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29/01/2025 | FRANCE | N°474087

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 29 janvier 2025, 474087


Vu la procédure suivante :



Par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 12 mai 2023, la société par actions simplifiée JR CARB demande au Conseil d'État :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 30 novembre 2017 du ministre de la transition écologique et solidaire et du ministre de l'intérieur relatif aux

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 12 mai 2023, la société par actions simplifiée JR CARB demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 30 novembre 2017 du ministre de la transition écologique et solidaire et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'homologation et d'installation des dispositifs de conversion des véhicules à motorisation essence en motorisation à carburant modulable essence - superéthanol E85, tel que modifié par l'arrêté du 19 février 2021 ;

2°) d'annuler par voie de conséquence ces deux arrêtés ;

3°) de condamner l'Etat à verser à la société JR CARB la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- le règlement n° 10 de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies (CEE-ONU) ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 ;

- le règlement (UE) 2018/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 ;

- le règlement d'exécution (UE) 2020/683 de la Commission du 15 avril 2020 ;

- la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 ;

- le code de la route ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 ;

- le décret n° 2013-728 du 12 août 2013 ;

- l'arrêté du 19 juillet 1954 du ministre des travaux publics, des transports et du tourisme relatif à la réception des véhicules automobiles ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'arrêté du ministre de la transition écologique et solidaire et du ministre de l'intérieur du 30 novembre 2017, tel que modifié par l'arrêté du 19 février 2021 de la ministre de la transition écologique, a pour objet, ainsi que le prévoit son article 1er, de définir : " les conditions d'homologation et d'installation des dispositifs de conversion des véhicules à motorisation essence en motorisation à carburant modulable essence - superéthanol E85 " ainsi que " les conditions de désinstallation de dispositifs de conversion des véhicules à motorisation essence en motorisation à carburant modulable essence-superéthanol E85 et la remise en état initial du véhicule ". Son article 2 définit le " dispositif de conversion " comme " un boîtier électronique additionnel, éventuellement couplé avec un ou plusieurs composants avec une détection du taux d'éthanol dans le carburant, destiné à modifier les temps d'injection et éventuellement l'avance à l'allumage du moteur du véhicule à motorisation essence sur lequel il est installé à seule fin de permettre un fonctionnement avec un carburant superéthanol E85, sans aucune modification et ni intervention sur le calculateur (ECU) du véhicule, ni sur la prise de diagnostic (OBD) du véhicule " et le " type de dispositif de conversion " comme " un dispositif de conversion des véhicules à motorisation essence en motorisation à carburant modulable essence-superéthanol E85, destiné à être installé sur une famille de véhicules ". Son article 3 prévoit que le dispositif de conversion est destiné aux véhicules appartenant à la catégorie des voitures particulières ou des camionnettes au sens de l'article R. 311-1 du code de la route, immatriculés en France dans une série définitive, utilisant l'essence comme source d'énergie exclusivement ou dans une motorisation hybride ou à bi-carburation, compatibles avec le carburant SP95-E10 et conformes à un niveau euro 3 minimum au sens de la directive 70/220/CEE modifiée. Il précise par ailleurs que : " (...) 2° La réception d'un type de dispositif de conversion, dite " agrément de prototype ", est délivrée par le Centre national de réceptions des véhicules, ci-après dénommé " l'autorité ", sur demande du fabricant. / 3° L'installation d'un dispositif de conversion est compatible avec les exigences en matière de réception du véhicule conformément à la directive 2007/46/ CE susvisée, ou au règlement (UE) 2018/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, modifiant les règlements (CE) n° 715/2007 et (CE) n° 595/2009 et abrogeant la directive 2007/46/ CE ou de l'arrêté du 19 juillet 1954 susvisé, et notamment leurs exigences en matière de sécurité. / 4° L'installation d'un dispositif de conversion ne peut être effectuée que par un installateur, présent sur le territoire français, habilité par le fabricant. Seuls les dispositifs homologués et montés par un installateur habilité par le fabricant peuvent être installés sur les véhicules circulant sur la voie publique. (...) / 8° A l'issue de l'opération d'installation du dispositif de conversion, l'installateur fournit au fabricant une attestation d'installation, dont le modèle figure à l'annexe II du présent arrêté ; / 9° Le fabricant délivre et signe un certificat de conformité, dont le modèle figure à l'annexe III ter de l'arrêté du 19 juillet 1954 susvisé, sur la base de l'attestation d'installation susmentionnée. Ce document, accompagné de son procès-verbal d'agrément de prototype, est transmis au titulaire du certificat d'immatriculation afin que le certificat d'immatriculation du véhicule transformé soit mis à jour (...) ". La société JR CARB demande l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 30 novembre 2017 tel que modifié par l'arrêté du 19 février 2021, ainsi que l'annulation par voie de conséquence de ces deux arrêtés.

Sur le cadre juridique :

2. D'une part, aux termes de l'article 1er du règlement (UE) 2018/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, modifiant les règlements (CE) n° 715/2007 et (CE) n° 595/2009 et abrogeant la directive 2007/46/CE : " 1. Le présent règlement établit les dispositions administratives et les prescriptions techniques applicables à la réception par type et à la mise sur le marché de tous les nouveaux véhicules, systèmes, composants et entités techniques distinctes visés à l'article 2, paragraphe 1, et à la réception individuelle de véhicules. / Le présent règlement établit également les dispositions applicables à la mise sur le marché et à la mise en service de pièces et d'équipements susceptibles de présenter un risque grave pour le bon fonctionnement de systèmes essentiels des véhicules visés à l'article 2, paragraphe 1. / 2. Le présent règlement établit les prescriptions applicables à la surveillance du marché des véhicules, systèmes, composants et entités techniques distinctes qui sont soumis à réception. Le présent règlement établit également les prescriptions applicables à la surveillance du marché des pièces et équipements destinés à ces véhicules ". Ce règlement s'applique, ainsi que le prévoit son article 2, " aux véhicules à moteur relevant des catégories M et N et à leurs remorques de catégorie O, destinés à circuler sur le réseau routier public, y compris ceux conçus et construits en une ou plusieurs étapes, ainsi qu'aux systèmes, composants et entités techniques distinctes, de même qu'aux pièces et équipements, conçus et construits pour être montés sur ces véhicules et leurs remorques. (...) ". L'article 3 de ce règlement définit la " réception UE par type " comme " la procédure par laquelle une autorité compétente en matière de réception certifie qu'un type de véhicule, de système, de composant ou d'entité technique distincte satisfait aux dispositions administratives et aux prescriptions techniques applicables du présent règlement ", la " réception nationale par type " comme " la procédure par laquelle une autorité compétente en matière de réception certifie qu'un type de véhicule, de système, de composant ou d'entité technique distincte satisfait aux dispositions administratives et aux prescriptions techniques applicables énoncées dans le droit d'un État membre, la validité de cette réception étant limitée au territoire de cet État membre". Cette dernière procédure est prévue, ainsi que cela résulte de l'article 42 du règlement, pour la production de véhicules en petites séries. L'article 5 de ce même règlement dispose que : " 1. Les véhicules, systèmes, composants et entités techniques distinctes satisfont aux prescriptions des actes réglementaires énumérés à l'annexe II. (...) ". Et il résulte de l'article 6 du règlement que : " Les États membres ne peuvent interdire, restreindre ou empêcher la mise sur le marché, l'immatriculation ou la mise en service des véhicules, systèmes, composants ou entités techniques distinctes qui sont conformes au présent règlement, sauf dans les cas prévus au chapitre XI ".

