulousaine et la commune de Marennes, demandent au Conseil d'Etat :
1°) de constater que les décisions n° 394254 du 12 juillet 2017 et n° 428409 du 10 juillet 2020 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux n'ont pas été pleinement exécutées au terme du délai laissé par la décision du 10 juillet 2020 ;
2°) de condamner l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 911-7 du code de justice administrative, et au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte, au paiement de 20 millions d'euros pour la période de deux semestres du 13 juillet 2023 au 13 juillet 2024 ;
3°) de fixer la liste des bénéficiaires de cette condamnation ainsi que les modalités d'attribution des sommes à verser selon la convention d'assistance juridique conclue le 6 mai 2021 entre l'association Les Amis de la Terre France et son avocat ;
4°) de majorer le montant de l'astreinte prononcée par la décision du 10 juillet 2020 pour la porter à un montant de 20 millions d'euros par semestre de retard dans l'exécution de cette décision ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par les décisions du Conseil d'Etat des 10 juillet 2020, 4 août 2021, 17 octobre 2022 et 24 novembre 2023 ;
Vu :
- la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 ;
- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ;
- le décret n° 2020-1138 du 16 septembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1526 du 7 décembre 2020 ;
- le décret n° 2021-977 du 23 juillet 2021 ;
- le décret n° 2022-8 du 5 janvier 2022 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Léo André, auditeur,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 avril 2025, présentée par l'association Les Amis de la Terre France et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. (...) Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ".
2. Afin d'assurer l'exécution de ses décisions, la juridiction administrative peut prononcer une astreinte à l'encontre d'une personne morale de droit public ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, soit dans la décision statuant au fond sur les prétentions des parties sur le fondement de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, soit ultérieurement en cas d'inexécution de la décision sur le fondement des articles L. 911-4 et L. 911-5 du même code. En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive de la décision, la juridiction procède, en vertu de l'article L. 911-7 de ce code, à la liquidation de l'astreinte. En vertu du premier alinéa de l'article L. 911-8 de ce code, la juridiction a la faculté de décider, afin d'éviter un enrichissement indu, qu'une fraction de l'astreinte liquidée ne sera pas versée au requérant, le second alinéa prévoyant que cette fraction est alors affectée au budget de l'Etat. Toutefois, l'astreinte ayant pour finalité de contraindre la personne morale de droit public ou l'organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public à exécuter les obligations qui lui ont été assignées par une décision de justice, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer lorsque l'Etat est débiteur de l'astreinte en cause. Dans ce dernier cas, lorsque cela apparaît nécessaire à l'exécution effective de la décision juridictionnelle, la juridiction peut, même d'office, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties ainsi que de la ou des personnes morales concernées, décider d'affecter cette fraction à une personne morale de droit public disposant d'une autonomie suffisante à l'égard de l'Etat et dont les missions sont en rapport avec l'objet du litige ou à une personne morale de droit privé, à but non lucratif, menant, conformément à ses statuts, des actions d'intérêt général également en lien avec cet objet.
3. Par une décision n° 394254 du 12 juillet 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, en premier lieu, annulé pour excès de pouvoir les décisions implicites du Président de la République, du Premier ministre et des ministres chargés de l'environnement et de la santé refusant de prendre toutes mesures utiles et d'élaborer des plans relatifs à la qualité de l'air conformes à l'article 23 de la directive du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe permettant de ramener, sur l'ensemble du territoire national, les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 en-deçà des valeurs limites fixées à l'annexe XI de cette directive. Il a, en second lieu, enjoint au Premier ministre et au ministre chargé de l'environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, pour chacune des zones administratives de surveillance (ZAS) énumérées au point 9 des motifs de cette décision, soit, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, les zones urbaines régionales (ZUR) Rhône-Alpes, Paris Ile-de-France, Marseille Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Toulon Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Nice Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Saint-Etienne Rhône-Alpes, Grenoble Rhône-Alpes, Lyon Rhône-Alpes, Strasbourg Alsace, Montpellier Languedoc-Roussillon, Champagne-Ardenne et Toulouse Midi-Pyrénées et, s'agissant des taux de concentration en particules fines PM10, les ZUR Rhône-Alpes, Paris Ile-de-France et Martinique, un plan relatif à la qualité de l'air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018. Constatant que l'Etat ne pouvait être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes propres à assurer l'exécution complète de cette décision, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par une décision n° 428409 du 10 juillet 2020, prononcé une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard à compter de l'expiration d'un délai de six mois suivant la notification de sa décision, si l'Etat ne justifiait pas avoir pris les mesures nécessaires permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible, d'une part, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, dans les zones à risque - agglomération (ZAG) de Paris, Marseille-Aix, Grenoble, Lyon, Strasbourg et Toulouse et dans la zone à risques - hors agglomération (ZAR) de Reims, d'autre part, s'agissant des taux de concentration en particules fines PM 10, dans la ZAG Paris et la ZAR Fort-de-France, compte tenu des nouvelles terminologies et du nouveau zonage issu de l'arrêté de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de le mer, en charge des relations internationales sur le climat du 26 décembre 2016 relatif au découpage des régions en zones administratives de surveillance de la qualité de l'air ambiant.
4. Par une nouvelle décision n° 428409 du 4 août 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, après avoir constaté que l'Etat n'avait pas entièrement exécuté les décisions des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 mentionnées au point précédent, d'une part, pour les ZAG Paris, Marseille-Aix, Grenoble, Lyon et Toulouse s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, d'autre part, pour la ZAG Paris s'agissant des taux de concentration en PM10, a jugé qu'il y avait lieu de procéder à la liquidation provisoire de l'astreinte pour la période d'un semestre courant du 11 janvier au 11 juillet 2021 inclus. Ainsi, l'Etat a été condamné à verser la somme de 10 millions d'euros, répartie de la façon suivante : 100 000 euros à l'association Les Amis de la Terre France, 3,3 millions d'euros à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), 2,5 millions d'euros au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), 2 millions d'euros à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), 1 million d'euros à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), 350 000 euros aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air Airparif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune, et 200 000 euros aux associations Atmo Occitanie et Atmo Sud chacune, associations agréées de surveillance de la qualité de l'air en vertu des dispositions des articles L. 221-3 et R. 221-9 du code de l'environnement, compétentes dans les zones administratives de surveillance de la qualité de l'air précédemment mentionnées.
5. Par une nouvelle décision n° 428409 du 17 octobre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, après avoir constaté que l'Etat n'avait pas entièrement exécuté les décisions des 12 juillet 2017, 10 juillet 2020 et 4 août 2021 mentionnées aux points précédents, pour les ZAG Paris, Marseille-Aix, Lyon et Toulouse s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, a jugé qu'il y avait lieu de procéder à la liquidation provisoire de l'astreinte pour la période de deux semestres courant du 11 juillet 2021 au 11 juillet 2022 inclus et a condamné l'Etat à verser la somme de 20 millions d'euros, répartie entre les bénéficiaires désignés par la décision du 4 août 2021.
6. Par une nouvelle décision n° 428409 du 24 novembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a constaté d'une part que la décision du 12 juillet 2017 devait être regardée comme désormais exécutée s'agissant du respect des normes relatives aux particules fines PM 10, et, s'agissant du dioxyde d'azote, pour toutes les zones énumérées par la décision du 10 juillet 2020 à l'exception de celles de Lyon et Paris. Le Conseil d'Etat a jugé, d'autre part, que, s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote, l'Etat n'avait pas entièrement exécuté les décisions des 12 juillet 2017, 10 juillet 2020, 4 août 2021 et 17 octobre 2022 mentionnées aux points précédents, pour les ZAG Paris et Lyon et qu'il y avait lieu de procéder à la liquidation provisoire de l'astreinte pour la période de deux semestres courant du 12 juillet 2022 au 12 juillet 2023 inclus, en condamnant l'Etat à verser la somme de 10 millions d'euros, répartie entre les bénéficiaires désignés par la décision du 17 octobre 2022.
Sur l'exécution des décisions des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 :
7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que demeure seulement en cause, à ce stade de l'examen de la demande d'exécution, le respect des objectifs de réduction des taux de concentration dans l'atmosphère du dioxyde d'azote pour les ZAG Paris et Lyon, le Conseil d'Etat, par ses décisions précédentes, ayant jugé que ses décisions de 2017 et 2020 devaient être regardées comme ayant été exécutées pour les autres zones, s'agissant du dioxyde d'azote, et pour tout le territoire, s'agissant des concentrations en particules fines PM10.
