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10/04/2025 | FRANCE | N°497615

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 10 avril 2025, 497615


Vu la procédure suivante :





Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 septembre 2024 et 5 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... B... et Mme D... A... demandent au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2024-378 du 25 avril 2024 relatif à l'attribution d'une indemnité de sujétion spécifique au bénéfice de certains fonctionnaires administratifs, techniques et spécialisés, ainsi que de certains personnels militaires, exerçant

au sein de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des secrétariats généraux pour l'...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 septembre 2024 et 5 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... B... et Mme D... A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2024-378 du 25 avril 2024 relatif à l'attribution d'une indemnité de sujétion spécifique au bénéfice de certains fonctionnaires administratifs, techniques et spécialisés, ainsi que de certains personnels militaires, exerçant au sein de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur, ainsi que la décision implicite de rejet de la demande gracieuse du 7 mai 2024 de M. B... de modifier ce décret ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre et aux ministres compétents de prendre un nouveau décret d'application de l'article 206 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 afin d'inclure l'ensemble des agents publics parmi les bénéficiaires de l'indemnité de sujétion spécifique, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard ;

3°) de condamner le ministre de l'intérieur et des outre-mer à verser aux agents concernés une somme correspondant au montant total cumulé de l'indemnité de sujétion due depuis l'entrée en vigueur du décret du 25 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 ;

- le décret n° 2024-378 du 25 avril 2024 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Robin Soyer, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme A... demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 avril 2024 relatif à l'attribution d'une indemnité de sujétion spécifique au bénéfice de certains fonctionnaires administratifs, techniques et spécialisés, ainsi que de certains personnels militaires, exerçant au sein de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur, ainsi que la décision implicite du Premier ministre de rejet de la demande gracieuse de M. B... de modifier ce décret.

2. En premier lieu, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le décret attaqué n'aurait pas été pris dans un délai raisonnable, le délai pris par le Gouvernement pour prendre les dispositions réglementaires d'application d'une loi étant sans incidence sur la légalité de ces dispositions.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 206 de la loi du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, dans sa rédaction applicable au litige : " L'indemnité de sujétion spécifique des personnels administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale, des personnels civils de la gendarmerie nationale et des personnels militaires mentionnés au 2° de l'article L. 4145-1 du code de la défense ainsi que des personnels administratifs, techniques et spécialisés des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur est prise en compte, à compter du 1er juillet 2023, dans le calcul de la pension de retraite, par dérogation aux articles L. 15 et L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite. (...) ". Il résulte de la lettre même de ces dispositions qu'elles n'ont pour objet que de prévoir que l'indemnité de sujétion spécifique des personnels administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale, des personnels civils de la gendarmerie nationale et des personnels militaires est prise en compte dans le calcul de la pension de retraite des agents qui en bénéficient. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en réservant le bénéfice de cette indemnité " aux fonctionnaires administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur, ainsi qu'aux personnels militaires visés au 2° de l'article L. 4145-1 du code de la défense, relevant de l'un des corps figurant en annexe du présent décret ", à l'exclusion des agents contractuels, le décret attaqué aurait méconnu les dispositions de l'article 206 de la loi du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

4. En troisième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Ces modalités de mise en œuvre du principe d'égalité sont applicables à l'édiction de normes régissant la situation d'agents publics qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires.

5. Il ressort des pièces du dossier que le décret du 25 avril 2024 a institué une indemnité de sujétion spécifique au bénéfice de certains fonctionnaires et militaires afin de rétribuer les risques et sujétions liés à l'exercice de certaines fonctions dans la police et la gendarmerie nationales, ainsi que dans les secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur, sans en étendre le bénéfice aux agents contractuels exerçant les mêmes fonctions au sein de ces services.

6. Aux termes de l'article L. 712-1 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire a droit, après service fait, à une rémunération comprenant : / 1° Le traitement ; / 2° L'indemnité de résidence ; / 3° Le supplément familial de traitement ; / 4° Les primes et indemnités instituées par une disposition législative ou réglementaire ". Aux termes de l'article L. 713-1 de ce même code : " La rémunération des agents contractuels est fixée par l'autorité compétente en tenant compte des fonctions exercées, de la qualification requise pour leur exercice et de l'expérience de ces agents. / Elle peut tenir compte de leurs résultats professionnels et des résultats collectifs du service et évoluer au sein de l'administration, de la collectivité ou de l'établissement qui les emploie ".

7. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les risques et sujétions spécifiques des fonctions exercées par les agents contractuels ont vocation à être pris en compte dans le cadre de la rémunération fixée contractuellement, pour chaque agent, par l'autorité administrative, ce qui n'est pas le cas du traitement indiciaire des fonctionnaires. Les fonctionnaires et les agents contractuels étant dès lors placés dans des situations différentes pour ce qui concerne la détermination des éléments de leur rémunération, les requérants ne peuvent soutenir que le Premier ministre aurait méconnu le principe d'égalité en prévoyant l'attribution de l'indemnité en cause aux seuls fonctionnaires.

8. La différence de traitement ainsi instituée entre fonctionnaires et agents contractuels résultant d'une raison objective, les requérants ne sont pas davantage fondés à soutenir que le Premier ministre aurait méconnu le principe d'égalité tel que garanti par le droit de l'Union européenne.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et Mme A... ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'ils attaquent. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision implicite du Premier ministre rejetant sa demande tendant à la modification de ce décret. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête ni d'écarter des débats la " fiche individuelle synthétique " produite par le ministre, qui n'a pas été prise en compte pour la solution du litige, la requête doit être rejetée, y compris ses conclusions indemnitaires et celles à fin d'injonction et d'astreinte.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... et de Mme A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... B..., premier requérant dénommé, et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 497615
Date de la décision : 10/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 avr. 2025, n° 497615
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Robin Soyer
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:497615.20250410
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