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15/04/2025 | FRANCE | N°487685

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 15 avril 2025, 487685


Vu la procédure suivante :



La société 63 boulevard des Batignolles Paris VIII APS a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2018, du prélèvement sur la plus-value immobilière prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts ainsi que de l'amende prévue par l'article 1761 de ce code qui lui a été appliquée. Par un jugement nos 2011787, 2119115 du 18

octobre 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 2...

Vu la procédure suivante :

La société 63 boulevard des Batignolles Paris VIII APS a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2018, du prélèvement sur la plus-value immobilière prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts ainsi que de l'amende prévue par l'article 1761 de ce code qui lui a été appliquée. Par un jugement nos 2011787, 2119115 du 18 octobre 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 22PA05118 du 28 juin 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société 63 boulevard des Batignolles Paris VIII APS contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 28 août et 28 novembre 2023 et les 23 septembre et 19 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société 63 boulevard des Batignolles Paris VIII APS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention entre la France et le Danemark, tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur les revenus et la fortune signée à Paris le 8 février 1957 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société 63 boulevard des Batignolles Paris VIII APS ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de droit danois 63 boulevard des Batignolles Paris VIII APS, qui exerce une activité de location de biens immobiliers, a acquis, par voie d'apport, le 17 juillet 2008, un ensemble immobilier situé à Paris pour un montant de 22,6 millions d'euros. En décembre 2008, elle a procédé à une réévaluation libre de cet immeuble à son actif, portant sa valeur à 37 millions d'euros, et l'a affecté à sa succursale française nouvellement créée. Le 13 décembre 2017, la société 63 boulevard des Batignolles Paris VIII APS a cédé ce bien pour un montant de 38 millions d'euros. A la suite d'un contrôle sur pièces portant sur l'exercice clos le 30 septembre 2018, l'administration fiscale a remis en cause le montant de cette plus-value de cession au motif que le prix d'acquisition à retenir pour son calcul était la valeur d'apport de l'immeuble, soit

22,6 millions d'euros, et non la valeur réévaluée inscrite au bilan de la succursale française au

1er janvier 2009, soit 37 millions d'euros. En conséquence de cette rectification, la société 63 boulevard des Batignolles Paris VIII APS a été assujettie au prélèvement prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt, aux pénalités correspondantes au titre de l'exercice clos en 2018 ainsi qu'à l'amende prévue à l'article 1761 du même code. Par un arrêt du 28 juin 2023 contre lequel la société 63 boulevard des Batignolles Paris VIII APS se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 18 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur le cadre juridique :

2. D'une part, aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ". Aux termes de l'article 53 A du même code : " (...) les contribuables (...) sont tenus de souscrire chaque année, dans les conditions et délais prévus aux articles 172 et 175, une déclaration permettant de déterminer et de contrôler le résultat imposable de l'année ou de l'exercice précédent (...) ". Aux termes de l'article 54 de ce code : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. / Si la comptabilité est tenue en langue étrangère, une traduction certifiée par un traducteur juré doit être représentée à toute réquisition de l'administration ". Aux termes de l'article 209 du même code, dans sa rédaction issue des dispositions du N du I de l'article 22 de la loi du 30 décembre 2009 de finances rectificatives pour 2009, qui revêtent, selon les dispositions du 4 du VII du même article, un caractère interprétatif : " I. (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Enfin, aux termes de l'article 164 B du même code : " I. Sont considérés comme revenus de source française : / a. Les revenus d'immeubles sis en France ou de droits relatifs à ces immeubles / (...) / e) Les profits tirés d'opérations définies à l'article 35, lorsqu'ils sont relatifs à des fonds de commerce exploités en France ainsi qu'à des immeubles situés en France (...) ; e bis) Les plus-values mentionnées aux articles 150 U, 150 UB et 150 UC, au 6 ter de l'article 39 duodecies et au f du 1° du II de l'article 239 nonies, lorsqu'elles sont relatives : / 1° A des biens immobiliers situés en France ou à des droits relatifs à ces biens (...) ".

