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25/02/2025 | FRANCE | N°493450

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 25 février 2025, 493450


Vu la procédure suivante :



Par une requête, enregistrée le 15 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, dite FNATH, association des accidentés de la vie, demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2024-113 du 16 février 2024 relatif à la participation forfaitaire des assurés sociaux aux frais de santé en application du II de l'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale et le décre

t n° 2024-114 du 16 février 2024 relatif à la participation des assurés aux frais de santé ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 15 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, dite FNATH, association des accidentés de la vie, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2024-113 du 16 février 2024 relatif à la participation forfaitaire des assurés sociaux aux frais de santé en application du II de l'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale et le décret n° 2024-114 du 16 février 2024 relatif à la participation des assurés aux frais de santé en application des II et III de l'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 ;

- la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 ;

- le décret n° 2024-432 du 13 mai 2024 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le II de l'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale dispose que : " L'assuré acquitte une participation forfaitaire pour chaque acte ou pour chaque consultation pris en charge par l'assurance maladie et réalisé par un médecin, en ville, dans un établissement ou un centre de santé, à l'exclusion des actes ou consultations réalisés au cours d'une hospitalisation. L'assuré acquitte également cette participation pour tout acte de biologie médicale. (...) Son montant est fixé, dans des limites et conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie conformément à la procédure fixée au I. / Un décret fixe le nombre maximum de participations forfaitaires supportées par chaque bénéficiaire au titre d'une année civile. / Lorsque plusieurs actes ou consultations sont effectués par un même professionnel de santé au cours d'une même journée, le nombre de participations forfaitaires supportées par le bénéficiaire ne peut être supérieur à un maximum fixé par décret.(...) " et son III que : " (...) une franchise annuelle est laissée à la charge de l'assuré pour les frais relatifs à chaque prestation et produit de santé suivants, pris en charge par l'assurance maladie : / 1° Médicaments (...), à l'exception de ceux délivrés au cours d'une hospitalisation ; / 2° Actes effectués par un auxiliaire médical (...); / 3° Transports (...) effectués en véhicule sanitaire terrestre ou en taxi, à l'exception des transports d'urgence ;/ 4° Prestations effectuées par un pharmacien d'officine et définies par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. /Le montant de la franchise est forfaitaire (...). La franchise est due dans la limite globale d'un plafond annuel / Lorsque plusieurs actes mentionnés au 2° sont effectués au cours d'une même journée sur le même patient, le montant total de la franchise supportée par l'intéressé ne peut être supérieur à un maximum. Il en est de même pour les transports mentionnés au 3° et pour les prestations mentionnées au 4°. (...) Un décret fixe les modalités de mise en œuvre du présent III. "

2. L'association Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés demande l'annulation pour excès de pouvoir des décrets n° 2024-113 et n° 2024-114 du 16 février 2024 pris pour l'application de ces dispositions.

3. Le décret n° 2024-113 du 16 février 2024 modifie l'article R. 160-19 du code de la sécurité sociale pour prévoir que le montant de la participation forfaitaire mentionnée au II de l'article L. 160-13 de ce code, fixé par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, qui antérieurement à cette modification ne pouvait excéder 1 euro, ne peut plus être inférieur à 2 euros, sans excéder 3 euros.

4. Le décret n° 2024-114 du 16 février 2024 modifie l'article D. 160-9 du code de la sécurité sociale pour porter le montant de la franchise prévue au III de l'article L. 160-13 de 0,50 euro à 1 euro pour les médicaments mentionnés au 1° de ce III et pour les actes effectués par un auxiliaire médical et de 2 euros à 4 euros par trajet pour les transports sanitaires non urgents et l'article D. 160-11 du même code pour porter de 2 euros à 4 euros le montant maximum journalier prévu au III de l'article L. 160-13 pour les actes d'auxiliaire médical et de 4 euros à 8 euros celui prévu pour les transports sanitaires.

5. Aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : " La Nation (...) garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ". Le respect des exigences primordiales de solidarité nationale découlant de ces dispositions doit être apprécié, d'une part, compte tenu de l'ensemble des dispositions en vertu desquelles des sommes sont susceptibles d'être laissées à la charge des assurés sociaux à raison des dépenses de santé qu'ils exposent, notamment au titre des participations prévues à l'article L. 322-2 du code de la sécurité sociale, et, d'autre part, au regard des incidences de telles mesures sur la situation des personnes les plus vulnérables ou défavorisées.

6. D'une part, si les dispositions des décrets litigieux ont pour effet d'accroître les sommes laissées à la charge des assurés sociaux pour la protection de leur santé, cette augmentation a vocation à être prise en charge, pour les personnes aux revenus les plus faibles, dans le cadre de la couverture santé complémentaire prévue par l'article L. 861-1 du code de la sécurité sociale. A ce titre, la loi du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 a étendu les catégories de bénéficiaires de la couverture santé complémentaire et les conditions de son attribution ont été simplifiées, pour certains d'entre eux, par la loi du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

7. D'autre part, les décrets attaqués ont, il est vrai, pour conséquence de doubler les plafonds journaliers des participations financières et franchises prévus aux II et III de l'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale. Toutefois, le décret n° 2024-432 du 13 mai 2024 relatif à la participation des assurés aux frais de santé en application du II de l'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale a modifié l'article D. 160-6 de ce code pour ramener le nombre maximum de participations forfaitaires supportées en application du II de l'article L. 160-13 par le bénéficiaire des soins au cours d'une année civile de cinquante à vingt-cinq jours et maintenir ainsi le plafond annuel de franchise à 50 euros. Le plafond annuel de participation forfaitaire, fixé à 50 euros par l'article D. 160-10 du même code, est également resté inchangé. Il en résulte que les dispositions des décrets attaqués, qui de surcroît n'ont pas modifié le champ des actes concernés par ces dispositions et, par voie de conséquence, celui des actes qui en sont exclus, ne sont susceptibles d'avoir une incidence que sur les personnes dont le reste à charge est inférieur aux plafonds annuels fixés par ces dispositions.

8. Dans ces conditions, les décrets attaqués ne peuvent être regardés comme méconnaissant les exigences du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ou comme étant entachés d'erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être rejetée, y compris en ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, dite FNATH, association des accidentés de la vie, et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 23 janvier 2025 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Édouard Geffray, conseiller d'Etat et Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 25 février 2025.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Isabelle Tison

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 493450
Date de la décision : 25/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 fév. 2025, n° 493450
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Tison
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:493450.20250225
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