Vu la procédure suivante :
M. D... A... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1903477 du 15 mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. A... et Mme C... ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 et rejeté le surplus de leurs conclusions.
Par un arrêt n° 21TL01731 du 26 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire enregistrés les 27 mars et 27 juin 2023 et le 2 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boucard-Maman, avocat de M. D... A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... et Mme C... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2011 à 2013, à l'issue duquel leur ont été notifiés des rehaussements de leurs revenus imposables au titre de ces années. Par un jugement du 15 mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier les a déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013. Par un arrêt du 26 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement en tant qu'il avait rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et des pénalités correspondantes au titre de l'année 2011. M. A... se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la mise en demeure de déclarer ses revenus pour l'année 2011 :
2. En relevant, pour écarter le moyen tiré de ce qu'aucune mise en demeure de déclarer ses revenus pour l'année 2011 n'avait été régulièrement notifiée à M. A... par l'administration fiscale, que cette mise en demeure lui avait bien été adressée par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 août 2014 (avis de réception n° 2C 070 382 8692 5) et que, contrairement à ce qu'il soutenait, ce pli ne contenait pas la mise en demeure de déclarer ses revenus pour l'année 2013 puisque cette mise en demeure lui avait été adressée par une autre lettre recommandée avec accusé de réception (avis de réception n° 2 C 070 382 8691 8), la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
En ce qui concerne l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle :
3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux dans sa rédaction alors applicable : " En cas d'absence du destinataire à l'adresse indiquée par l'expéditeur lors du passage de l'employé chargé de la distribution, le prestataire informe le destinataire que l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré. / Au moment du retrait par le destinataire de l'envoi mis en instance, l'employé consigne sur la preuve de distribution les informations suivantes : / - les nom et prénom de la personne ayant accepté l'envoi et sa signature (le destinataire ou son mandataire) ; / - la pièce justifiant son identité ; / - la date de distribution. / La preuve de distribution comporte également la date de présentation de l'envoi. / Les modalités de l'information du destinataire sont fixées dans les conditions générales de vente ainsi que celles relatives au retour de l'envoi postal à l'expéditeur en cas de non-distribution. ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Un exemplaire de la preuve de distribution doit être conservé par le prestataire de services postaux pendant un an à compter de la date de distribution. Pendant cette période, cette pièce est communiquée, à leur demande, à l'expéditeur et au destinataire, après vérification de leur identité ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " A la demande de l'expéditeur, (...) le prestataire peut établir un avis de réception attestant de la distribution de l'envoi. Cet avis est retourné à l'expéditeur et comporte les informations suivantes : / - les nom et prénom de la personne ayant accepté l'envoi et sa signature (le destinataire ou son mandataire) ; / - la pièce justifiant son identité ; / - la date de présentation si l'envoi a fait l'objet d'une mise en instance ; / - la date de distribution ; / - le numéro d'identification de l'envoi ; / - l'identification du prestataire ayant effectué la distribution, s'il est différent de celui auprès duquel l'envoi a été déposé ".
5. Enfin, le premier alinéa de l'article 3.2.8 des conditions générales de vente applicables aux prestations courrier-colis de la Poste stipule que " le retrait à l'endroit indiqué sur l'avis de passage d'un envoi postal nécessite la présentation par le destinataire, ou son représentant titulaire d'une procuration en cours de validité établie par le destinataire l'autorisant à retirer les envois postaux adressés à ce dernier, de cet avis de passage et d'une pièce d'identité officielle, ainsi que la signature du destinataire, ou de son représentant, pour les envois remis contre signature. A défaut, le représentant doit présenter à la fois une pièce d'identité officielle à son nom, une pièce d'identité officielle au nom du destinataire et l'avis de passage donnant procuration ponctuelle rempli et signé par le destinataire et apposer sa signature pour les envois remis contre signature ".