3. Le profit résultant, par application des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts, de la réévaluation libre, par une société non résidente, d'un bien immobilier situé en France inscrit à son actif constitue, en l'absence d'exploitation d'une entreprise en France, un revenu d'immeuble au sens et pour l'application du a du I de l'article 164 B du même code, passible de l'impôt sur les sociétés en France dans les conditions déterminées à l'article 209 de ce code dans sa rédaction issue des dispositions citées au point 2, au titre de l'exercice au cours duquel cette réévaluation a été effectuée, sous réserve de l'application de stipulations des conventions destinées à éviter les doubles impositions.

4. D'autre part, aux termes de l'article 244 bis A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - 1. Sous réserve des conventions internationales, les plus-values, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B, réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement selon les taux fixés au III bis. / (...) / 2. Sont soumis au prélèvement mentionné au 1 : / (...) / b) Les personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit la forme, dont le siège social est situé hors de France ; / (...). 3. Le prélèvement mentionné au 1 s'applique aux plus-values résultant de la cession : / a) De biens immobiliers ou de droits portant sur ces biens ; / (...). III. - Lorsque le prélèvement mentionné au I est dû par une personne morale assujettie à l'impôt sur les sociétés, les plus-values sont déterminées par différence entre, d'une part, le prix de cession du bien et, d'autre part, son prix d'acquisition, diminué pour les immeubles bâtis d'une somme égale à 2 % de son montant par année entière de détention. / Par dérogation au III bis et au premier alinéa du présent III, le prélèvement dû par des personnes morales résidentes d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et n'étant pas non coopératif au sens de l'article 238-0 A est déterminé selon les règles d'assiette et de taux prévues en matière d'impôt sur les sociétés dans les mêmes conditions que celles applicables à la date de la cession aux personnes morales résidentes de France. / (...). / V. - Le prélèvement mentionné au I (...) s'impute, le cas échéant, sur le montant de l'impôt sur les sociétés dû par le contribuable à raison de cette plus-value au titre de l'année de sa réalisation. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué aux personnes morales résidentes d'un Etat de l'Union européenne (...) ". Pour l'application du III de cet article, le prix d'acquisition s'entend de la valeur d'origine inscrite à l'actif du bilan des personnes et organismes redevables du prélèvement. Lorsqu'une entreprise procède à une réévaluation libre d'éléments d'actif de son bilan, en particulier de ses immobilisations amortissables, ce prix d'acquisition s'entend de la valeur nouvelle pour laquelle ces biens sont inscrits au bilan après cette réévaluation.

Sur le litige :

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a jugé que l'administration fiscale était fondée à retenir, pour le calcul des amortissements et la détermination de la plus-value de cession de l'immeuble en cause soumise au prélèvement prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts, la valeur d'apport de ce bien et non la valeur résultant de la réévaluation libre effectuée en 2008 au motif qu'il n'était pas établi que le profit résultant de cette réévaluation avait été compris au titre de l'exercice en cause dans les bénéfices imposables de la société cédante, déclarés au Danemark.

6. En statuant ainsi, alors que, quand bien même ce profit de réévaluation n'aurait pas été imposable en France du fait de l'application des stipulations de la convention fiscale franco-danoise signée à Paris le 8 février 1957, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2008, ni, au surplus, imposé au Danemark, la société requérante était fondée à opposer à l'administration fiscale la valeur comptable réévaluée du bien en cause, la cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à payer à la société 63 boulevard des Batignolles Paris VIII APS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 28 juin 2023 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la société 63 boulevard des Batignolles Paris VIII APS la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société 63 boulevard des Batignolles Paris VIII APS et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 mars 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,

Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, M. Vincent Daumas,

Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 15 avril 2025.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Lionel Ferreira

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Planchette

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 487685
Date de la décision : 15/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 avr. 2025, n° 487685
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lionel Ferreira
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:487685.20250415
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