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17/04/2025 | FRANCE | N°489542

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 17 avril 2025, 489542


Vu les procédures suivantes :



1° M. A... D... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Mons à leur verser une somme de 277 340 euros en réparation des préjudices subis dans le cadre d'une opération d'urbanisme. Par un jugement n° 1904416 du 28 octobre 2021, ce tribunal a condamné, d'une part, la commune de Mons à verser à M. D... et Mme B... une somme de 245 425,03 euros, d'autre part, Toulouse Métropole à garantir la commune de Mons des condamnations prononcées à son encontre.



Par un arrêt n° 21TL24317 du 21 septembre 2023, la cour administrative d'appe...

Vu les procédures suivantes :

1° M. A... D... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Mons à leur verser une somme de 277 340 euros en réparation des préjudices subis dans le cadre d'une opération d'urbanisme. Par un jugement n° 1904416 du 28 octobre 2021, ce tribunal a condamné, d'une part, la commune de Mons à verser à M. D... et Mme B... une somme de 245 425,03 euros, d'autre part, Toulouse Métropole à garantir la commune de Mons des condamnations prononcées à son encontre.

Par un arrêt n° 21TL24317 du 21 septembre 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a, sur appel de Toulouse Métropole, annulé l'article 3 de ce jugement et rejeté les conclusions d'appel en garantie formées par la commune de Mons à l'encontre de Toulouse Métropole.

Sous le numéro 489542, par un pourvoi, enregistré le 21 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Mons demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Toulouse Métropole ;

3°) de mettre à la charge de Toulouse Métropole la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sous le numéro 489543, par un pourvoi, enregistré le 21 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Mons demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Toulouse Métropole ;

3°) de mettre à la charge de Toulouse Métropole la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Levasseur, auditeur,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la commune de Mons et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de Toulouse Métropole ;

Considérant ce qui suit :

1. Les deux pourvois de la commune de Mons présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond qu'après avoir, par arrêté du 9 août 2016, autorisé l'aménagement d'un lotissement de trois lots à bâtir, puis délivré, les 20 avril 2018 et 15 juin 2018, deux permis de construire sur des parcelles de ce lotissement, le maire de Mons (Haute-Garonne) a indiqué aux bénéficiaires de ces autorisations, par courriers du 26 octobre 2018, que le plan de prévention des risques naturels prévisibles, approuvé par arrêté préfectoral du 18 avril 2016, classait leurs terrains en zone bleu foncé en raison d'un risque moyen de mouvement de terrain, que ces terrains étaient ainsi inconstructibles et que les travaux en cours de réalisation devaient être interrompus. Par des jugements du 8 juillet 2021 et du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a condamné, d'une part, la commune de Mons à indemniser les bénéficiaires des autorisations d'urbanisme des préjudices subis par sa faute, d'autre part, Toulouse Métropole, dont les services avaient instruit ces autorisations d'urbanisme, à garantir la commune de Mons des condamnations prononcées à son encontre. La commune de Mons se pourvoit en cassation contre les arrêts du 21 septembre 2023 par lesquels la cour administrative d'appel de Toulouse, sur appel de Toulouse Métropole, a annulé ces jugements en tant qu'ils avaient condamné la métropole à garantir la commune des condamnations mises à sa charge et a rejeté les conclusions d'appel en garantie formées par la commune de Mons à l'encontre de Toulouse Métropole.

3. D'une part, l'article R.* 423-15 du code de l'urbanisme dispose que lorsque l'autorité compétente pour instruire des demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et des déclarations préalables est une commune, elle " peut charger des actes d'instruction : / (...) b) Les services d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales : " (...) III. - Les services d'un établissement public de coopération intercommunale peuvent être en tout ou partie mis à disposition d'une ou plusieurs de ses communes membres, pour l'exercice de leurs compétences, lorsque cette mise à disposition présente un intérêt dans le cadre d'une bonne organisation des services. / IV. - Dans le cadre des mises à disposition prévues aux II et III, une convention conclue entre l'établissement public de coopération intercommunale et chaque commune intéressée en fixe les modalités après consultation des comités techniques compétents. Cette convention prévoit notamment les conditions de remboursement par la commune ou l'établissement public bénéficiaire de la mise à disposition des frais de fonctionnement du service. Les modalités de ce remboursement sont définies par décret (...) ". Aux termes de l'article D. 5211-16 de ce code : " Le remboursement des frais de fonctionnement du service mis à disposition (...) s'effectue sur la base d'un coût unitaire de fonctionnement du service multiplié par le nombre d'unités de fonctionnement constatées par l'établissement de coopération intercommunale ou la commune bénéficiaire de la mise à disposition (...) Le coût unitaire comprend les charges liées au fonctionnement du service et en particulier les charges de personnel, les fournitures, le coût de renouvellement des biens et les contrats de services rattachés, à l'exclusion de toute autre dépense non strictement liée au fonctionnement du service (...) ".

