Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 6 décembre 2021 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de procéder à l'échange de son permis de conduire marocain contre un permis de conduire français et de lui enjoindre de procéder à l'échange dans un délai de sept jours, au besoin sous astreinte. Par un jugement n° 2200237 du 6 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé la décision du 6 décembre 2021 et enjoint au préfet de la Loire-Atlantique d'échanger le permis de conduire marocain de M. B... contre un permis de conduire français dans un délai d'un mois.
Par un pourvoi, enregistré le 1er septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la route ;
- l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 222-3 du code de la route : " Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de la Communauté européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article D. 221-3 Les conditions de cette reconnaissance et de cet échange sont définies par arrêté du ministre chargé des transports, après avis du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des affaires étrangères. Au terme de ce délai, ce permis n'est plus reconnu et son titulaire perd tout droit de conduire un véhicule pour la conduite duquel le permis de conduire est exigé ". Aux termes du I de l'article 5 de l'arrêté interministériel du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, applicable à la date de la décision attaquée : " I. - Pour être échangé contre un titre français, tout permis de conduire délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen doit répondre aux conditions suivantes : A. - Avoir été délivré au nom de l'Etat dans le ressort duquel le conducteur avait alors sa résidence normale, sous réserve qu'il existe un accord de réciprocité entre la France et cet Etat conformément à l'article R. 222-1 du code de la route. (...) / C.- Pour un étranger non-ressortissant de l'Union européenne, avoir été obtenu antérieurement à la date de début de validité du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article 4 du même arrêté : " I. - Tout titulaire d'un permis de conduire délivré régulièrement au nom d'un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen doit obligatoirement demander l'échange de ce titre contre un permis de conduire français dans le délai d'un an qui suit l'acquisition de sa résidence normale en France. / II. - Pour les ressortissants étrangers non- ressortissants de l'Union européenne, la date d'acquisition de la résidence normale est celle du début de validité du premier titre de séjour " ;
2. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un ressortissant étranger a connu plusieurs périodes de résidence normale en France séparées par des périodes de résidence à l'étranger lui ayant fait perdre sa résidence normale en France, chacun de ces établissements sur le territoire national fait démarrer un période d'un an au cours de laquelle l'intéressé peut demander l'échange d'un permis de conduire obtenu antérieurement.
3. En retenant, d'une part, que M. B... avait bénéficié du 10 juillet 2013 au 12 décembre 2019 du renouvellement annuel d'une carte de séjour temporaire mention " visiteur ", dont il a estimé que la détention n'était pas par elle-même de nature à établir un établissement continu en France, d'autre part, que son absence de retour dans son pays d'origine ne ressortait pas des pièces du dossier, pour en déduire qu'il devait être regardé comme n'ayant acquis la résidence normale en France qu'à l'occasion de la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " le 20 mai 2020, sans rechercher s'il était établi qu'une période de résidence à l'étranger avait fait perdre à M. B... la résidence normale en France que la délivrance de chacun de ses titres provisoires lui avait fait acquérir en application de l'arrêté précité, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit qui en justifie l'annulation.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, après que la délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " visiteur " a fait acquérir à M. B... une résidence normale en France, en application du II de l'article 4 de l'arrêté précité, il ait connu une période de résidence prolongée hors de France qui ait été de nature à lui faire perdre cette résidence normale. Il doit dès lors être regardé comme ayant acquis la résidence normale en France à la date de début de validité de son premier titre de séjour, soit le 10 juillet 2013, et avoir bénéficié, pour demander l'échange de son permis marocain, d'un délai d'un an courant à compter de cette date. Est sans incidence la circonstance, alléguée, qu'il aurait pu recevoir de la sous-préfecture d'Alès des renseignements erronés sur la date à compter de laquelle il pouvait demander l'échange de son permis marocain. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 6 décembre 2021 serait illégale, en ce qu'elle se fonde sur la tardiveté de sa demande, présentée le 13 mars 2021, pour refuser l'échange de son permis. Ses conclusions aux fins d'annulation de cette décision doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : : Le jugement du 6 juillet 2022 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Nîmes sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 14 janvier 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 14 février 2025.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Dominique Langlais
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet