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21/02/2025 | FRANCE | N°472645

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 21 février 2025, 472645


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er avril 2023 et 23 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler le décret du 2 février 2023 portant nomination et radiation de conseillers du commerce extérieur de la France en ce qu'il l'a radié des fonctions de conseiller du commerce extérieur de la France ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'artic

le L. 761-1 du code de justice administrative.





Vu les autres pièces du dossier...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er avril 2023 et 23 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 2 février 2023 portant nomination et radiation de conseillers du commerce extérieur de la France en ce qu'il l'a radié des fonctions de conseiller du commerce extérieur de la France ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2010-663 du 17 juin 2010 ;

- le décret n° 2022-828 du 1er juin 2022 ;

- le décret n° 2022-1068 du 29 juillet 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 2 février 2023 portant nomination et radiation de conseillers du commerce extérieur de la France, en ce qu'il l'a radié des fonctions de conseiller du commerce extérieur de la France.

Sur le cadre juridique applicable :

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 17 juin 2010 portant réorganisation de l'institution des conseillers du commerce extérieur de la France : " Les conseillers du commerce extérieur de la France concourent par des actions bénévoles au développement des échanges internationaux de la France et, à ce titre, sont des correspondants du ministre chargé de l'économie, du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé du commerce extérieur. / Ils assistent les pouvoirs publics en leur soumettant des communications relatives au commerce extérieur et en répondant à des demandes d'enquêtes. Ils les appuient dans leurs actions pour le développement international des entreprises, en particulier en faveur des petites et moyennes entreprises, et apportent leurs compétences et leur expérience en matière de soutien à la formation et à l'accompagnement des jeunes sur les marchés internationaux, notamment la promotion de la procédure des volontaires internationaux en entreprise. Ils participent à la promotion de l'attractivité du territoire national. / (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Les conseillers du commerce extérieur de la France résidant à l'étranger relèvent, pour l'exercice de leur mandat, de l'autorité des ambassadeurs. Rattachés au comité local du pays de leur résidence, ils reçoivent du chef du service économique auprès de l'ambassade de France, qui participe à l'animation de ce comité, toutes informations et orientations utiles pour l'accomplissement de leur mandat. / Les conseillers du commerce extérieur de la France résidant en France relèvent, pour l'exercice de leur mandat, de l'autorité du préfet de région. Rattachés à un comité local de la région dans laquelle ils résident, ils reçoivent du préfet de région, qui participe à l'animation de ce comité, toutes informations et orientations utiles pour l'accomplissement de leur mandat ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " I. - Les conseillers du commerce extérieur de la France sont nommés pour trois ans par décret du Premier ministre sur proposition du ministre chargé du commerce extérieur, après examen de leur demande par la commission instituée à l'article 4. / Ils sont choisis parmi les dirigeants, cadres d'entreprises et professions indépendantes exerçant des responsabilités et contribuant au rayonnement international de la France. / (...) ". L'article 4 de ce décret dispose : " Il est institué, auprès du ministre chargé du commerce extérieur, une commission consultative qui donne un avis, après examen des dossiers, sur les candidatures aux fonctions de conseiller du commerce extérieur de la France. / II. - Nul ne peut être nommé conseiller du commerce extérieur de la France s'il n'en fait la demande expresse et s'il ne remplit pas les conditions suivantes : / a) Etre de nationalité française, de la nationalité d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ; / b) Etre âgé de moins de soixante-cinq ans à la date de la première nomination ; / c) Jouir de ses droits civils et civiques ; / d) Justifier de cinq années au moins d'activité et de pratiques dans le domaine de l'économie internationale. / (...) ". Enfin, selon le II de l'article 5 du même décret : " Les conseillers du commerce extérieur de la France peuvent être radiés par décret du Premier ministre, sur proposition du ministre chargé du commerce extérieur, après avis de la commission prévue à l'article 4, soit qu'ils ne remplissent plus les conditions exigées pour exercer leur mandat, soit qu'ils aient fait un usage abusif de leur titre dans l'exercice de leur profession en vue d'en tirer un avantage personnel, ou encore qu'ils ne se soient pas conformés, pendant plus d'une année, aux dispositions de l'article 1er ".

3. Il résulte de ces dispositions que le Premier ministre peut légalement procéder à la radiation d'un conseiller du commerce extérieur de la France au motif que l'intéressé, par sa remise en cause publique de la politique étrangère de la France, ne contribue plus au rayonnement international de la France et ne remplit plus, ainsi, une des conditions d'exercice de son mandat. La radiation décidée pour ce motif ne constitue pas une sanction mais une mesure prise en considération de la personne.

Sur la requête de M. A... :

4. En premier lieu, M. A... soutient que sa radiation des fonctions de conseiller du commerce extérieur de la France méconnaît les dispositions du II de l'article 5 du décret du 17 mars 2010 dès lors que cette radiation n'a pas été décidée sur proposition du ministre chargée du commerce extérieur. Toutefois, il ressort de la version intégrale du décret contesté, produite au dossier, que ce décret a notamment été pris sur le rapport de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui était compétente à sa date d'adoption, en vertu du décret du 1er juin 2022 relatif à ses attributions, pour définir et mettre en œuvre la politique du développement international de la France, notamment au titre du commerce extérieur et de l'attractivité.

5. En deuxième lieu, si M. A... soutient que sa radiation des fonctions de conseiller du commerce extérieur de la France n'est pas intervenue après un avis de la commission consultative prévue par l'article 4 du décret du 17 juin 2010, il ressort au contraire des pièces du dossier que cette commission consultative a, le 14 décembre 2022, émis un avis favorable à la radiation de M. A....

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été prise au motif que M. A... ne cessait d'exprimer son opposition à la politique étrangère de la France à l'égard du conflit russo-ukrainien et ne pouvait plus, ainsi, être considéré comme contribuant au rayonnement international de la France au sens du I de l'article 3 du décret du 17 juin 2010. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que cette décision présentait le caractère non d'une sanction mais d'une mesure prise en considération de la personne, qui ne pouvait être adoptée, comme le prévoit L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qu'après que l'intéressé eut été mis en mesure de présenter ses observations sur les griefs qui lui étaient reprochés. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 15 novembre 2022, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères et le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ont exposé à M. A... les griefs qu'ils lui reprochaient, en des termes lui permettant de se défendre utilement, et l'ont invité à leur faire part de ses observations éventuelles. Ainsi, même s'il fait valoir que l'administration ne lui a pas spontanément communiqué l'une des pièces du dossier sur laquelle elle se serait fondée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que sa radiation a été décidée en méconnaissance des droits de la défense.

7. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que, depuis le déclenchement de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, M. A... a tenu, de manière répétée, des propos publics sur les affinités alléguées de l'Ukraine avec le nazisme, qui relaient la propagande russe et visent à assimiler l'Etat ukrainien, son armée et sa population à cette idéologie. Il a également critiqué l'envoi d'armes occidentales à l'Ukraine ainsi que les sanctions décidées par l'Union européenne, avec le soutien de la France, à l'encontre de la Russie, en qualifiant ces sanctions d'" illégales " et " inefficaces ". Ces propos ont constitué une critique et un dénigrement systématiques des positions de la diplomatie française dans le conflit opposant la Russie à l'Ukraine. Par suite, le décret contesté a légalement prononcé la radiation de M. A... de ses fonctions de conseiller du commerce extérieur de la France, ce dernier ne pouvant plus être considéré comme contribuant au rayonnement international de la France au sens des dispositions du I de l'article 3 du décret du 17 juin 2010.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au Premier ministre, au ministre de l'Europe et des affaires étrangères et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 février 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Pierre Boussaroque, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, conseillers d'Etat, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillères d'Etat et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 21 février 2025.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Géraud Sajust de Bergues

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 472645
Date de la décision : 21/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 fév. 2025, n° 472645
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:472645.20250221
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