La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2025 | FRANCE | N°488313

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 28 février 2025, 488313


Vu la procédure suivante :



Mme D... C..., Mme A... C..., M. E... C... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés non bâties à laquelle ils ont été assujettis au titre des années 2016 à 2020 dans les rôles de la commune de Cournon-d'Auvergne (Puy-de-Dôme). Par un jugement n° 2300047 du 13 juillet 2023, ce tribunal a rejeté leur demande.



Par un pourvoi sommaire, un mémoire et des observations complémentaires, enr

egistrés les 14 septembre et 15 décembre 2023 et le 13 mai 2024 au secrétariat du content...

Vu la procédure suivante :

Mme D... C..., Mme A... C..., M. E... C... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la réduction de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés non bâties à laquelle ils ont été assujettis au titre des années 2016 à 2020 dans les rôles de la commune de Cournon-d'Auvergne (Puy-de-Dôme). Par un jugement n° 2300047 du 13 juillet 2023, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire et des observations complémentaires, enregistrés les 14 septembre et 15 décembre 2023 et le 13 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision du 13 mars 2024 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme D... C... et autres ;

- la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agathe Lieffroy, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de Mme C... et autres ;

1. Mme C... et autres se pourvoient en cassation contre le jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés non bâties au titre des années 2016 à 2020, auxquelles M. et Mme C... ont été assujettis à raison de la parcelle BM n° 333, dans les rôles de la commune de Cournon-d'Auvergne.

2. Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation ".

3. Il ressort des pièces de la procédure transmises par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand que Mme C... et autres ont déposé, à l'appui de leurs demandes, un mémoire distinct soulevant la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 1396 du code général des impôts, qui a été enregistré, ainsi qu'il ressort des fiches des instances devant ce tribunal, le 13 décembre 2021. Il ressort également de ces pièces que le tribunal n'a statué sur cette question prioritaire de constitutionnalité ni par une ordonnance ou une décision avant dire droit, comme il lui était loisible de le faire, ni par le jugement attaqué du 13 juillet 2023. Aussi ce tribunal a-t-il entaché son jugement d'irrégularité en omettant de statuer sur cette question prioritaire de constitutionnalité conformément à l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. Les requérants sont donc fondés, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent.

4. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ".

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

6. Aux termes de l'article 1393 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés non bâties de toute nature sises en France, à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. (...) ". L'article 1396 du même code dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que la taxe foncière sur les propriétés non bâties est établie d'après la valeur locative cadastrale de ces propriétés déterminées conformément aux règles définies aux articles 1509 à 1518 A et sous déduction de 20 % de son montant. Pour les communes autres que celles à forte tension relative au logement puis, à compter des impositions établies au titre de 2018, pour l'ensemble des communes, le B du II de cet article prévoit, en vue, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoire de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement dont ces dispositions sont issues, de favoriser la mise sur le marché des biens en cause pour permettre la construction de logements et de lutter contre les situations de rétention foncière constatées sur le territoire des communes, que " la valeur locative cadastrale des terrains constructibles situés dans les zones urbaines ou à urbaniser, lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie de la zone à urbaniser ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, délimitées par une carte communale, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé conformément au code de l'urbanisme, peut, sur délibération du conseil municipal prise dans les conditions prévues au premier alinéa du I de l'article 1639 A bis, être majorée d'une valeur forfaitaire comprise entre 0 et 3 € par mètre carré pour le calcul de la part revenant aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale sans fiscalité propre. / La majoration ne peut excéder 3 % d'une valeur forfaitaire moyenne au mètre carré définie par décret et représentative de la valeur moyenne du terrain selon sa situation géographique ". Le B bis du même II précise que, pour l'application du B et, à compter des impositions établies au titre de 2018, sauf délibération contraire de la commune, " la superficie retenue pour le calcul de la majoration est réduite de 200 mètres carrés. Cette réduction s'applique à l'ensemble des parcelles contiguës constructibles détenues par un même propriétaire ". Le C prévoit que le maire dresse la liste des terrains constructibles. Enfin, le 1 du D dispose que la majoration n'est pas applicable : " 1° Aux terrains appartenant aux établissements publics fonciers mentionnés aux articles L. 321-1 et L. 324-1 du code de l'urbanisme, aux agences mentionnées aux articles 1609 C et 1609 D du présent code ou à l'établissement public Société du Grand Paris mentionné à l'article 1609 G / 2° Aux parcelles supportant une construction passible de la taxe d'habitation ; / 3° Aux terrains classés depuis moins d'un an dans une zone urbaine ou à urbaniser (...) ".

