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04/04/2025 | FRANCE | N°491504

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 04 avril 2025, 491504


Vu la procédure suivante :



Par une requête, enregistrée le 5 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Eyguières (Bouches-du-Rhône) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-699 du 31 juillet 2023, modifiant le décret n° 2023-601 du 13 juillet 2023, en tant qu'il ne la fait pas figurer parmi les communes exemptées de l'application des dispositions des articles L. 302-5 et suivants du code de la construction et de l'habitation, au titre de la période triennale 2023 à 2025, ainsi que l

a décision implicite née du silence gardé par le Premier ministre rejetant...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Eyguières (Bouches-du-Rhône) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-699 du 31 juillet 2023, modifiant le décret n° 2023-601 du 13 juillet 2023, en tant qu'il ne la fait pas figurer parmi les communes exemptées de l'application des dispositions des articles L. 302-5 et suivants du code de la construction et de l'habitation, au titre de la période triennale 2023 à 2025, ainsi que la décision implicite née du silence gardé par le Premier ministre rejetant son recours gracieux tendant au retrait de ce décret.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Carole Hentzgen, auditrice,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La section 2 du chapitre II du titre préliminaire du livre III du code de la construction et de l'habitation précise les obligations relatives aux logements sociaux applicables aux communes qu'il détermine. Aux termes du III de l'article L. 302-5 de ce code, dans sa rédaction issue de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale : " Un décret fixe, au moins au début de chacune des périodes triennales mentionnées au I de l'article L. 302-8, la liste des communes appartenant aux agglomérations ou aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre mentionnés au I du présent article, pour lesquelles la présente section n'est pas applicable. " La commune d'Eyguières demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 31 juillet 2023 pris en application de ces dispositions en tant qu'il ne la fait pas figurer au nombre des communes exemptées, au titre de la période triennale 2023 à 2025, ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux contre ce décret.

2. Aux termes du IV de l'article R. 302-14 du code de la construction et de l'habitation : " Pour l'application du III de l'article L. 302-5, la liste des communes exemptées de l'application de la section II du chapitre II du titre préliminaire du livre III de la partie législative ne peut porter que sur : / 1° Les communes qui ne sont pas situées dans une agglomération de plus de 30 000 habitants et dont l'isolement ou les difficultés d'accès aux bassins de vie et d'emplois environnants les rendent faiblement attractives, définies dans les conditions précisées à l'article R. 302-14-1 ; (...) ". Les dispositions de l'article R. 302-14-1 du même code précisent les notions d'isolement et de difficultés d'accès aux bassins de vie et d'emplois, ainsi que les indicateurs permettant d'apprécier la faible attractivité en résultant : " (...) La situation d'isolement et les difficultés d'accès d'une commune aux bassins de vie et d'emplois environnants sont établies au vu des temps de transport nécessaires pour atteindre, depuis cette commune, l'un des pôles de centralité définis à l'alinéa précédent. Ces temps de transport sont appréciés en tenant compte, notamment, des services de transports en commun. / La faible attractivité d'une commune résultant de son isolement ou de ses difficultés d'accès aux bassins de vie et d'emplois environnants est appréciée au regard des indicateurs suivants : / 1° Le taux d'évolution de la population sur une période de cinq ans calculé à partir de la population municipale, au sens de l'article R. 2151-1 du code général des collectivités territoriales ; / 2° Le taux de tension sur le logement locatif social, tel que défini au 2° du III de l'article L. 302-5 ; / 3° Le taux de vacance structurelle, entendu comme le nombre de logements du parc privé vacants depuis deux ans ou plus dans une commune, rapporté au nombre de logements du parc privé dans la commune ; / 4° Le dynamisme de la construction, apprécié en fonction de la moyenne des logements autorisés pour 1000 habitants de la commune au cours, au minimum, des trois dernières années ; / 5° L'indice de concentration de l'emploi, entendu comme le nombre total d'emplois proposés sur un territoire par rapport au nombre d'actifs occupés qui y résident. (...) "

3. En vertu des dispositions du 1° du IV de l'article R. 302-14 du code de la construction et de l'habitation précédemment citées, peuvent être exemptées des obligations en matière de logements sociaux les communes qui remplissent certaines conditions, notamment celles qui sont situées hors d'une agglomération de plus de 30 000 habitants et qui sont faiblement attractives et insuffisamment reliées aux bassins d'activités et d'emplois par le réseau de transports en commun. Ces dispositions se bornent à définir les conditions auxquelles doivent répondre les communes susceptibles d'être exemptées des obligations, sans prévoir l'application de plein droit de cette exemption aux communes éligibles. Parmi les communes ainsi éligibles, il appartenait à l'auteur du décret attaqué de déterminer celles qu'il entendait exempter des obligations en matière de logement social au regard de l'ensemble des intérêts publics en cause et en tenant compte des circonstances locales relevées par les représentants de l'Etat dans les régions. Parmi les critères susceptibles d'être pris en compte figurent, comme précisé par les dispositions de l'article R. 302-14-1 du code de la construction et de l'habitation citées au point précédent et rappelé par la commission nationale compétente dans son avis rendu le 26 juin 2023, le taux de tension sur le logement locatif social, le dynamisme de la construction, le taux de vacance structurelle des logements du parc privé, l'indice de concentration de l'emploi, le taux d'évolution de la population municipale et le temps de transport nécessaire pour atteindre la commune du territoire concentrant l'essentiel de l'activité, des emplois ou des services.

4. La commune d'Eyguières soutient remplir les deux conditions d'éligibilité relatives à l'isolement et à la faible attractivité auxquelles les dispositions du III de l'article L. 302-5 subordonnent l'application de l'exemption. Il résulte toutefois de ce qui a été dit ci-dessus que la seule circonstance que la commune remplirait ces deux conditions ne confère pas une exemption de plein droit. S'il n'est pas contesté que la commune requérante présente une mauvaise desserte par les transports en commun avec seulement deux lignes de transports publics enregistrant des passages relativement peu fréquents et se situe, par ailleurs, à 40 à 50 minutes de voiture des principaux bassins d'emploi, cette seule circonstance n'est pas de nature à démontrer un déficit d'attractivité de la commune, qui par ailleurs montre un taux de tension sur le logement social particulièrement élevé, avec plus de cinq demandes enregistrées pour une seule attribution. En outre, la commune ne peut utilement faire état de contraintes de construction liées à l'application de servitudes d'utilité publique sur son territoire, à l'annulation contentieuse d'une modification de son plan local d'urbanisme et à la rareté et au prix du foncier disponible, ces difficultés, à les supposer établies, étant inopérantes au regard des conditions d'exemption rappelées aux points précédents. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'auteur du décret attaqué qui a, ainsi qu'il résulte en particulier de l'avis rendu par la commission nationale compétente, pris en considération les éléments mentionnés au point 3, notamment la forte demande de logement social et le dynamisme observé de la construction sur le territoire de la commune, aurait entaché son appréciation d'une erreur manifeste en s'abstenant de retenir la commune d'Eyguières parmi les communes exemptées.

5. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Eyguières n'est pas fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque ni de la décision implicite rejetant son recours gracieux. Sa requête doit, par suite, être rejetée.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la commune d'Eyguières est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Eyguières et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Carole Hentzgen, auditrice-rapporteure.

Rendu le 4 avril 2025.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Carole Hentzgen

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 491504
Date de la décision : 04/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 2025, n° 491504
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Carole Hentzgen
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:491504.20250404
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