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17/04/2025 | FRANCE | N°492418

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 17 avril 2025, 492418


Vu la procédure suivante :



La société Electricité de France (EDF) a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'article premier de la décision du 2 juin 2021 par laquelle la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Normandie a prononcé à son encontre une amende de 18 390 euros au titre d'un manquement aux dispositions de l'article L. 3171-2 du code du travail. Par un jugement n° 2101734 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.



Par un arrêt

n° 23NT01460 du 9 janvier 2024, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'...

Vu la procédure suivante :

La société Electricité de France (EDF) a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'article premier de la décision du 2 juin 2021 par laquelle la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Normandie a prononcé à son encontre une amende de 18 390 euros au titre d'un manquement aux dispositions de l'article L. 3171-2 du code du travail. Par un jugement n° 2101734 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 23NT01460 du 9 janvier 2024, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Electricité de France contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 7 mars, 7 juin et 20 décembre 2024, la société Electricité de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Electricité de France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle effectué par l'inspection du travail dans les locaux de la société Electricité de France situés à Flamanville, la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Normandie a, le 2 juin 2021, infligé à cette société une amende administrative d'un montant total de 18 390 euros, sur le fondement de l'article L. 8115-1 du code du travail, pour manquement aux dispositions de l'article L. 3171-2 de ce code. Le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de la société Electricité de France tendant à l'annulation de cette sanction par un jugement du 23 mars 2023. La société Electricité de France se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 janvier 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel.

2. Aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, soit adresser à l'employeur un avertissement, soit prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : (...) 3° A l'article L. 3171-2 relatif à l'établissement d'un décompte de la durée de travail et aux dispositions réglementaires prises pour son application ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 3171-2 du code du travail : " Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. " En vertu de l'article D. 3171-8 du même code : " Lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe, au sens de l'article D. 3171-7, ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes : / 1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ; / 2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié. "

4. Il résulte des dispositions citées au point précédent que lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, il incombe à l'employeur de prévoir les modalités par lesquelles un décompte des heures accomplies par chaque salarié est établi pour chaque jour et pour chaque semaine de travail, selon un système qui doit être objectif, fiable et accessible.

5. A ce titre, en particulier, lorsque l'employeur choisit de recourir, aux fins de décompte des heures accomplies, à un outil informatique comportant pour chaque salarié ses heures de travail anticipées, le système qu'il met en œuvre doit garantir que les éventuelles discordances entre le nombre d'heures anticipé et le nombre d'heures effectivement accomplies soient assurées d'être corrigées pour chaque jour et chaque semaine de travail. Si la brièveté du délai selon lequel cette correction est effectuée participe du caractère objectif, fiable et accessible du système mis en œuvre, la circonstance, inhérente à un tel système, que, dans l'intervalle, le nombre d'heures mentionné, qui ne figure qu'à titre provisoire dans l'outil informatique, puisse ne pas correspondre au nombre d'heures effectivement accomplies ne saurait, par elle-même, conduire à le regarder comme ne présentant pas les garanties d'objectivité, de fiabilité et d'accessibilité requises.

6. En l'espèce, la cour administrative d'appel a jugé qu'un système d'enregistrement du temps de travail comportant une déclaration par anticipation des heures travaillées, puis une rectification hebdomadaire pour prendre en compte les heures effectivement accomplies ne satisfaisait pas aux dispositions citées au point 3 aux seuls motifs qu'il ne permettrait pas que le décompte des heures accomplies soit effectivement quotidien et que, jusqu'à leur éventuelle rectification, le nombre des heures effectuées chaque jour pouvait ne pas correspondre au nombre d'heures effectivement accompli. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 qu'en statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Electricité de France est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Electricité de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 9 janvier 2024 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera à la société Electricité de France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Electricité de France et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Délibéré à l'issue de la séance du 11 avril 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Édouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Raphaël Chambon et M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat ; M. Eric Buge, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 17 avril 2025.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Eric Buge

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 492418
Date de la décision : 17/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03 TRAVAIL ET EMPLOI. - CONDITIONS DE TRAVAIL. - DURÉE DU TRAVAIL – CONTRÔLE – DÉCOMPTE DES HEURES DE TRAVAIL – CAS OÙ TOUS LES SALARIÉS NE TRAVAILLENT PAS SELON LE MÊME HORAIRE COLLECTIF DE TRAVAIL – 1) OBLIGATIONS DE L’EMPLOYEUR – 2) POSSIBILITÉ DE RECOURIR À UN SYSTÈME D’ENREGISTREMENT PRÉEMPLI DU TEMPS DE TRAVAIL – EXISTENCE – CONDITIONS.

66-03 1) Il résulte des articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail que lorsque les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, il incombe à l’employeur de prévoir les modalités par lesquelles un décompte des heures accomplies par chaque salarié est établi pour chaque jour et pour chaque semaine de travail, selon un système qui doit être objectif, fiable et accessible....2) A ce titre, en particulier, lorsque l’employeur choisit de recourir, aux fins de décompte des heures accomplies, à un outil informatique comportant pour chaque salarié ses heures de travail anticipées, le système qu’il met en œuvre doit garantir que les éventuelles discordances entre le nombre d’heures anticipé et le nombre d’heures effectivement accomplies soient assurées d’être corrigées pour chaque jour et chaque semaine de travail. Si la brièveté du délai selon lequel cette correction est effectuée participe du caractère objectif, fiable et accessible du système mis en œuvre, la circonstance, inhérente à un tel système, que, dans l’intervalle, le nombre d’heures mentionné, qui ne figure qu’à titre provisoire dans l’outil informatique, puisse ne pas correspondre au nombre d’heures effectivement accomplies ne saurait, par elle-même, conduire à le regarder comme ne présentant pas les garanties d’objectivité, de fiabilité et d’accessibilité requises.


Publications
Proposition de citation : CE, 17 avr. 2025, n° 492418
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eric Buge
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:492418.20250417
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