7. A l'appui de leur question prioritaire de constitutionnalité, Mme C... et autres soutiennent que ces dispositions sont contraires au principe d'égalité devant les charges publiques énoncé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

8. La faculté offerte aux conseils municipaux, par les dispositions attaquées, de majorer, dans les limites prévues par la loi, d'une valeur forfaitaire la valeur locative cadastrale des terrains constructibles, situés dans les zones urbaines délimitées par l'un des documents d'urbanisme que l'article 1396 du code général des impôts mentionne, répond à l'objectif poursuivi par le législateur de favoriser la mise sur le marché de tels biens en vue de la construction de logements et de lutter ainsi contre les situations de rétention foncière constatées sur le territoire des communes. Le législateur a limité les conséquences pour le contribuable de cette majoration, d'une part, en réduisant la superficie retenue pour son calcul de 200 m², d'autre part, en fixant un plafond de son montant par référence à une valeur forfaitaire moyenne au mètre carré définie par décret et représentative de la valeur moyenne du terrain selon sa situation géographique et, enfin, en énumérant les cas dans lesquels elle n'est pas applicable. La différence de traitement qui en résulte, pour l'assujettissement à la taxe foncière des propriétés non bâties, entre les propriétaires de ces terrains et les propriétaires d'autres terrains est ainsi fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec cet objectif et qui prennent en compte les facultés contributives respectivement attachées à la détention de ces propriétés, sans qu'il en résulte de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. En conséquence, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

Sur la demande en décharge :

9. Il résulte des dispositions du 2° du 1 du D du II de l'article 1396 du code général des impôts citées au point 6, éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement dont elles sont issues, et selon lesquelles la majoration prévu par le B du II de cet article n'est pas applicable aux parcelles supportant une construction passible de la taxe d'habitation, que pour leur application, le terme " parcelle " , désigne une unité foncière, îlot de propriété d'un seul tenant, composé d'une ou plusieurs parcelles cadastrales appartenant à un même propriétaire.

10. Il résulte de l'instruction que la parcelle cadastrale BM n° 333, soumise à la taxe en litige résultant de la majoration forfaitaire de sa valeur locative, est attenante à celle qui était, au 1er janvier des années en litige, également la propriété de M. et Mme C... et supportait leur résidence principale, dont il n'est pas contesté qu'elle était passible de la taxe d'habitation. Ces parcelles formaient ainsi ensemble une unité foncière supportant une construction passible de la taxe d'habitation. Dès lors, la parcelle BM n° 333 était insusceptible d'être soumise à la majoration en litige.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et autres sont fondés à obtenir, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur demande, la décharge de la différence entre la taxe à laquelle ils ont été assujettis, résultant de la majoration forfaitaire de la valeur locative de la parcelle BM n° 333 pour les années 2016 à 2020 dans les rôles de la commune de Cournon-d'Auvergne, et la taxe calculée sans cette majoration.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à Mme C... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour l'ensemble des procédures de première instance et de cassation.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme C... et autres.

Article 3 : Mme C... et autres sont déchargés de la différence entre la taxe à laquelle ils ont été assujettis, résultant de la majoration forfaitaire de la valeur locative de la parcelle BM n° 333 pour les années 2016 à 2020, dans les rôles de la commune de Cournon-d'Auvergne et de la taxe calculée sans cette majoration.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 5 000 euros à Mme C... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme D... C..., représentante unique des requérants, et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré à l'issue de la séance du 30 janvier 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et Mme Agathe Lieffroy, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 28 février 2025.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

La rapporteure :

Signé : Mme Agathe Lieffroy

Le secrétaire :

Signé : M. Brian Bouquet

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 488313
Date de la décision : 28/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 fév. 2025, n° 488313
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Agathe Lieffroy
Rapporteur public ?: M. Bastien Lignereux
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:488313.20250228
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award