5. Enfin, l'article L. 2131-10 du code général des collectivités territoriales dispose que " sont illégales les décisions et délibérations par lesquelles les communes renoncent soit directement, soit par une clause contractuelle, à exercer toute action en responsabilité à l'égard de toute personne physique ou morale qu'elles rémunèrent sous quelque forme que ce soit ".

6. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par une convention conclue en décembre 2014 entre la commune de Mons et la communauté urbaine de Toulouse, à laquelle a succédé le 1er janvier 2015 la métropole dénommée " Toulouse Métropole ", cet établissement public de coopération intercommunale a mis à disposition de la commune son service instructeur du droit des sols sur le fondement des dispositions de l'article R.* 423-15 du code de l'urbanisme et des III et IV de l'article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales. L'article 14 de cette convention stipule que : " La mise à disposition du service instructeur donne lieu à rémunération au profit de la communauté urbaine. Les communes verseront annuellement une contribution correspondant aux charges liées au fonctionnement du service mis à disposition et supportées par la communauté urbaine. Elles seront calculées dans les conditions prévues à l'article L. 5211-4-1 ". L'article 12 de la même convention stipule que : " (...) 1° dans l'hypothèse où la commune de Mons serait attraite dans un contentieux indemnitaire relatif à un permis, une déclaration ou un certificat d'urbanisme ayant été instruit par les services de la communauté urbaine mis à disposition dans le cadre de la présente convention, elle renonce à appeler cette dernière en garantie. La commune de Mons restera seule responsable des éventuelles irrégularités commises par le service instructeur mis à sa disposition dans le cadre des opérations d'instruction des permis et des déclarations, et agissant sur l'instruction du maire (...). Seront également à la charge de la commune de Mons l'ensemble des dépenses liées au contentieux de l'urbanisme, notamment les condamnations aux dépens, les frais irrépétibles et les condamnations d'ordre indemnitaire ".

7. Une convention de mise à disposition des services d'un établissement public de coopération intercommunale au profit d'une de ses communes membres qui prévoit, conformément aux dispositions du IV de l'article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales, le remboursement des frais de fonctionnement du service instructeur constitue un contrat prévoyant la rémunération d'une personne physique ou morale au sens des dispositions de l'article L. 2131-10 du même code. Une telle convention ne peut donc légalement contenir de clause stipulant que la commune concernée renonce à exercer toute action en responsabilité à l'égard de l'établissement public de coopération intercommunale.

8. Par suite, en écartant l'application de l'article L. 2131-10 du code général des collectivités territoriales au motif que la convention de mise à disposition de services conclue entre Toulouse Métropole et la commune de Mons n'aurait pas prévu de rémunération de la métropole au sens de cet article, la cour administrative d'appel de Toulouse a commis une erreur de droit. La commune de Mons est donc fondée à demander l'annulation des arrêts qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de ses pourvois.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Toulouse Métropole la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Mons au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions du même article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Mons qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Toulouse du 21 septembre 2023 sont annulés.

Article 2 : Les affaires sont renvoyées devant la cour administrative d'appel de Toulouse.

Article 3 : Toulouse Métropole versera à la commune de Mons une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par Toulouse Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Mons et à Toulouse Métropole.

Copie en sera adressée au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 avril 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Catherine Fischer-Hirtz, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillers d'Etat et M. Paul Levasseur, auditeur-rapporteur.

Rendu le 17 avril 2025.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Paul Levasseur

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 489542
Date de la décision : 17/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 avr. 2025, n° 489542
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul Levasseur
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : SCP L. POULET-ODENT ; SARL DELVOLVE ET TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:489542.20250417
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