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11/02/2025 | FRANCE | N°491453

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 11 février 2025, 491453


Vu la procédure suivante :



Mme D... B..., veuve A..., a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à lui verser la somme de 18 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de relogement de sa famille, malgré la décision de la commission de médiation du département de la Seine-Saint-Denis du 14 octobre 2015 ayant désigné son époux, M. C... A..., décédé le 24 février 2021, comme prioritaire et devant être logé en urgence.



Par un jugement n° 2200318 du 2 octobre 2023, le magistrat

désigné par le président tribunal administratif a rejeté sa demande.



Par u...

Vu la procédure suivante :

Mme D... B..., veuve A..., a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à lui verser la somme de 18 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de relogement de sa famille, malgré la décision de la commission de médiation du département de la Seine-Saint-Denis du 14 octobre 2015 ayant désigné son époux, M. C... A..., décédé le 24 février 2021, comme prioritaire et devant être logé en urgence.

Par un jugement n° 2200318 du 2 octobre 2023, le magistrat désigné par le président tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 février, 19 avril et 9 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la SCP Marlange, de la Burgade, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Erwan Le Bras, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., reconnu comme prioritaire et devant être logé d'urgence en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation par une décision du 14 octobre 2015 de la commission de médiation de la Seine-Saint-Denis, est décédé le 24 février 2021. Mme B..., sa veuve, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à lui verser la somme de 18 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de relogement de sa famille, pour la période courant du 14 janvier 2016 jusqu'à la date du jugement à venir. Par un jugement du 2 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.

2. Lorsqu'une personne a été reconnue comme prioritaire et devant être logée ou relogée d'urgence par une commission de médiation en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, la carence fautive de l'Etat à exécuter cette décision dans le délai imparti engage sa responsabilité à l'égard du seul demandeur, au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission. Ces troubles doivent être appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l'Etat, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l'Etat. Lorsque le demandeur initial est décédé après avoir été reconnu comme prioritaire et devant être logé d'urgence et qu'une demande d'indemnisation est présentée par son conjoint, membre du foyer bénéficiaire de la décision de la commission de médiation, ce dernier bénéficie, s'il est demandeur d'un logement social et si la situation qui a motivé la décision de la commission perdure, du même droit à indemnisation que le demandeur initial, y compris pour la période postérieure au décès de celui-ci.

3. Pour rejeter la demande d'indemnisation présentée par Mme B..., le tribunal administratif a retenu, d'une part, qu'elle ne sollicitait pas, en qualité d'ayant droit, l'indemnisation des préjudices subis par son époux, seul bénéficiaire de la décision de la commission de médiation, d'autre part, que si elle avait présenté le 30 août 2021, postérieurement au décès de son époux, une demande de logement social, il ne résultait pas de l'instruction que la commission de médiation l'ait désignée comme prioritaire et devant être logée en urgence en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation. En statuant ainsi, alors que, pour se prononcer sur l'existence du droit à indemnisation de Mme B..., il lui appartenait de rechercher si la situation qui avait motivé la décision de la commission de médiation reconnaissant son mari décédé comme prioritaire et devant être logé d'urgence avait perduré et si l'intéressée était demandeuse d'un logement social, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

5. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cette société.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 2 octobre 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montreuil.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de Mme B..., en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 janvier 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat, M. Laurent Cabrera et M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat ; M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat et M. Erwan Le Bras, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 11 février 2025.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Erwan Le Bras

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 491453
Date de la décision : 11/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

38-07-01 LOGEMENT. - RESPONSABILITÉ DE L'ETAT À RAISON DE LA CARENCE FAUTIVE À ASSURER LE LOGEMENT D'UN DEMANDEUR RECONNU PRIORITAIRE ET URGENT [RJ1] – CAS OÙ LA DEMANDE D’INDEMNISATION EST PRÉSENTÉE PAR LE CONJOINT DU DEMANDEUR, DÉCÉDÉ APRÈS CETTE RECONNAISSANCE – PRÉJUDICE INDEMNISABLE – PRÉJUDICE DU DEMANDEUR INITIAL, Y COMPRIS POUR LA PÉRIODE POSTÉRIEURE AU DÉCÈS [RJ2] – CONDITIONS – CONJOINT MEMBRE DU FOYER BÉNÉFICIAIRE DE LA DÉCISION DE LA COMMISSION DE MÉDIATION – MAINTIEN DE LA SITUATION AYANT JUSTIFIÉ LA RECONNAISSANCE COMME PRIORITAIRE.

38-07-01 Lorsqu’une personne a été reconnue comme prioritaire et devant être logée ou relogée d’urgence par une commission de médiation en application des dispositions de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation (CCH), la carence fautive de l’Etat à exécuter cette décision dans le délai imparti engage sa responsabilité à l’égard du seul demandeur, au titre des troubles dans les conditions d’existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission. Ces troubles doivent être appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l’Etat, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l’Etat. ...Lorsque le demandeur initial est décédé après avoir été reconnu comme prioritaire et devant être logé d’urgence et qu’une demande d’indemnisation est présentée par son conjoint, membre du foyer bénéficiaire de la décision de la commission de médiation, ce dernier bénéficie, s’il est demandeur d’un logement social et si la situation qui a motivé la décision de la commission perdure, du même droit à indemnisation que le demandeur initial, y compris pour la période postérieure au décès de celui-ci.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 fév. 2025, n° 491453
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Erwan Le Bras
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:491453.20250211
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