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11/04/2025 | FRANCE | N°492214

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 11 avril 2025, 492214


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'avis des sommes à payer émis à son encontre le 9 février 2023 pour le recouvrement de la somme de 16 289,06 euros correspondant à un indu de revenu de solidarité active au titre de la période du 1er février 2019 au 31 octobre 2021 et de le décharger du paiement de cette somme, d'autre part, d'annuler la décision du 5 février 2022 par laquelle la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine a mis à sa charge un indu d'aide except

ionnelle de fin d'année pour l'année 2020 d'un montant de 152,45 euros, d...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'avis des sommes à payer émis à son encontre le 9 février 2023 pour le recouvrement de la somme de 16 289,06 euros correspondant à un indu de revenu de solidarité active au titre de la période du 1er février 2019 au 31 octobre 2021 et de le décharger du paiement de cette somme, d'autre part, d'annuler la décision du 5 février 2022 par laquelle la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine a mis à sa charge un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année pour l'année 2020 d'un montant de 152,45 euros, de le décharger du paiement de cette somme et de lui accorder une remise de sa dette et, enfin, d'annuler la décision du 16 avril 2022 par laquelle la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine a mis à sa charge un indu d'aide exceptionnelle de solidarité d'un montant de 150 euros et de le décharger du paiement de cette somme. Par un jugement nos 2302719, 2313391, 2313512 du 22 janvier 2024, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ces demandes.

Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 28 février et 27 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine et de la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine la somme de 3 000 euros, à verser au cabinet Buk Lament, Robillot, son avocat, au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Redondo, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament, Robillot, avocat de M. A... et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département des Hauts-de-Seine ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle de la situation de M. A..., la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine a mis à sa charge, d'une part, par une décision du 1er février 2022, un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 16 289,06 euros au titre de la période du 1er février 2019 au 31 octobre 2021, d'autre part, par une décision du 5 février 2022, un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année d'un montant de 152,45 euros au titre de l'année 2020 et, enfin, par une décision du 16 avril 2022, un indu d'aide exceptionnelle de solidarité d'un montant de 150 euros au titre de l'année 2020. Un avis de somme à payer a été émis à l'encontre de M. A... le 4 juillet 2022 par le département des Hauts-de-Seine pour la récupération de l'indu de revenu de solidarité active, auquel s'est substitué un nouvel avis émis le 9 février 2023. Par un jugement du 22 janvier 2024, contre lequel M. A... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes d'annulation de ce titre exécutoire émis le 9 février 2023, ainsi que des décisions des 5 février et 16 avril 2022.

2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". L'article R. 611-1 du même code prévoit que : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 772-5 du code de justice administrative : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi (...) ". Aux termes de l'article R. 772-9 du même code : " La procédure contradictoire peut être poursuivie à l'audience sur les éléments de fait qui conditionnent l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou la reconnaissance du droit, objet de la requête. / L'instruction est close soit après que les parties ou leurs mandataires ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience. Toutefois, afin de permettre aux parties de verser des pièces complémentaires, le juge peut décider de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure dont il les avise par tous moyens. / L'instruction fait l'objet d'une réouverture en cas de renvoi à une autre audience ".

4. L'article R. 772-9 du code de justice administrative déroge à certaines règles de droit commun de la procédure administrative contentieuse, eu égard aux spécificités de l'office du juge en matière de contentieux sociaux régis par les articles R. 772-5 et suivants de ce code, en fixant des règles dérogeant à celles de l'article R. 613-2 pour la clôture de l'instruction et en assouplissant les contraintes de la procédure écrite par la possibilité pour le juge de laisser se poursuivre à l'audience un débat contradictoire sur des éléments de fait qui conditionnent l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou la reconnaissance du droit. Il reste que le respect du caractère contradictoire de la procédure et des dispositions citées au point 2 impose que la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur, ainsi que les autres productions si elles contiennent des éléments nouveaux, soient communiqués aux parties en leur laissant un délai suffisant, au besoin en reportant à cette fin la date de l'audience, pour qu'elles puissent en prendre connaissance et éventuellement y répondre, que ce soit par la production d'un nouveau mémoire avant la clôture de l'instruction ou, le cas échéant, en cette matière, par la présentation à l'audience d'observations orales sur les éléments de fait qui conditionnent l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou la reconnaissance du droit, objet de la requête.

5. Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article R. 611-8-6 du code de justice administrative : " Les parties sont réputées avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été adressé par voie électronique, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de toute nouvelle communication ou notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles ". Il résulte de ces dispositions que le délai au terme duquel les parties sont réputées avoir eu communication d'un document, de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de celui-ci dans l'application Télérecours n'est pas un délai franc.

6. Il ressort des pièces du dossier du tribunal administratif de Cergy-Pontoise que, après que l'affaire de M. A... avait été inscrite au rôle de l'audience publique de ce tribunal convoquée le lundi 8 janvier 2024, le premier mémoire en défense présenté par le département des Hauts-de-Seine et le premier mémoire en défense présenté par la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine ont été produits et mis à disposition de M. A... sur l'application Télérecours respectivement les 2 et 3 janvier 2024, alors que l'instruction, en application des dispositions de l'article R. 772-9 du code de justice administrative, n'était pas close. M. A... est, en vertu des dispositions citées au point 5, réputé, en l'absence de consultation de sa part, avoir eu communication de ces deux mémoires respectivement le jeudi 4 janvier et le vendredi 5 janvier 2024. Un tel délai, respectivement de quatre et trois jours, dont un samedi et un dimanche non ouvrés, était, alors que ces mémoires en défense, en particulier celui du département, répondaient de manière détaillée aux moyens invoqués dans la requête, insuffisant pour permettre à M. A... d'en prendre connaissance et, le cas échéant, d'y répondre. Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu et à demander pour ce motif l'annulation du jugement attaqué, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi.

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Buk Lament, Robillot, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine et de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser chacun à cette société.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 22 janvier 2024 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Article 3 : Le département des Hauts-de-Seine et l'Etat verseront chacun une somme de 1 500 euros à la SCP Buk Lament, Robillot, avocat de M. A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au département des Hauts-de-Seine et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 mars 2025 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et Mme Anne Redondo, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 11 avril 2025.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Redondo

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 492214
Date de la décision : 11/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 11 avr. 2025, n° 492214
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Redondo
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT ; SCP PIWNICA & MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:492214.20250411
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