Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision référencée " 48 SI " du 6 janvier 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul, ainsi que les décisions de retrait de points consécutives aux infractions commises postérieurement au 28 mars 2020, date de vente de son véhicule. Par un jugement n° 2206309 du 19 juin 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions relatives à la décision référencée " 48 " de retrait de points sur le permis de conduire de Mme B... consécutive à l'infraction du 13 juin 2020, annulé les décisions référencées " 48 " portant retrait de points à la suite des infractions commises les 11 et 12 juillet 2020 et 4 juillet 2021 et, enfin, annulé la décision référencée " 48 SI " du 6 janvier 2022.
Par un pourvoi enregistré le 8 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement, en tant qu'il annule la décision référencée " 48 " consécutive à l'infraction du 12 juillet 2020 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme B... en tant qu'elle est dirigée contre cette décision.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative ;
Le pourvoi a été communiqué à Mme B..., qui n'a pas produit de mémoire.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision référencée " 48 SI " du 6 janvier 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer se pourvoit en cassation contre le jugement du 19 juin 2024 par lequel le tribunal administratif a annulé les décisions référencées " 48 " portant retrait de neuf points du capital de points affecté au permis de conduire de l'intéressée à la suite de trois infractions et, par voie de conséquence, la décision référencée " 48 SI ", en tant que ce jugement annule la décision de retrait d'un point à la suite de l'infraction commise le 12 juillet 2020.
2. Aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. / (...) / Lorsque le nombre de points est nul, le permis perd sa validité. / La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive. / (...) ". L'article L. 223-3 du même code dispose que : " Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé des dispositions de l'article L. 223-2, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9. / (...) / Le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple quand il est effectif ". Aux termes de l'article R. 223-3 du même code : " I.- Lors de la constatation d'une infraction entraînant retrait de points, l'auteur de celle-ci est informé qu'il encourt un retrait de points si la réalité de l'infraction est établie dans les conditions définies à l'article L. 223-1. / II.- Il est informé également de l'existence d'un traitement automatisé des retraits et reconstitutions de points et de la possibilité pour lui d'accéder aux informations le concernant. Ces mentions figurent sur le document qui lui est remis ou adressé par le service verbalisateur. Le droit d'accès aux informations ci-dessus mentionnées s'exerce dans les conditions fixées par les articles L. 225-1 à L. 225-9. / III.- Lorsque le ministre de l'intérieur constate que la réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie dans les conditions prévues par le quatrième alinéa de l'article L. 223-1, il réduit en conséquence le nombre de points affecté au permis de conduire de l'auteur de cette infraction. / Si le retrait de points lié à cette infraction n'aboutit pas à un nombre nul de points affectés au permis de conduire de l'auteur de l'infraction, celui-ci est informé par le ministre de l'intérieur par lettre simple du nombre de points retirés. Le ministre de l'intérieur constate et notifie à l'intéressé, dans les mêmes conditions, les reconstitutions de points obtenues en application des premier, deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article L. 223-6. / Si le retrait de points aboutit à un nombre nul de points affectés au permis de conduire, l'auteur de l'infraction est informé par le ministre de l'intérieur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du nombre de points retirés. Cette lettre récapitule les précédents retraits ayant concouru au solde nul, prononce l'invalidation du permis de conduire et enjoint à l'intéressé de restituer celui-ci au préfet du département ou de la collectivité d'outre-mer de son lieu de résidence dans un délai de dix jours francs à compter de sa réception. / (...) ".
3. Le deuxième alinéa de l'article 530 du code de procédure pénale dispose : " Dans les trente jours de l'envoi de l'avis invitant le contrevenant à payer l'amende forfaitaire majorée, l'intéressé peut former auprès du ministère public une réclamation motivée qui a pour effet d'annuler le titre exécutoire en ce qui concerne l'amende contestée. Cette réclamation reste recevable tant que la peine n'est pas prescrite, s'il ne résulte pas d'un acte d'exécution ou de tout autre moyen de preuve que l'intéressé a eu connaissance de l'amende forfaitaire majorée. S'il s'agit d'une contravention au code de la route, la réclamation n'est toutefois plus recevable à l'issue d'un délai de trois mois lorsque l'avis d'amende forfaitaire majorée est envoyé par lettre recommandée à l'adresse figurant sur le certificat d'immatriculation du véhicule, sauf si le contrevenant justifie qu'il a, avant l'expiration de ce délai, déclaré son changement d'adresse au service d'immatriculation des véhicules ; dans ce dernier cas, le contrevenant n'est redevable que d'une somme égale au montant de l'amende forfaitaire s'il s'en acquitte dans un délai de quarante-cinq jours, ce qui a pour effet d'annuler le titre exécutoire pour le montant de la majoration. " Aux termes de l'article 49-6 du même code : " Le comptable de la direction générale des finances publiques adresse au contrevenant un extrait du titre exécutoire le concernant sous forme d'avis l'invitant à s'acquitter du montant de l'amende forfaitaire majorée. Cet avis contient, pour chaque amende, les mentions prévues par le deuxième alinéa de l'article R. 49-5 et indique le délai et les modalités de la réclamation prévue par les deuxième et troisième alinéas de l'article 530. (...) " Enfin, il résulte des dispositions de l'article A. 37-28 du même code que l'extrait du titre exécutoire que le comptable public compétent adresse au contrevenant, sous forme d'avis l'invitant à s'acquitter du montant de l'amende forfaitaire majorée, comporte une rubrique intitulée "Retrait de points du permis de conduire" dès lors que la contravention constatée entraîne un retrait de point du permis de conduire, qui porte à sa connaissance l'ensemble des informations requises par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route citées au point 2.
4. Il résulte des dispositions du code de procédure pénale citées au point 3 que, lorsque l'infraction au code de la route est constatée sans interception du véhicule, l'avis d'amende forfaitaire majorée est envoyé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'adresse figurant sur le certificat d'immatriculation du véhicule. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au titulaire du permis de conduire et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la réglementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
5. Il résulte des termes du jugement attaqué que, pour juger que l'administration ne pouvait être regardée comme s'étant acquittée de l'obligation d'information préalable prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route à l'occasion de l'infraction commise le 12 juillet 2020, relevée par radar automatique sans interception du véhicule, le tribunal administratif a estimé que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'apportait pas la preuve du paiement de l'amende forfaitaire par Mme B..., titulaire du certificat d'immatriculation. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que l'avis de réception attaché au pli recommandé par lequel le comptable public du Centre national de traitement-Contrôle des sanctions automatisées de Rennes a notifié à l'intéressée l'avis d'amende forfaitaire majoré consécutif à cette infraction, qui est réputé avoir porté à sa connaissance l'ensemble des informations requises par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, comportait la mention " présenté / avisé le : 25/03/2021 " et que la case " pli avisé et non réclamé ", correspondant au motif de non distribution, était cochée, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer est, par suite, fondé à demander, dans cette mesure, l'annulation du jugement qu'il attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. Il résulte de ce qui est dit au point 5 que Mme B... doit être réputée avoir reçu le 25 mars 2021 l'avis d'amende forfaitaire majorée consécutif à l'infraction commise le 12 juillet 2020 et donc avoir pris connaissance des informations requises par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route qu'il comportait. Dès lors, ses conclusions dirigées contre la décision référencée " 48 " de retrait d'un point du capital de points affecté à son permis de conduire consécutive à cette infraction ne peuvent qu'être rejetées.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Paris du 19 juin 2024 est annulé en tant qu'il annule la décision de retrait d'un point du capital de points affecté au capital du permis de conduire de Mme B... à la suite de l'infraction commise le 12 juillet 2020.
Article 2 : Les conclusions de Mme B... dirigées contre la décision de retrait d'un point du capital de points affecté à son permis de conduire consécutive à l'infraction commise le 12 juillet 2020 sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 20 mars 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 17 avril 2025.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Barthélemy
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras