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04/04/2025 | FRANCE | N°472245

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 04 avril 2025, 472245


Vu la procédure suivante :



Le préfet de la Seine-Saint-Denis a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la délibération n° 2020-VI-20 du 11 juin 2020 du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis. Par un jugement n° 2012983 du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 22PA00152 du 3 mars 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du préfet de la Seine-Saint-Denis, annulé ce jugement ainsi que la délibération du 11 juin 2020 du conseil d

épartemental de la Seine-Saint-Denis.



Par un pourvoi sommaire et un ...

Vu la procédure suivante :

Le préfet de la Seine-Saint-Denis a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la délibération n° 2020-VI-20 du 11 juin 2020 du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis. Par un jugement n° 2012983 du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 22PA00152 du 3 mars 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du préfet de la Seine-Saint-Denis, annulé ce jugement ainsi que la délibération du 11 juin 2020 du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mars et 9 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de la Seine-Saint-Denis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;

- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat du département de la Seine-Saint-Denis ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération n° 2020-VI-20 du 11 juin 2020, le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a formulé, sous la forme d'un vœu à l'intention du Gouvernement, différents souhaits relatifs à l'organisation, aux moyens et au fonctionnement de la police nationale, notamment en ce qui concerne la Seine-Saint-Denis. Par un jugement du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions du déféré du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation de cette délibération. Par un arrêt du 3 mars 2023, contre lequel le département de la Seine-Saint-Denis se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement ainsi que la délibération du 11 juin 2020.

2. L'article 58 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions a abrogé les dispositions de l'article L. 121-29 du code des communes interdisant aux conseils municipaux d'émettre des vœux politiques et celles du troisième alinéa de l'article 51 de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux interdisant à ces derniers d'émettre des vœux politiques et ne leur reconnaissant, explicitement, que la possibilité d'émettre des vœux sur toutes les questions économiques et d'administration générale. Ce faisant, le législateur doit être regardé comme ayant, implicitement mais nécessairement, reconnu la faculté, pour les organes délibérants des collectivités territoriales, de formuler des vœux, des prises de position ou des déclarations d'intention, y compris de nature politique, sans la restreindre aux domaines de compétence que la loi leur attribue, pourvu qu'ils portent sur des objets présentant un intérêt public local. Est à cet égard sans incidence, dans le cas d'un conseil départemental, la circonstance que l'article 94 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République ait limité la possibilité qu'il règle par ses délibérations les affaires du département aux seuls domaines de compétence que la loi lui attribue.

3. Par suite, en se fondant, pour juger que le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis n'était pas compétent pour adopter la délibération contestée, sur le fait qu'il était constant que la sécurité publique n'est pas un domaine de compétence que la loi a attribué au département, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, que le département de la Seine-Saint-Denis est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. La délibération par laquelle l'organe délibérant d'une collectivité territoriale émet un vœu ne constitue pas un acte faisant grief et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge de l'excès de pouvoir même en raison de prétendus vices propres, à moins qu'il en soit disposé autrement par la loi, comme c'est le cas lorsque, sur le fondement de l'article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, le préfet défère au tribunal administratif les actes qu'il estime contraire à l'ordre public ou à la légalité.

7. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le préfet de la Seine-Saint-Denis, les questions relatives à l'organisation, aux moyens et au fonctionnement de la police nationale dans le département présentent un intérêt public local. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la délibération contestée serait illégale faute de porter sur un objet présentant un tel intérêt.

8. En second lieu, la méconnaissance du principe de neutralité ne saurait être utilement invoquée à l'encontre d'un vœu formulé par l'organe délibérant d'une collectivité territoriale, eu égard à la nature même d'un tel vœu dont le législateur a entendu qu'il puisse revêtir un caractère politique.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui ne soutient pas que la délibération en cause serait contraire à l'ordre public ou, pour un motif autre que ceux mentionnés aux points 7 et 8, à la légalité, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à son annulation.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département de la Seine-Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 3 mars 2023 est annulé.

Article 2 : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le département de la Seine-Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au département de la Seine-Saint-Denis, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 mars 2025 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Catherine Fischer-Hirtz, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillers d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 4 avril 2025.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

La rapporteure :

Signé : Mme Muriel Deroc

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 472245
Date de la décision : 04/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 2025, n° 472245
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Muriel Deroc
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:472245.20250404
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