En ce qui concerne l'évolution des concentrations en dioxyde d'azote dans les ZAG Lyon et Paris :
8. Il convient d'abord, afin d'apprécier si les décisions du Conseil d'Etat, statuant au contentieux des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 ont reçu exécution dans les zones restant en litige, d'examiner l'évolution des concentrations en dioxyde d'azote relevées dans les zones concernées et d'apprécier si persistent des dépassements des valeurs limites fixées à l'article R. 221-1 du code de l'environnement à la date de la présente décision.
S'agissant de la ZAG Lyon :
9. Pour la ZAG Lyon, en 2022, une seule station de mesure était encore en situation de dépassement de la valeur limite de concentration en dioxyde d'azote de 40 µg/m3. En 2023, la moyenne annuelle de concentration en dioxyde d'azote dans cette station, qui demeure la seule en situation de dépassement, s'est établie à 44 µg/m3. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments indiqués lors de la séance orale d'instruction tenue par la 6ème chambre de la section du contentieux le 17 janvier 2025 et des derniers éléments transmis par la ministre chargée de la transition écologique, que, au vu des résultats disponibles, la moyenne annuelle de concentration en dioxyde d'azote dans cette station devrait s'établir à 40 µg/m3 en 2024. Cette estimation est cohérente avec les modélisations effectuées par Atmo Auvergne Rhône-Alpes en 2022 dans le cadre de la préparation du troisième plan de protection de l'atmosphère de l'agglomération lyonnaise (PPA3) qui anticipaient une absence de dépassement de la valeur limite dans toutes les stations en 2024 et une baisse continue ensuite.
10. Dans ces conditions, si la ZAG Lyon a connu un dépassement s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote pour la période du 13 juillet 2023 au 13 juillet 2024, elle est actuellement en voie de respecter les objectifs de concentration, cette situation ne pouvant toutefois être regardée comme consolidée.
S'agissant de la ZAG Paris :
11. La valeur de la moyenne annuelle des émissions de dioxyde d'azote relevée dans la station de mesure de la ZAG Paris présentant le dépassement le plus important a diminué de 73 µg/m3 en 2019 à 52 µg/m3 en 2022 puis 46 µg/m3 en 2023. Pour cette zone, la valeur limite de concentration de 40 µg/m3 a été dépassée en 2023 dans trois stations de mesure alors qu'elle l'était dans huit stations en 2022 et neuf en 2019. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments indiqués lors de la séance orale d'instruction du 17 janvier 2025 et des derniers éléments transmis par la ministre chargée de la transition écologique, que les moyennes annuelles enregistrées dans ces trois stations de mesures devraient être comprises entre 41 et 44 µg/m3 pour 2024. D'après les modélisations les plus récentes effectuées en décembre 2024 par Airparif et communiquées lors de la séance orale d'instruction, deux stations seraient encore en situation de dépassement et enregistreraient une moyenne annuelle de 41 µg/m3 en 2025 et, en 2026, une dernière station présenterait un taux de concentration égal à la valeur limite de 40 µg/m3, toutes les autres stations présentant des taux inférieurs à cette valeur limite. Ces éléments montrent une baisse des émissions de dioxyde d'azote plus rapide qu'anticipée par les premières estimations auparavant communiquées au Conseil d'Etat, qui prévoyaient un respect des valeurs limites seulement à l'horizon 2030.
12. Au vu de ces éléments, la ZAG Paris doit être regardée comme connaissant encore, en dépit d'une nette amélioration, certains dépassements ponctuels s'agissant des taux de concentration en dioxyde d'azote.
En ce qui concerne les mesures adoptées :
13. Dès lors que des dépassements des valeurs limites persistent pour le dioxyde d'azote, il convient d'apprécier si des mesures adoptées depuis l'intervention de la décision du 24 novembre 2023 sont de nature à ramener, dans le délai le plus court possible, les taux de concentration pour ce polluant en deçà de la valeur limite de 40 µg/m3 fixée à l'article R. 221-1 du code de l'environnement.
