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15/04/2025 | FRANCE | N°474227

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 15 avril 2025, 474227


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 28 septembre 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin, sur le fondement du 2° de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au statut de réfugié dont il bénéficiait et de le rétablir dans ce statut. Par une décision n° 22058346 du 16 mars 2023, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à cette demande.



Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les ...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 28 septembre 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin, sur le fondement du 2° de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au statut de réfugié dont il bénéficiait et de le rétablir dans ce statut. Par une décision n° 22058346 du 16 mars 2023, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mai et 31 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, relatifs au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), et à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le statut de réfugié est refusé ou il y est mis fin dans les situations suivantes : (...) / 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France (...) soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou une apologie publique d'un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française ". Il résulte de ces dispositions que la possibilité de refuser le statut de réfugié ou d'y mettre fin, qui est sans incidence sur le fait que l'intéressé a ou conserve la qualité de réfugié dès lors qu'il en remplit les conditions, est subordonnée à deux conditions cumulatives. Il appartient à l'OFPRA et, en cas de recours, à la Cour nationale du droit d'asile, d'une part, de vérifier si l'intéressé a fait l'objet de l'une des condamnations que visent les dispositions précitées et, d'autre part, d'apprécier si sa présence sur le territoire français est de nature à constituer, à la date de leur décision, une menace grave pour la société au sens des dispositions précitées, c'est-à-dire si elle est de nature à affecter un intérêt fondamental de la société, compte tenu des infractions pénales commises - lesquelles ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une décision refusant le statut de réfugié ou y mettant fin - et des circonstances dans lesquelles elles ont été commises, mais aussi du temps qui s'est écoulé et de l'ensemble du comportement de l'intéressé depuis la commission des infractions ainsi que de toutes les circonstances pertinentes à la date à laquelle ils statuent.

2. Pour annuler la décision par laquelle l'OFPRA a mis fin au statut de réfugié de M. A... sur le fondement des dispositions citées au point précédent, la Cour nationale du droit d'asile a estimé que sa présence en France ne constituait pas une menace grave pour la société française. Elle a retenu que les faits d'usage et de transport de stupéfiants, pour lesquels M. A... a été condamné le 8 novembre 2019, avaient été commis alors qu'il était mineur et avait pu être influencé, dans un contexte familial difficile, compte tenu de son quartier de résidence, mais n'avaient pas perduré après la fin de sa détention et n'avaient été suivis par aucune nouvelle infraction ni aucun délit. Elle a également retenu que M. A... avait adopté une attitude posée à l'audience, montré une véritable volonté de continuer sa vie en France, en s'éloignant de son passé délinquant, et affirmé ne plus avoir de fréquentations en lien avec le trafic de stupéfiants. Elle a enfin retenu que M. A... présentait des gages sérieux de réinsertion, grâce à un environnement social et familial stable, sa sœur poursuivant des études à la faculté de droit et lui-même attestant d'une inscription à Pôle emploi en vue de suivre une formation professionnelle.

3. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que M. A..., dont le parcours délinquant a commencé en 2013, a été condamné le 8 novembre 2019, par le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand, pour des faits d'usage et de transport de stupéfiants commis en récidive entre 2016 et 2019 et punis d'une peine d'un an et trois mois d'emprisonnement, dont six mois avec sursis, assortie d'une mise à l'épreuve pendant deux ans, et 1 000 euros d'amende. Après la fin de sa détention, le 20 avril 2020, alors que cette mise à l'épreuve courait donc jusqu'en avril 2022, M. A... a été mis en cause pour des faits d'enlèvement et de séquestration ainsi que d'extorsion avec violences, commis le 8 juillet 2020, en lien avec le trafic de stupéfiants, pour lesquels il a été définitivement condamné le 30 juin 2022, par la cour d'appel de Riom, à une peine de vingt-quatre mois de prison, dont douze mois assortis d'un sursis probatoire de deux ans. M. A... a aussi été condamné le 22 septembre 2020, par le tribunal correctionnel d'Evry, pour des faits de conduite sans permis et sans assurance commis en récidive, à une peine de trois mois d'emprisonnement et 1 500 euros d'amende. Il a également fait l'objet d'une ordonnance pénale du 4 décembre 2020 du président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand comportant une amende de 300 euros pour non-exécution d'un travail d'intérêt général. En outre, il ressort notamment du compte rendu de son entretien devant l'OFPRA, le 12 mai 2022 que M. A... a sciemment dissimulé à l'OFPRA, lors de cet entretien, ces éléments de son parcours délinquant, postérieurs à sa détention. Compte tenu des nombreuses condamnations dont a fait l'objet l'intéressé, des faits commis ultérieurement à ces condamnations, du peu de temps écoulé depuis leur commission et du caractère très limité des gages de réinsertion présentés, la Cour nationale du droit d'asile a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en retenant qu'à la date de sa décision, la présence en France de M. A... ne constituait pas une menace grave pour la société française.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qu'il attaque.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'OFPRA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 16 mars 2023 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. B... A....

Délibéré à l'issue de la séance du 24 mars 2025 où siégeaient : Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 15 avril 2025.

La présidente :

Signé : Mme Rozen Noguellou

Le rapporteur :

Signé : M. Philippe Bachschmidt

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Leporcq


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 474227
Date de la décision : 15/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 avr. 2025, n° 474227
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Bachschmidt
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:474227.20250415
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