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13/03/2025 | FRANCE | N°501454

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, formation collégiale, 13 mars 2025, 501454


Vu la procédure suivante :

M. F... E..., Mme G... E... née H..., M. D... E..., agissant en son nom propre et en qualité de tuteur légal de M. F... E..., Mme C... B... née E... et M. A... E... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution des décisions par lesquelles l'équipe médicale du groupe hospitalier Nord-Essonne (GHNE) a décidé de limiter les traitements prodigués à M. F... E... et, d'autre part, d'enjoind

re au GHNE de continuer, de reprendre et de mettre en œuvre les soins ...

Vu la procédure suivante :

M. F... E..., Mme G... E... née H..., M. D... E..., agissant en son nom propre et en qualité de tuteur légal de M. F... E..., Mme C... B... née E... et M. A... E... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution des décisions par lesquelles l'équipe médicale du groupe hospitalier Nord-Essonne (GHNE) a décidé de limiter les traitements prodigués à M. F... E... et, d'autre part, d'enjoindre au GHNE de continuer, de reprendre et de mettre en œuvre les soins nécessaires à la préservation de sa santé et de sa vie, le cas échéant en procédant à son transfert vers tout autre hôpital. Par une ordonnance n° 2500655 du 28 janvier 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a, d'une part, suspendu l'exécution des décisions attaquées et, d'autre part, enjoint au GHNE de poursuivre tous les soins nécessaires à la protection de la vie et de la santé de M. F... E....

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 12 février et 2 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le GHNE demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 28 janvier 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles ;

2°) de rejeter la demande de première instance des consorts E... ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale afin d'apprécier le bien fondé des mesures litigieuses ;

4°) de mettre à la charge des consorts E... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a considéré que M. E... était en état d'exprimer sa volonté et que le GHNE aurait entaché sa décision d'une irrégularité en ne cherchant pas à la recueillir ;

- c'est à tort que le juge des référés a retenu que le GHNE avait pris une décision de limitation des thérapeutiques dès le 9 décembre 2024, et en méconnaissance des exigences de la procédure collégiale dès lors que, en premier lieu, la première décision de limitation a été prise le 10 décembre 2024, en deuxième lieu, les proches de M. E..., son médecin traitant et un consultant chef de service de médecine polyvalente au groupe hospitalier extérieur au service de réanimation ont été consultés et, en dernier lieu et en tout état de cause, la requête était privée d'objet à la date de son introduction en ce qui concerne cette décision, qui avait été levée avant une nouvelle limitation décidée le 17 décembre 2024, elle-même levée à la suite d'une mise en demeure de l'avocat des consorts E... du 20 décembre 2024 ;

- c'est à tort que le juge des référés a retenu qu'il avait pris une décision de limitation des thérapeutiques actives le 9 janvier 2025 en méconnaissance des exigences de la procédure collégiale dès lors que, d'une part, les proches de M. E..., son médecin traitant et un consultant extérieur ont été consultés et, d'autre part, en tout état de cause, la requête était privée d'objet à la date de son introduction en ce qui concerne cette décision, qui avait été suspendue le jour même ;

- les décisions du 10 décembre 2024 et du 9 janvier 2025 sont suffisamment motivées dès lors qu'elles reposent sur différents arguments médicaux figurant sur les fiches de limitation et arrêt des thérapeutiques actives ;

- elles sont justifiées dès lors qu'eu égard à ses multiples problèmes de santé et à la dégradation de son état au cours de son hospitalisation, les thérapies limitées faisaient courir des risques disproportionnés à M. E... et manifestaient une obstination déraisonnable à son égard ;

- si la nouvelle décision de limitation et arrêt des thérapeutiques actives prise le 27 février 2025, qui comporte moins de limitation que la décision du 9 janvier 2025, prive celle-ci d'effet. Il appartient au juge des référés du Conseil d'Etat d'apprécier la légalité de cette nouvelle décision dans le cadre de la procédure d'appel.