6. Il résulte de ces dispositions et stipulations que l'administration ne peut engager l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable sans l'en avoir préalablement informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Si le contribuable conteste que cet avis de vérification lui a bien été notifié, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification lui a été régulièrement adressée et, lorsque le pli contenant cette notification a été remis au contribuable ou à son mandataire au bureau de poste après dépôt d'un avis de passage, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire et de remise du pli. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant, d'une part, la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste, d'autre part, la remise de ce pli au destinataire ou à un tiers mandaté à cette fin, dans les conditions prévues par la règlementation postale. Compte tenu des modalités de retrait des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le volet "avis de réception" du pli recommandé retourné à l'administration sur lequel ont été apposées les mentions prévues à l'article 7 de l'arrêté du 7 février 2007 mentionné au point 4. Enfin, dès lors que cette réglementation a été respectée, si le contribuable soutient que l'avis de réception du pli recommandé retiré au bureau de poste n'a pas été signé par lui, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour retirer le pli en cause.
7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration a produit l'avis de réception (n° 2C 070 382 8693 2) du courrier du 4 août 2014 avisant M. A... de l'engagement d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle. Cet avis de réception comporte la mention de la date de présentation du pli, sa date de distribution, son numéro d'identification, ainsi que le nom et la signature de la personne ayant accepté l'envoi. C'est par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation que la cour administrative d'appel a jugé que M. A... n'établissait pas que le signataire de l'avis de réception n'avait pas qualité pour retirer le pli recommandé, c'est sans méconnaissance des écritures de M. A... qu'elle a estimé que ce dernier n'invoquait aucune autre méconnaissance de la réglementation postale, et c'est sans erreur de droit qu'elle a déduit de ces constatations que le moyen tiré de ce que l'avis d'engagement d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle du 4 août 2014 ne lui avait pas été régulièrement notifié devait être écarté.
En ce qui concerne la notification de redressement :
8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ". Aux termes de la première phrase de l'article L. 76 B du même code : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de (...) la notification prévue à l'article L. 76 ".
9. Il incombe à l'administration d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.
10. En relevant, pour écarter le moyen tiré de ce que l'administration avait méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en n'indiquant pas dans la proposition de rectification la teneur et l'origine des éléments recueillis auprès de ses locataires qui ont servi à établir les impositions, que la notification des bases imposées d'office identifiait chaque bien pour lequel le vérificateur avait obtenu des informations de la part des locataires, ainsi que le montant du loyer correspondant et que, par suite, ces informations étaient suffisamment précises pour permettre à M. A... de demander la communication des éléments ainsi recueillis, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit et a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation.
Sur le bien-fondé des impositions :
11. Aux termes de l'article 170 du code général des impôts : " 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices, de ses charges de famille et des autres éléments nécessaires au calcul de l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article 174 du même code : " Pour qu'il puisse être tenu compte de leurs charges de famille, les contribuables doivent faire parvenir à l'administration une déclaration indiquant les (...) personnes à leur charge. / Les déclarations sont valables tant que leurs indications n'ont pas cessé d'être exactes ; dans le cas contraire, elles doivent être renouvelées ". Aux termes de l'article 196 A bis du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout contribuable peut considérer comme étant à sa charge, au sens de l'article 196, à la condition qu'elles vivent sous son toit, les personnes titulaires de la carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles ".
12. D'une part, en jugeant, pour écarter le moyen tiré de ce que l'ancienne épouse de M. A... devait être rattachée au foyer fiscal de ce dernier dès lors qu'elle était invalide et vivait sous son toit, que M. A... ne justifiait pas que celle-ci était titulaire de la carte d'invalidité, la cour administrative d'appel a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation. C'est sans erreur de droit qu'elle en a déduit que l'administration avait à bon droit refusé ce rattachement et l'augmentation du nombre de parts du foyer fiscal de M. A... au titre de l'année 2011. D'autre part, ce motif justifiant nécessairement, à lui seul, le dispositif de rejet sur ce point, les autres motifs retenus par la cour pour statuer sur ce point ne peuvent qu'être regardés comme surabondants, et les moyens tirés de ce ces derniers motifs seraient entachés d'erreur de droit et de dénaturation ne sauraient dès lors, quel qu'en soit le bien-fondé, entraîner l'annulation sur ce point de l'arrêt attaqué.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 janvier 2025 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 28 janvier 2025.
Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
La rapporteure :
Signé : Mme Muriel Deroc
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova