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12/03/2025 | FRANCE | N°490550

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 12 mars 2025, 490550


L'association InfoMIE, l'association d'accès aux droits des jeunes et d'accompagnement vers la majorité (AADJAM), la Ligue des droits de l'homme (LDH), le Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) et l'association avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la motion adoptée le 28 septembre 2023 par le conseil départemental du Territoire de Belfort, jusq

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L'association InfoMIE, l'association d'accès aux droits des jeunes et d'accompagnement vers la majorité (AADJAM), la Ligue des droits de l'homme (LDH), le Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) et l'association avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la motion adoptée le 28 septembre 2023 par le conseil départemental du Territoire de Belfort, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond.

Par une ordonnance n° 2302212 du 13 décembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 décembre 2023, 15 janvier 2024 et 5 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association InfoMIE, l'AADJAM, la LDH, le GISTI et l'ADDE demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge du département du Territoire de Belfort la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de l'association InfoMIE et autres et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat du département du Territoire de Belfort ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, le 28 septembre 2023, le conseil départemental du Territoire de Belfort a adopté une " motion " aux termes de laquelle les élus à ce conseil entendent " exercer officiellement leur devoir d'alerte sur la saturation des dispositifs de protection de l'enfance du département " et ce conseil " souhaite porter à connaissance que dorénavant, le Département limitera la prise en charge directe ou par la péréquation nationale au public MNE (mineurs non accompagnés) sur notre Territoire jusqu'à ce que le dispositif retrouve des capacités d'accueil dignes et soit en mesure d'assurer la sécurité de tous les enfants. (...) A l'avenir, tout nouvel accueil ne pourra s'exécuter qu'à l'aune d'une sortie du dispositif. (...) ". L'association InfoMIE et autres se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 13 décembre 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté leur requête tendant à la suspension de l'exécution de cette motion, au motif qu'il n'était pas justifié de l'urgence.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / (...) ".

3. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la motion en litige, si elle indique que le département du Territoire de Belfort limitera la prise en charge directe ou par la péréquation nationale des mineurs étrangers non accompagnés jusqu'à ce que le dispositif retrouve des capacités d'accueil dignes et soit en mesure d'assurer la sécurité des enfants et que tout nouvel accueil ne pourra s'exécuter qu'à l'aune d'une sortie du dispositif, n'est pas, par elle-même, constitutive d'une situation d'urgence, dès lors que sa mise en œuvre nécessite l'adoption, par les autorités départementales, de décisions individuelles refusant une telle prise en charge. Par conséquent, en rejetant la demande de l'association InfoMIE et autres, après avoir recueilli leurs observations à l'audience, au motif que la motion en litige ne saurait préjudicier de manière grave et immédiate qu'à la situation de mineurs étrangers pris individuellement dans le cas où cette motion aurait directement conduit ou conduirait le département du Territoire de Belfort à leur refuser une prise en charge au titre de la protection de l'enfance et que, par suite, il n'était pas justifié d'une situation d'urgence permettant de prononcer la suspension de l'exécution de cette motion, le juge des référés du tribunal administratif, qui a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation exempte de dénaturation, n'a pas commis d'erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que l'association InfoMIE et autres ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elles attaquent.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département du Territoire de Belfort, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'association InfoMIE et autres la somme demandée par ce département au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'association InfoMIE et autres est rejeté.

Article 2 : Les conclusions du département du Territoire de Belfort au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association InfoMIE, première dénommée, pour l'ensemble des requérantes, et au département du Territoire de Belfort.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 février 2025 où siégeaient : M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 12 mars 2025.

Le président :

Signé : M. Philippe Ranquet

Le rapporteur :

Signé : M. Géraud Sajust de Bergues

La secrétaire :

Signé : Mme Elisabeth Ravanne


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 490550
Date de la décision : 12/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mar. 2025, n° 490550
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE ; SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:490550.20250312
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