Vu la procédure suivante :
M. A... D... a porté plainte contre M. B... C... devant le conseil départemental de la Charente-Maritime de l'ordre des médecins qui a transmis sa plainte à la chambre disciplinaire de première instance de Nouvelle-Aquitaine de l'ordre des médecins sans s'y associer. Par une décision du 24 juillet 2023, la chambre disciplinaire de première instance a infligé à M. C... la sanction de l'interdiction d'exercer la médecine pour une durée d'un mois, assortie du sursis.
Par une ordonnance du 10 octobre 2023, le président de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a rejeté l'appel formé par M. C... contre cette décision.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 11 décembre 2023 et le 11 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2019-1286 du 3 décembre 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boucard, Capron, Maman, avocat de M. C... ; et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 4126-5 du code de la santé publique : " Dans toutes les instances, (...) le président de la chambre disciplinaire nationale [de l'ordre des médecins] peu[t], par ordonnance motivée, sans instruction préalable : / (...) / 4° Rejeter les plaintes ou les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 4126-11 du même code, applicable à la procédure suivie devant les chambres disciplinaires de l'ordre des médecins : " Les plaintes et requêtes doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées de copies, en nombre égal à celui des parties, augmenté de deux. " Aux termes de l'article R. 4126-15 de ce code : " Lorsque la plainte ou des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte en cours d'instance, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. Toutefois, la chambre disciplinaire nationale peut rejeter de telles conclusions sans demande de régularisation préalable pour les cas d'irrecevabilité tirés de la méconnaissance d'une obligation mentionnée dans la notification de la décision attaquée. / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, la plainte ou les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 du code de justice administrative (...) ". Enfin, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative, applicable à la procédure suivie devant les chambres disciplinaires de l'ordre des médecins en vertu de l'article R. 4126-16 du code de la santé publique : " (...) il est procédé aux notifications (...) des demandes de régularisation (...) au moyen de lettres remises contre signature ou de tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins que M. D... a porté plainte contre M. C..., médecin généraliste, devant le conseil départemental de la Charente-Maritime de l'ordre des médecins. Le conseil départemental a transmis cette plainte à la chambre disciplinaire de première instance de Nouvelle-Aquitaine de l'ordre des médecins, sans s'y associer. Par une décision du 24 juillet 2023, la chambre disciplinaire de première instance a infligé à M. C... la sanction de l'interdiction d'exercer la médecine pour une durée d'un mois, assortie du sursis. Par un courrier adressé le 23 août 2023 par pli recommandé avec demande d'avis de réception, le greffier de la chambre nationale de discipline de l'ordre des médecins a demandé au conseil de M. C..., sur le fondement des dispositions du premier alinéa de l'article R. 4126-11 et du deuxième alinéa de l'article R. 4126-15 du code de la santé publique citées au point précédent, de régulariser la requête d'appel, enregistrée au greffe de cette chambre le 21 août 2023 en cinq exemplaires, formée par M. C... contre la décision du 24 juillet 2023 de la chambre disciplinaire de première instance de Nouvelle-Aquitaine de l'ordre des médecins, par l'envoi d'un exemplaire supplémentaire dans un délai de quinze jours à compter de la réception de ce courrier. Le conseil de M. C... n'ayant pas procédé à cette régularisation dans le délai imparti, le président de la chambre nationale de discipline de l'ordre des médecins, se fondant sur les dispositions de l'article R. 4126-5 du code de la santé publique, a rejeté sa requête d'appel comme manifestement irrecevable, faute d'être accompagnée du nombre de copies exigé par le premier alinéa de l'article R. 4126-11 du même code, par une ordonnance du 10 octobre 2023 contre laquelle M. C... se pourvoit en cassation.
3. L'exigence découlant des dispositions du premier alinéa de l'article R. 4126-11 du code de la santé publique, citées au point 1, faite à l'appelant, dans le cadre d'une procédure disciplinaire ordinale engagée à l'encontre d'un médecin, de présenter sa requête d'appel en l'accompagnant de copies en nombre égal au nombre de parties en cause dans le litige, augmenté de deux, répond à des considérations de bonne administration de la justice en facilitant notamment la communication de l'appel aux autres parties afin de les mettre à même de participer à la procédure. Le conseil départemental de l'ordre des médecins qui, saisi d'une plainte à l'encontre d'un médecin relevant de son ressort, la transmet, en cas d'échec de la procédure de conciliation prévue par l'article L. 4123-2 du code de la santé publique, à la chambre disciplinaire de première instance dans les conditions prévues par ce même article, doit être regardé comme une partie pour l'application des dispositions du premier alinéa de l'article R. 4126-11 de ce code, alors même qu'il a décidé de ne pas s'associer à cette plainte, dès lors qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 4126-14 du même code dans sa rédaction issue du décret du 3 décembre 2019 portant modification des dispositions relatives à la procédure disciplinaire des ordres des professions médicales et paramédicales, ce conseil doit, en première instance comme en appel, recevoir communication des mémoires et pièces produits dans l'instance.
4. En l'espèce, il ressort des pièces de la procédure suivie par la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins qu'une demande de régularisation a été adressée au conseil de M. C... par le greffier de la chambre disciplinaire nationale, relevant que la requête d'appel n'était accompagnée que de quatre copies au lieu des cinq requises par ces dispositions de l'article R. 4126-11 du code de la santé publique et l'invitant à la régulariser en produisant un exemplaire supplémentaire. Toutefois, cette demande de régularisation, qui n'a pas été remise lors de sa distribution par pli recommandé avec demande d'avis de réception, n'a pas été envoyée à l'adresse qui avait été expressément indiquée, dans le courrier d'expédition de la requête d'appel de M. C..., comme étant celle à laquelle devait être expédiée toute correspondance concernant cet appel. Dès lors, la demande de régularisation n'a pas été régulièrement notifiée et M. C... est fondé à soutenir que l'ordonnance qu'il attaque, ayant rejeté son appel comme irrecevable faute d'être accompagnée des copies requises par l'article R. 4126-11 du code de la santé publique, est entachée d'irrégularité et doit être annulée.
5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 10 octobre 2023 du président de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. C... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... et à M. A... D....
Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des médecins.