Par un mémoire en défense et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 20 et 28 février et le 4 mars 2025, les consorts E... concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du GHNE la somme de 4 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Ils demandent en outre au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre la décision du 27 février 2025. Ils soutiennent que cette décision a été prise en méconnaissance des exigences de la procédure collégiale, dès lors qu'il n'est pas établi que la volonté du patient ait été recherchée, alors que celui-ci exprime à sa manière son consentement aux traitements, que la décision ne comporte aucune indication sur la position du tuteur et des médecins consultés, que l'avis du médecin extérieur consulté est défavorable aux limitations qu'elle prévoit, et que les soins en cause, notamment une intubation oro-trachéale qui pourrait être nécessaire à sa survie s'il se trouvait dans la même situation qu'à son arrivée à l'hôpital, ne caractériseraient aucunement une obstination déraisonnable.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de la santé publique ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le GHNE et, d'autre part, les consorts E... ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 5 mars 2025, à 11 heures 15 :

- Me Le Prado, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate du groupe hospitalier Nord-Essonne ;

- les représentants du groupe hospitalier Nord-Essonne ;

- Me Le Bret-Desache, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate des consorts E... ;

- M. D... E... et Mme C... B... ;

- le représentant des consorts E... ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a prononcé la clôture de l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

Sur l'office du juge des référés :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. Toutefois, il appartient au juge des référés d'exercer ses pouvoirs de manière particulière lorsqu'il est saisi, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une décision, prise par un médecin, dans le cadre défini par le code de la santé publique, et conduisant à arrêter ou à ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, un traitement qui apparaît inutile ou disproportionné ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, dans la mesure où l'exécution de cette décision porterait de manière irréversible une atteinte à la vie. Il doit alors prendre les mesures de sauvegarde nécessaires pour faire obstacle à son exécution lorsque cette décision pourrait ne pas relever des hypothèses prévues par la loi, en procédant à la conciliation des libertés fondamentales en cause, qui sont le droit au respect de la vie et le droit du patient de consentir à un traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une obstination déraisonnable.

Sur le cadre juridique du litige :

3. Aux termes de l'article L. 1110-1 du code la santé publique : " Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. (...) ". L'article L. 1110-2 de ce code dispose que : " La personne malade a droit au respect de sa dignité ".

4. Aux termes de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique : " Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté (...) ". Aux termes de l'article L. 1110-5-1 du même code : " Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire (...) ". Aux termes de l'article L. 1111-4 du même code : " (...) Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical (...) ".

5. Selon l'article R. 4127-37-1 du code de la santé publique : " I. - Lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin en charge du patient est tenu de respecter la volonté exprimée par celui-ci dans des directives anticipées, excepté dans les cas prévus aux II et III du présent article. / II.- En cas d'urgence vitale, l'application des directives anticipées ne s'impose pas pendant le temps nécessaire à l'évaluation complète de la situation médicale. / III.- Si le médecin en charge du patient juge les directives anticipées manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale, le refus de les appliquer ne peut être décidé qu'à l'issue de la procédure collégiale prévue à l'article L. 1111-11. Pour ce faire, le médecin recueille l'avis des membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et celui d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant, avec lequel il n'existe aucun lien de nature hiérarchique. Il peut recueillir auprès de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient. / IV. - En cas de refus d'application des directives anticipées, la décision est motivée. Les témoignages et avis recueillis ainsi que les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient. / La personne de confiance, ou, à défaut, la famille ou l'un des proches du patient est informé de la décision de refus d'application des directives anticipées ". Et aux termes de l'article R. 4127-37-2 du même code : " I. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement respecte la volonté du patient antérieurement exprimée dans des directives anticipées. Lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, la décision de limiter ou d'arrêter les traitements dispensés, au titre du refus d'une obstination déraisonnable, ne peut être prise qu'à l'issue de la procédure collégiale prévue à l'article L. 1110-5-1 et dans le respect des directives anticipées et, en leur absence, après qu'a été recueilli auprès de la personne de confiance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l'un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient. / II. - Le médecin en charge du patient peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. (...) / La personne de confiance ou, à défaut, la famille ou l'un des proches est informé, dès qu'elle a été prise, de la décision de mettre en œuvre la procédure collégiale. / III. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient à l'issue de la procédure collégiale. Cette procédure collégiale prend la forme d'une concertation avec les membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et de l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L'avis motivé d'un deuxième consultant est recueilli par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile. (...) / IV. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est motivée. La personne de confiance, ou, à défaut, la famille, ou l'un des proches du patient est informé de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d'arrêt de traitement. La volonté de limitation ou d'arrêt de traitement exprimée dans les directives anticipées ou, à défaut, le témoignage de la personne de confiance, ou de la famille ou de l'un des proches de la volonté exprimée par le patient, les avis recueillis et les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient "

6. Il résulte de ces dispositions législatives, ainsi que de l'interprétation que le Conseil constitutionnel en a donnée dans sa décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, qu'il appartient au médecin en charge d'un patient hors d'état d'exprimer sa volonté d'arrêter ou de ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. En pareille hypothèse, le médecin ne peut prendre une telle décision qu'à l'issue d'une procédure collégiale, destinée à l'éclairer sur le respect des conditions légales et médicales d'un arrêt du traitement et, sauf dans les cas mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique, dans le respect des directives anticipées du patient ou, à défaut de telles directives, après consultation de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de sa famille ou de ses proches, ainsi que, le cas échéant, de son ou ses tuteurs.

Sur le litige en référé :

7. Il résulte de l'instruction que M. F... E..., âgé de 43 ans, atteint du syndrome de Prader-Willi et d'autisme atypique, a été transféré aux urgences du groupe hospitalier Nord-Essonne (site de Saclay) le 3 décembre 2024, pour une pneumopathie hypoxémiante avec hypercapnie sur épuisement respiratoire, et admis en réanimation. Les médecins du service de réanimation ont pris, entre le 9 décembre 2024 et le 9 janvier 2025, plusieurs décisions de limitation des thérapeutiques actives susceptibles de lui être prodiguées. Ces limitations portaient, selon la fiche de limitation ou arrêt des thérapeutiques actives du 10 décembre 2024, sur le massage cardiaque externe en cas d'arrêt cardio-respiratoire, l'épuration extra-rénale, l'intubation, la trachéotomie, la transfusion pour choc, l'utilisation de vasopresseurs, la chirurgie, la réadmission en réanimation en cas de sortie du service, la ré-intubation en cas d'extubation, le décubitus ventral et l'oxygénation par membrane extra-corporelle (ACMO). La décision du 9 janvier 2025 a maintenu ces limitations, à l'exception du décubitus ventral et de l'ACMO.

8. M. D... E..., agissant en son nom propre et en qualité de tuteur légal de son fils, M. F... E..., Mme G... E..., M. F... E..., Mme C... B... et M. A... E... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de ces décisions de limitation de soins et d'enjoindre au GHNE de continuer, de reprendre et de mettre en œuvre les soins nécessaires à la préservation de sa santé et de sa vie, en soutenant en particulier que ces décisions avaient été prises en méconnaissance des garanties attachées à la procédure collégiale prévue par les dispositions de l'article R. 4127-37-2 du code de la santé publique et que le maintien des thérapeutiques actives limitées par les décisions contestées ne pouvait être caractérisé comme résultant d'une obstination déraisonnable. Le GHNE relève appel de l'ordonnance du 28 janvier 2025 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a, d'une part, suspendu l'exécution des décisions attaquées et, d'autre part, enjoint au GHNE " de poursuivre tous les soins nécessaires à la protection de la vie et de la santé de M. F... E... ".

9. Il résulte des échanges intervenus à l'audience devant le juge des référés du Conseil d'Etat que M. E... est extubé depuis la fin du mois de janvier 2025, que son état général a connu une amélioration sensible et qu'il n'a plus besoin que d'une assistance respiratoire non invasive pendant la nuit.

10. Au cours de l'instruction de cet appel devant le juge des référés du Conseil d'Etat, compte tenu de l'évolution de l'état de santé de M. E..., l'équipe médicale du service de réanimation du GHNE, par une nouvelle décision du 27 février 2025 prise à l'issue de la procédure collégiale prévue à l'article L. 1110-5-1 du code de la santé publique pour le cas où le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, a réduit le champ de la limitation des traitements susceptibles de lui être prodigués, si son état devait connaître une dégradation. Cette limitation reste toutefois applicable à l'intubation, à la transfusion pour choc et à la réadmission en réanimation. La famille de M. E..., notamment son père et tuteur légal, s'oppose à la mise en œuvre de cette décision. Il résulte de l'instruction que le médecin appelé en qualité de consultant en application de l'article L. 4127-37-2 a émis un avis défavorable à ces limitations.

11. L'intervention de la décision du 27 février 2025 mentionnée au point 10 de la présente ordonnance a mis fin aux effets des décisions antérieures en ce qui concerne les autres limitations de traitement. Eu égard à l'office du juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, la contestation des conditions d'intervention des décisions antérieures se trouve désormais privée d'objet.

12. La décision de limitation des thérapeutiques actives du 27 février 2025 se borne à relever, au titre des arguments médicaux, après un rappel du syndrome et des troubles du spectre autistique dont est atteint M. E..., de ses antécédents de méningite et d'épilepsie sous traitement, et de ce qu'il a été hospitalisé pour un syndrome de détresse respiratoire aiguë, un risque de fausses routes à répétition. En se bornant à invoquer les désagréments liés aux traitements d'assistance respiratoire invasive et le risque qu'ils induisent une aggravation de l'état de santé de l'intéressé et qu'un sevrage de toute ventilation mécanique devienne par la suite impossible, le GHNE ne justifie pas, en l'état de l'instruction, de ce que le recours à l'intubation, à la transfusion pour choc et à la réadmission en réanimation ferait courir au patient des risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté ou manifesterait une obstination déraisonnable, alors qu'il résulte de l'instruction qu'après plusieurs semaines d'intubation, il n'a plus besoin que d'une assistance respiratoire non invasive limitée. Dès lors, les conditions d'application de l'article L. 1110-5-1 du code de la santé publique ne sont pas, à ce jour, réunies. Par suite, la décision du 27 février 2027 est de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie de M. E....

13. Eu égard aux effets potentiels de la décision de l'équipe médicale de limiter les soins prodigués à M. E... en cas de nouvelle défaillance respiratoire, la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-2 du code de justice administrative est remplie.

14. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de suspendre l'exécution de la décision du 27 février 2025 de l'équipe médicale du service de réanimation du GHNE.

15. Il résulte également de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que le GHNE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance du 28 janvier 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a fait droit à la demande des consorts E....

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GHNE le versement aux consorts E... d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme demandée au même titre par le GHNE soit mise à la charge des consorts E....

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du groupe hospitalier Nord-Essonne est rejetée.

Article 2 : La décision du groupe hospitalier Nord-Essonne du 27 février 2025 de limiter les thérapeutiques actives en cas d'aggravation de l'état de M. E... est suspendue.

Article 3 : Le groupe hospitalier Nord-Essonne versera la somme de 3 000 euros aux consorts E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au groupe hospitalier Nord-Essonne et à M. D... E..., premier requérant dénommé.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 mars 2025 où siégeaient : M. Terry Olson, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Nathalie Escaut et M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat, juges des référés.

Fait à Paris, le 13 mars 2025

Signé : Terry Olson


Synthèse
Formation : Juge des référés, formation collégiale
Numéro d'arrêt : 501454
Date de la décision : 13/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 mar. 2025, n° 501454
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. J-Y Ollier
Avocat(s) : SCP LE BRET-DESACHE ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:501454.20250313
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