3. D'autre part, le chapitre 9 du titre 2 du livre III de la partie législative du code de la route fixe notamment les conditions dans lesquelles s'exercent les contrôles de conformité des véhicules à moteur, des composants et entités techniques distinctes mis à disposition sur le territoire national ainsi que des pièces détachées et des équipements destinés à ces véhicules à la réglementation applicable en matière de réception des véhicules régis par les titres Ier et II du code de la route ainsi qu'à la réglementation européenne. Les modalités d'application de ce chapitre sont, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 329-51, prises par décret en Conseil d'Etat. Les articles R. 321-6 à R. 321-14 du code de la route précisent les modalités de la réception communautaire. La réception nationale par type ou à titre isolé et l'homologation sont régies par les articles R. 321-15 à R. 321-25 de ce même code. L'article R. 321-15 du code de la route dispose que : " Avant sa mise en circulation et en l'absence de réception CE, tout véhicule à moteur, toute remorque ou tout élément de véhicule, toute semi-remorque doit faire l'objet d'une réception nationale effectuée soit par type à la demande du constructeur, soit à titre isolé à la demande du propriétaire ou de son représentant. (...) Le ministre chargé des transports détermine par arrêté les éléments de véhicule soumis à réception ainsi que les conditions particulières auxquelles sont soumis les différents éléments de véhicule pour assurer la conformité des véhicules formés à partir d'éléments avec les dispositions du présent code. (...)". Aux termes de l'article R. 321-16 du code de la route : " Tout véhicule isolé ou élément de véhicule ayant subi des transformations notables est obligatoirement soumis à une nouvelle réception. Le propriétaire du véhicule ou de l'élément de véhicule doit demander cette nouvelle réception au préfet. / Le ministre chargé des transports définit par arrêté les transformations notables rendant nécessaires une nouvelle réception ". L'article R. 322-8 du même code relatif à l'immatriculation des véhicules dispose que : " I. - Toute transformation apportée à un véhicule soumis à immatriculation et déjà immatriculé, qu'il s'agisse d'une transformation notable ou de toute autre transformation susceptible de modifier les caractéristiques indiquées sur le certificat d'immatriculation, nécessite la modification de celui-ci. (...)/ II. - Un arrêté du ministre chargé des transports, pris après avis du ministre de l'intérieur, fixe les conditions d'application du présent article. (...) ". L'article 12 ter de l'arrêté du 19 juillet 1954 relatif à la réception des véhicules automobiles applicable aux réceptions par type ou à titre isolé nationales définies aux articles R. 321-15 à R. 321-24 du code de la route dispose que : " 1. L'agrément de prototype est l'acte de réception par lequel il est constaté qu'un type de véhicule usagé transformé en série satisfait aux exigences techniques du code de la route. / 2. Le transformateur est la personne ou l'organisme responsable devant l'administration de tous les aspects du processus d'agrément de prototype et de la conformité de production des véhicules transformés. / 3. L'agrément de prototype s'applique au cas des transformations notables de véhicules usagés, telles que définies à l'article 13, effectuées au moyen de pièces fabriquées en série. Les véhicules usagés disposent d'une immatriculation nationale définitive autre que spécifique, telle que définie dans l'arrêté du 9 février 2009 modifié relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules. / L'agrément de prototype est soumis aux mêmes dispositions que celles applicables à la réception par type complémentaire ou multi-étape mentionnées à l'article 12 bis. / 4. L'agrément de prototype est accordé aux transformateurs respectant soit les règles d'évaluation initiale prévues dans le point 2 de l'annexe IV du règlement UE 2018/858 précité, ou dans le point 3 de l'annexe IV du règlement (UE) n° 1322/2014, ou dans l'annexe IV du règlement (UE) n° 44/2014, soit celles prévues à l'annexe 3 de l'arrêté du 3 novembre 2022 précité. (...) ". Aux termes de l'article 13 de l'arrêté du 19 juillet 1954 : " Constituent une transformation notable au sens de l'article R. 321-16 du code de la route nécessitant une réception à titre isolé : / - toute transformation d'un véhicule déjà en circulation susceptible de modifier sa situation au regard des articles R. 311-1, R. 312-1 à R. 312-18, R. 314-1 à R. 316-10 , R. 317-23 à R. 317-24-1, R. 317-26-1 et R. 318-1 à R. 318-8 du code de la route ; / - toute modification des indications d'ordre technique figurant sur le certificat d'immatriculation, à l'exception de la carrosserie (à condition qu'il soit présenté un certificat tel que prévu à l'annexe VII du présent arrêté), du couple genre / carrosserie (à condition qu'il soit présenté un certificat tel que prévu à l'annexe VII bis du présent arrêté), ou du poids à vide (...)".

Sur la recevabilité de la requête de la SAS JR CARB :

4. Contrairement à ce que soutient le ministre de transition écologique et de la cohésion des territoires, la société JR CARB, qui conçoit et commercialise des boitiers éthanol, justifie d'un intérêt à demander l'annulation de la décision attaquée.

Sur la légalité externe de l'arrêté du 30 novembre 2017 tel que modifié par l'arrêté du 19 février 2021 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement alors en vigueur: " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) ". Il résulte, d'une part, de l'article 4 du décret du 9 juillet 2008 portant organisation de l'administration centrale des ministères chargés de la transition écologique, de la cohésion des territoires et de la mer dans sa rédaction alors applicable, que le service du climat et de l'efficacité énergétique de la direction générale de l'énergie et du climat élabore et met en œuvre la politique relative à la lutte contre le changement climatique et à la pollution atmosphérique ainsi que les réglementations techniques relatives aux véhicules, tant en ce qui concerne leur sécurité que leur impact environnemental. Il résulte, d'autre part, de l'article 11 du décret du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer alors applicable, que la délégation à la sécurité routière élabore et met en œuvre la politique de sécurité routière, contribue, en liaison avec les services des ministères chargés de l'écologie, de l'énergie et des transports, à la réglementation relative à l'immatriculation des véhicules, est chargée de la délivrance des certificats d'immatriculation et est responsable des systèmes d'information relatifs à l'immatriculation et à l'identification des véhicules. M. B... et M. A... ont été respectivement nommés dans les fonctions de directeur général de l'énergie et du climat et délégué à la sécurité routière par des décrets, publiés au Journal officiel, en date des 19 décembre 2012 et 2 avril 2015. Il en résulte qu'ils étaient compétents pour signer, au nom du ministre dont ils relèvent, les arrêtés litigieux qui entrent dans le champ des compétences des services placés sous leur autorité.

6. En second lieu, ainsi que cela a été dit au point 3, l'article L. 329-51 du code de la route a renvoyé à un décret en Conseil d'Etat la définition des modalités d'application du contrôle conformité des véhicules à moteur, des composants et entités techniques distinctes mis à disposition sur le territoire national ainsi que des pièces détachées et des équipements destinés à ces véhicules. Et les articles R. 321-15 et R. 321-16 du code de la route, sur le fondement desquels est pris l'arrêté attaqué, et dont la légalité n'est pas contestée, renvoient au ministre chargé des transports le soin de déterminer, par arrêté, les éléments de véhicule soumis à réception ainsi que les conditions particulières auxquelles sont soumis les différents éléments de véhicule pour assurer la conformité des véhicules formés à partir d'éléments avec les dispositions du code ainsi que la définition des transformations notables rendant nécessaires une nouvelle réception. Il résulte de ce qui précède que le ministre chargé des transports était compétent pour prendre l'arrêté modifié attaqué.

Sur la légalité interne de l'arrêté du 30 novembre 2017 tel que modifié par l'arrêté du 19 février 2021 :

7. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point 2 que le règlement (UE) 2018/858 a entendu procéder à une harmonisation complète de la réglementation applicable dans les Etats membres de l'Union européenne en matière de réception et de surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, interdisant en principe aux Etats membres de maintenir ou édicter des règles supplémentaires à celles prévues par le règlement, fût-ce dans un but de sécurité ou de protection de l'environnement. Et il résulte de ces mêmes dispositions que l'installation d'un boitier éthanol sur un véhicule déjà immatriculé ne relève pas des procédures de réception telles que prévues par le règlement. Toutefois, en application des dispositions de l'article 55 de ce règlement, intégré au chapitre XI relatif aux clauses de sauvegarde, les pièces ou équipements qui sont susceptibles de présenter un risque grave pour le bon fonctionnement de systèmes essentiels à la sécurité du véhicule ou à sa performance environnementale doivent être interdits, à moins qu'une autorité compétente en matière de réception ne les ait autorisés conformément à l'article 56. Il est précisé que ces autorisations ne peuvent concerner que les pièces ou équipements figurant sur une liste que la Commission européenne définit et met à jour afin de tenir compte de l'évolution des techniques et de la réglementation et que la Commission est habilitée à adopter des actes délégués pour compléter le règlement afin de définir les prescriptions auxquelles l'autorisation des pièces et équipements doit satisfaire. L'article 56 prévoit cependant, en son paragraphe 7, que tant que cette liste n'a pas été établie, " les États membres peuvent maintenir les dispositions nationales concernant les pièces ou équipements susceptibles de compromettre le bon fonctionnement de systèmes essentiels à la sécurité du véhicule ou à sa performance environnementale ".

8. Dès lors que, d'une part, la liste mentionnée à l'article 55 du règlement 2018/858 n'a pas été établie et que, d'autre part, l'installation de boitiers E 85 sur des véhicules déjà immatriculés, qui peuvent être regardés comme des équipements tels que définis à l'article 3 de ce règlement, est susceptible de présenter un risque grave pour le bon fonctionnement de systèmes essentiels à la sécurité du véhicule ou à sa performance environnementale, le pouvoir réglementaire était autorisé, conformément aux dispositions de l'article 56 du règlement précité, à s'appuyer sur les dispositions nationales existantes pour encadrer la mise sur le marché des boitiers éthanol et, en particulier, les soumettre aux procédures de réception nationale prévues par les articles R. 321-15 et R. 321-16 du code de la route citées au point 3. Il suit de là que les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué serait contraire au règlement 2018/858 et dépourvu de base légale doivent être écartés.

9. En deuxième lieu, cette procédure de réception ne méconnait pas le règlement n° 10 de la Commission économique pour l'Europe des Nations unie relatif à l'homologation des véhicules en ce qui concerne la compatibilité électromagnétique, lequel prévoit une procédure d'homologation lorsque les composants autres que d'origine destinés à être installés sur des véhicules automobiles interviennent dans les fonctions ayant trait à la commande directe du véhicule, telles que le moteur.

10. En troisième lieu, si la société requérante soutient que les obligations imposées à l'article 3 de l'arrêté attaqué, en tant qu'elles prévoient que " l'installation d'un dispositif de conversion ne peut être effectuée que par un installateur, présent sur le territoire français, habilité par le fabricant " méconnaissent le principe de libre concurrence, il apparait toutefois que ces restrictions, qui permettent au fabricant de s'assurer que le dispositif homologué est installé conformément à ses prescriptions, sont justifiées par une raison impérieuse d'intérêt général de sécurité routière et de protection de l'environnement et sont proportionnées aux objectifs poursuivis.

11. En quatrième lieu, les obligations mentionnées au point précédent ne méconnaissent pas davantage la liberté d'établissement dès lors, d'une part, qu'elles sont justifiées, ainsi que cela a été dit, par des raisons impérieuses d'intérêt général de sécurité routière et de protection de l'environnement, et sont proportionnées à ces objectifs, et d'autre part, que l'arrêté attaqué n'apporte aucune restriction à la possibilité pour un fabricant ou un installateur d'un autre pays membre de l'Union européenne, pour le premier, de solliciter l'homologation d'un dispositif de conversion et, pour le second, de s'établir en France. Par suite, le moyen tiré de ce que les prescriptions de l'article 3 de l'arrêté attaqué seraient discriminatoires et porteraient atteinte à la liberté d'établissement garantie par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être rejeté.

12. En cinquième lieu, l'activité d'installation d'équipement automobile constitue une prestation de service dans le domaine des transports au sens de l'article 58, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui n'est pas soumise aux dispositions de ce traité relatives à la libre prestation de services. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté.

13. En sixième lieu, si l'arrêté attaqué, pour définir le terme de fabricant, renvoie aux dispositions de l'alinéa 27 de l'article 3 de la directive 2007/46/ CE et de l'article R. 321-1 du code de la route, lesquelles définissent le terme de " constructeur ", il n'en résulte pas, dans le cadre juridique des textes applicables et alors notamment que le règlement d'exécution (UE) 2020/683 emploie dans son annexe modèle C relatif à la réception de composants le terme de " fabricant ", une atteinte à l'objectif constitutionnel d'intelligibilité et de clarté de la norme

14. Il résulte de ce tout qui précède que la société JR CARB n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardée par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 30 novembre 2017 relatif aux conditions d'homologation et d'installation des dispositifs de conversion des véhicules à motorisation essence en motorisation à carburant modulable essence - superéthanol E85 tel que modifié par l'arrêté du 19 février 2021. Ses conclusions doivent, par suite, être rejetées dans leur ensemble, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête la société par actions simplifiée JR CARB est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée JR CARB et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 janvier 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Stéphanie Vera, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 29 janvier 2025.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Stéphanie Vera

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 474087
Date de la décision : 29/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jan. 2025, n° 474087
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Stéphanie Vera
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:474087.20250129
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