S'agissant de la ZAG Lyon :
14. En premier lieu, pour la ZAG Lyon, la ministre chargée de la transition écologique fait valoir que le troisième plan de protection de l'atmosphère (PPA3) pour la période 2022-2027, approuvé le 24 novembre 2022, comporte notamment un plan d'actions intégrant des mesures précises et détaillées pour les secteurs de l'industrie, des activités tertiaires, de l'agriculture, des mobilités et de l'urbanisme. Ce plan de protection de l'atmosphère retient notamment de réserver certaines voies routières aux véhicules transportant plusieurs personnes et des mécanismes de réduction temporaire des vitesses maximales autorisées. Depuis le 20 mars 2024, une nouvelle voie réservée au covoiturage et aux transports en commun a été mise en service sur une portion de 8 kilomètres de l'autoroute A7 et la vitesse maximale autorisée a été réduite de 20 km/h pendant les heures d'activation de cette voie.
15. En deuxième lieu, de nouvelles mesures de restriction de la circulation dans le cadre de la zone à faibles émissions mobilité, c'est-à-dire une zone fixant des mesures de restriction de circulation et déterminant les catégories de véhicules concernés par ces restrictions, de la Métropole de Lyon ont été mises en œuvre à compter du 1er janvier 2024. L'interdiction de principe de circulation des véhicules comportant une vignette Crit'Air 4 est ainsi effective depuis le 1er janvier 2024 et la même interdiction s'applique aux véhicules comportant une vignette Crit'Air 3 depuis le 1er janvier 2025. En outre, la Métropole du Grand Lyon, mettant en œuvre le plan de protection de l'atmosphère mentionné au point précédent, a décidé d'inclure dans le périmètre de cette zone depuis le 1er janvier 2024 les voies rapides périphériques, incluant ainsi la station pour laquelle persistait un dépassement en 2023.
16. En troisième lieu, la ministre fait état du financement, par le Fonds Vert, mécanisme de financement à destination des collectivités territoriales, de projets d'actions de sensibilisation, de communication et d'accompagnement au déploiement de la zone à faibles émissions de la métropole, de soutien aux mobilités douces et au covoiturage à hauteur d'une dizaine de millions d'euros.
17. En outre, les mesures générales adoptées au plan national, relatives au secteur des transports, notamment l'aide à l'acquisition de véhicules moins polluants et l'incitation en faveur des mobilités actives, ou relatives au secteur du bâtiment, telles que les mesures visant à la suppression des énergies très polluantes et à la réduction des énergies carbonées pour le chauffage, ne peuvent que contribuer à la baisse de la pollution du dioxyde d'azote pour l'ensemble du territoire national, même si les incidences concrètes de ces mesures ne peuvent être précisément déterminées pour la ZAG Lyon.
18. Les différentes mesures décidées et progressivement mises en œuvre, qui présentent un caractère suffisamment précis et crédible, permettent d'envisager que le respect des valeurs limites de concentration en dioxyde d'azote applicables en vertu de la directive du 21 mai 2008, qui devrait être atteint en 2024 dans la ZAG Lyon, se poursuivra. Elles peuvent, ainsi, être regardées comme assurant, pour cette zone, l'exécution de la décision du Conseil d'Etat du 12 juillet 2017.
S'agissant de la ZAG Paris :
19. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'un quatrième plan de protection de l'atmosphère d'Ile-de-France (PPA4) a été adopté le 29 janvier 2025. Celui-ci prévoit de nombreuses mesures susceptibles de favoriser les mobilités partagées, l'accompagnement de la Métropole du Grand Paris pour la mise en place de la zone à faibles émissions ainsi que la lutte contre les émissions des plateformes aéroportuaires et la réduction des émissions de chauffage au bois. Il résulte de ce plan qu'il comporte de nombreuses mesures concernant spécifiquement le secteur des transports, telles que l'objectif de faire passer la part du vélo dans les déplacements franciliens de 2 à 9 %, l'intégration de 15 communes supplémentaires dans le périmètre de la zone à faibles émissions, le soutien à la mise en service d'un dispositif de contrôle automatisé et le prolongement des expérimentations de baisse des vitesses maximales autorisées sur certaines portions routières de l'agglomération. Il résulte également de l'instruction, notamment des derniers éléments transmis par la ministre chargée de la transition écologique, que la réduction de la vitesse maximale autorisée sur le boulevard périphérique de 70 à 50 km/h depuis le 1er octobre 2024, a conduit, pour l'une des dernières stations de mesure encore en situation de dépassement, à une baisse de 5,9 µg/m3 de la concentration moyenne en dioxyde d'azote calculée entre octobre 2024 et février 2025 par rapport à la même concentration moyenne calculée sur la période octobre 2023 - février 2024. Il est estimé que le plan de protection de l'atmosphère devrait se traduire par une baisse totale des émissions de dioxyde d'azote de 27% entre 2018 et 2025 et de 38 % entre 2018 et 2030. Les modélisations les plus récentes effectuées en décembre 2024 par Airparif, qui prennent en compte les mesures prévues par ce plan de protection de l'atmosphère, montrent que les dernières stations encore en dépassement devraient atteindre la valeur limite de 40 µg/m3 dès 2026.
20. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, s'agissant de la zone à faibles émissions instituée en région parisienne, que l'interdiction de circuler s'applique de 8 heures à 20 heures aux véhicules comportant une vignette Crit'Air 4 depuis le 1er juin 2021 et aux véhicules comportant une vignette Crit'Air 3 depuis le 1er janvier 2025. Cette interdiction s'applique du lundi au vendredi aux voitures légères, aux deux roues et aux véhicules utilitaires légers et tous les jours, s'agissant des poids lourds et des autocars. Ces interdictions sont de nature à limiter les émissions de dioxyde d'azote lors des périodes où le trafic est le plus dense. En outre, elles devraient permettre de poursuivre la réduction de la part de véhicules classés Crit'Air 3 au sein du parc automobile francilien, évolution qui a permis de passer de 29,8 % de véhicules classés Crit'Air 3 au sein de ce parc en 2018 à 20,5 % en 2022. Un dispositif de contrôle automatisé des véhicules accédant au périmètre de la zone à faibles émissions, dont il n'existe pas d'équivalent en France à ce jour est actuellement en cours de développement et devrait être opérationnel à la fin de l'année 2026.
21. En troisième lieu, le Fonds vert mentionné au point 16 doit permettre d'accompagner le déploiement de la zone à faibles émissions, notamment par des actions ciblées de communication, et de financer des projets de mobilités douces tels que le développement du covoiturage et la construction de voies cyclables dans l'agglomération.
22. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 17 s'agissant de la ZAG Lyon, les mesures générales adoptées au plan national, relatives au secteur des transports ou du bâtiment, ne peuvent que contribuer à la baisse de la pollution du dioxyde d'azote pour l'ensemble du territoire national, y compris pour la ZAG Paris, même si les incidences de ces mesures ne peuvent être précisément mesurées pour cette zone.
23. En définitive, les différentes mesures adoptées à ce jour apparaissent comme suffisamment précises et crédibles pour envisager que le respect des valeurs limites de concentration en dioxyde d'azote dans la ZAG Paris sera atteint à brève échéance. Elles doivent, à la date de la présente décision, être regardées comme assurant, pour la zone de Paris et pour ce polluant, l'exécution de la décision du Conseil d'Etat du 12 juillet 2017.
Sur la liquidation de l'astreinte :
24. Compte tenu de ce qui précède et de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de procéder à une nouvelle liquidation de l'astreinte prononcée à l'encontre de l'Etat.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 3 000 euros à verser à l'association Les Amis de la Terre France et autres, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 12 juillet 2017 est entièrement exécutée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de liquider l'astreinte prononcée à l'encontre de l'Etat.
Article 3 : L'Etat versera à l'association Les Amis de la Terre France et autres une somme globale de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de l'association Les Amis de la Terre France et autres est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Les Amis de la Terre France, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Copie en sera adressée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail, au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, à Airparif, Atmo Auvergne Rhône-Alpes, à Atmo Occitanie et à Atmo Sud.
Copie en sera adressée à la présidente de la section des études, de la prospective et de la coopération.
Délibéré à l'issue de la séance du 31 mars 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Christophe Pourreau, M. Laurent Cabrera, M. Bruno Bachini, conseillers d'Etat et M. Léo André, auditeur-rapporteur.
Rendu le 25 avril 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Léo André
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain