Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) à lui verser la somme de 772 904 euros en réparation des pertes de gains professionnels futurs et du préjudice d'incidence professionnelle qu'il estime avoir subis à la suite d'un accident médical survenu le 12 mars 2016. Par un jugement n° 2103217 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif a condamné l'Oniam à lui verser la somme de 65 427,35 euros en réparation de ses préjudices avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2021 et capitalisation au 23 janvier 2022 et chaque année à compter de cette date.
Par un arrêt n° 22PA00899 du 5 juin 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement, ainsi que l'appel incident formé par l'Oniam.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 1er août 2023 et le 3 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt, en tant qu'il rejette son appel ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à son avocat, la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sarah Houllier, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de M. A... et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., après avoir subi un traumatisme facial, a reçu des soins au service des urgences de l'hôpital Avicenne de Bobigny ainsi qu'à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, qui n'ont pas pu empêcher une cécité complète de son œil droit. Par un avis en date du 19 octobre 2017, la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) d'Île-de-France a conclu qu'il avait été victime d'un accident médical non fautif dont l'indemnisation relevait de la solidarité nationale. Estimant que les indemnisations proposées par l'Oniam au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle étaient insuffisantes, M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner cet établissement public à lui verser la somme totale de 772 904 euros à titre d'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs et de son préjudice d'incidence professionnelle. Par un jugement du 20 janvier 2022, le tribunal administratif lui a alloué la somme de 65 427,35 euros. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 juin 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que le préjudice correspondant aux pertes de gains professionnels futurs de M. A... n'était pas établi à compter de l'année 2020, la cour administrative d'appel a retenu que l'intéressé, qui avait été licencié pour inaptitude de son poste de chauffeur routier en raison de son handicap, n'était pas dans l'incapacité d'effectuer une reconversion professionnelle ni d'obtenir un autre type d'emploi que celui de chauffeur routier. En statuant ainsi, sans rechercher si, au regard notamment de son niveau de formation, de ses qualifications, de son âge et de la nature de son handicap, M. A... était susceptible de retrouver un emploi dans lequel il pourrait percevoir un salaire équivalent à celui qu'il aurait perçu s'il avait conservé son emploi de chauffeur routier, la cour administrative d'appel a insuffisamment motivé son arrêt et commis une erreur de droit.
3. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il statue sur les préjudices subis au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle.
4. M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Oniam le versement à son avocat, la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, de la somme de 3 000 euros au titre de ces dispositions, sous réserve que cette société renonce à percevoir les sommes correspondant à la part contributive de l'Etat. Les conclusions présentées par l'Oniam au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent, en revanche, qu'être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt n° 22PA00899 du 5 juin 2023 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il statue sur les préjudices subis au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée, à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Oniam versera à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de M. A..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Les conclusions de l'Oniam au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Sarah Houllier, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 4 avril 2025.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
La rapporteure :
Signé : Mme Sarah Houllier
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet