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31/12/2024 | FRANCE | N°482048

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 31 décembre 2024, 482048


Vu la procédure suivante :



M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1807000 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance et la déch

arge partielle des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions soci...

Vu la procédure suivante :

M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1807000 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance et la décharge partielle des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales établis au titre des années 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes, et a rejeté le surplus de leur demande.

Par un arrêt n° 21VE01165 du 6 juillet 2023, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de M. et Mme A..., réduit leur base d'imposition à l'impôt sur le revenu, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et aux contributions sociales au titre de l'année 2010, d'un montant de 1 150 000 euros, les a déchargés des cotisations supplémentaires mises à leur charge à hauteur de cette réduction et des pénalités correspondantes, et a rejeté le surplus de leurs conclusions.

Par un pourvoi, enregistré le 10 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a partiellement fait droit à l'appel de M. et Mme A... ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter leur appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, Bonichot et associés, avocat de M. et Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2010, 2011 et 2012, à l'issue duquel l'administration fiscale les a assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 juillet 2023 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'elle a réduit leurs bases d'imposition au titre de 2010 d'une somme de 1 150 000 euros, correspondant à une rémunération que la société civile immobilière Chajep 1, dont M. A... était le gérant, a accordée à celui-ci et qui était inscrite au crédit de son compte courant d'associé, et en tant que la cour a prononcé en conséquence la décharge au titre des impositions déjà mentionnées.

Sur le moyen tiré de ce que la cour a statué au-delà des conclusions dont elle était saisie :

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les requérants ont limité leurs conclusions aux sommes que l'administration a mises et maintenues à leur charge. Il n'est pas contesté, d'une part, que la rémunération de 1 150 000 euros perçue au titre de l'année 2010 n'a pas subi la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et que les contributions sociales qui lui ont été d'abord appliquées ont fait l'objet d'un dégrèvement avant que la cour administrative d'appel ne se prononce. Il ressort, d'autre part, des pièces du dossier soumis au juge du fond que, estimant que la somme de 1 150 000 euros devait subir l'impôt sur le revenu, mais tenant compte de ce que M. et Mme A... ont, au titre de ce même impôt, déjà déclaré des rémunérations pour 172 000 euros, l'administration fiscale a limité les rectifications correspondantes à la différence, soit la somme de 978 000 euros. Par suite, en prononçant une décharge de contribution sur les hauts revenus et de contributions sociales et en fixant le montant de la réduction de base à 1 150 000 euros, la cour administrative d'appel a statué, dans le dispositif de son arrêt, au-delà des conclusions dont elle était saisie et de ce qu'impliquaient les motifs qu'elle avait retenus.

Sur le moyen tiré de l'inversion de la charge de la preuve :

3. Il résulte des dispositions combinées des articles 12 et 156 du code général des impôts que les sommes inscrites par une société au crédit du compte courant d'associé ouvert dans ses écritures au nom d'un de ses dirigeants sont à retenir, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu au titre d'une année déterminée, si le retrait effectif de la somme au plus tard le 31 décembre de cette année n'est pas rendu impossible, en fait ou en droit, par des circonstances telles que, notamment, la situation de trésorerie de la société. Il appartient au contribuable d'apporter la preuve que le retrait était impossible.

4. Pour juger que les contribuables établissaient que la somme en litige qui s'élevait à 1 150 000 euros et avait été portée au compte courant d'associé le 30 décembre 2010, n'était pas disponible au plus tard le 31 décembre 2010, la cour administrative d'appel a retenu, en premier lieu, que les relevés des comptes en banque de la société, produits par eux, faisaient état de disponibilités au 31 décembre suivant d'un montant de 68 558 euros, que les attestations des banques indiquaient que la société n'avait pas d'autorisation de découvert et, en second lieu, que le ministre ne soutenait, ni même n'alléguait, que la société aurait disposé, à la même date, d'autres capitaux disponibles ou réalisables à court terme. En statuant ainsi, la cour, qui n'avait pas à considérer d'autres actifs que ceux présentant un caractère suffisamment liquide, n'a pas méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve et n'a donc pas commis l'erreur de droit qui lui est reprochée.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles qu'il attaque en tant seulement que celui-ci a déchargé M. et Mme A... de cotisations supplémentaires de contribution sur les hauts revenus et de contributions sociales et en tant qu'il a fixé la réduction de base à un montant dépassant 978 000 euros.

6. Aucune question ne restant à juger, il n'y a lieu ni de statuer au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, ni de renvoyer l'affaire.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 6 juillet 2023 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il a prononcé une décharge de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales, et en tant qu'il a réduit la base d'imposition à l'impôt sur les revenus d'un montant excédant 978 000 euros et déchargé M. et Mme A... en conséquence.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... et Mme B... A... et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 décembre 2024 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 31 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Olivier Yeznikian

La rapporteure :

Signé : Mme Sophie Delaporte

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Léandre Monnerville


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 482048
Date de la décision : 31/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 déc. 2024, n° 482048
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Delaporte
Rapporteur public ?: M. Frédéric Puigserver
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD, BONICHOT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:482048.20241231
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