Vu la procédure suivante :
La société civile immobilière Ganeshca a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 septembre 2018 par lequel le maire de Collonges-sous-Salève (Haute-Savoie) ne s'est pas opposé à la déclaration préalable présentée par M. et Mme C... et B... A... en vue de procéder à la division d'une parcelle, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n° 1808213 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 22LY02072 du 19 mars 2024, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et rejeté la demande de la société Ganeshca.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 13 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Ganeshca demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Collonges-sous-Salève et de M. et Mme A... la somme globale de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nejma Benmalek, auditrice,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, Goulet, avocat de la société Ganeshca ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du 21 septembre 2018, le maire de Collonges-sous-Salève ne s'est pas opposé à la déclaration préalable présentée par M. et Mme A... en vue de procéder à la division d'une parcelle cadastrée section A n° 116, située au lieu-dit Creptiout. Par un jugement du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la société Ganeshca tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. La société Ganeshca se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 mars 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme : " Sous réserve de l'application des articles L. 600-12-1 et L. 442-14, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur ". Aux termes de l'article L. 600-12-1 du code de l'urbanisme : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l'utilisation du sol ou à l'occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d'illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet. / Le présent article n'est pas applicable aux décisions de refus de permis ou d'opposition à déclaration préalable. Pour ces décisions, l'annulation ou l'illégalité du document d'urbanisme leur ayant servi de fondement entraîne l'annulation de ladite décision ".
3. Il résulte de l'article L. 600-12-1 que l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un document local d'urbanisme n'entraîne pas l'illégalité des autorisations d'urbanisme délivrées lorsque cette annulation ou déclaration d'illégalité repose sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet en cause. Il appartient au juge, saisi d'un moyen tiré de l'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours contre une autorisation d'urbanisme, de vérifier d'abord si l'un au moins des motifs d'illégalité du document local d'urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l'autorisation d'urbanisme. Un vice de légalité externe est étranger à ces règles, sauf s'il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d'urbanisme applicables au projet. En revanche, sauf s'il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet, un vice de légalité interne ne leur est pas étranger.
4. Lorsque le document local d'urbanisme sous l'empire duquel a été délivrée l'autorisation contestée est annulé ou déclaré illégal pour un ou plusieurs motifs non étrangers aux règles applicables au projet en cause et lorsque ce ou ces motifs affectent seulement une partie divisible du territoire que couvre le document local d'urbanisme, ce sont les dispositions du document immédiatement antérieur relatives à cette zone géographique qui sont remises en vigueur et c'est au regard de ces règles que doit être appréciée la légalité de l'autorisation.
5. En outre, lorsqu'un motif d'illégalité non étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet est susceptible de conduire à remettre en vigueur tout ou partie du document local d'urbanisme immédiatement antérieur, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours en annulation d'une autorisation d'urbanisme ne peut être utilement soulevé que si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur.
6. En retenant, après avoir constaté, par la voie de l'exception, l'illégalité du classement de la parcelle concernée par le projet en zone Ud du plan local d'urbanisme, que la société requérante ne pouvait être regardée comme invoquant la méconnaissance des dispositions pertinentes du plan d'occupation des sols précédent remises en vigueur au motif qu'elle ne remettait pas en cause la légalité du classement de la parcelle litigieuse en zone NAc de ce plan d'occupation des sols, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit.
7. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société Ganeshca est fondée à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Collonges-sous-Salève, d'une part, et de M. et Mme A..., d'autre part, le versement d'une somme de 1 500 euros chacun à la société Ganeshca au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 19 mars 2024 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : La commune de Collonges-sous-Salève d'une part, M. et Mme A..., d'autre part, verseront chacun une somme de 1 500 euros à la société Ganeshca au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Ganeshca, à la commune de Collonges-sous-Salève et à M. et Mme C... et B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 6 février 2025 où siégeaient : M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat, présidant ; Edouard Geffray, conseiller d'Etat et Mme Nejma Benmalek, auditrice-rapporteure.
Rendu le 5 mars 2025.
Le président :
Signé : M. Jean-Luc Nevache
La rapporteure :
Signé : Mme Nejma Benmalek
La secrétaire :
Signé : Mme Paule Troly