Vu les procédures suivantes :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler, d'une part, l'arrêté du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie du 19 juillet 2019 l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite pour inaptitude définitive à compter du 1er mai 2018 et, d'autre part, l'arrêté de la directrice de la caisse locale de retraites du 25 juillet 2019 lui concédant une pension de retraite. Par un jugement n° 1900381 et 1900384 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif a joint ces demandes et les a rejetées.
Par un arrêt n° 21PA00421 du 3 février 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, en premier lieu, transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 25 janvier 2021, au greffe de cette cour, présentés par Mme B... et dirigé contre le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2019 de la directrice de la caisse locale de retraites, en deuxième lieu, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2019 du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en tant qu'il ne se prononce pas sur le taux d'invalidité et, en dernier lieu, rejeté le surplus des conclusions de Mme B....
1° Sous le n° 471378, par le pourvoi, les mémoires et la note en délibéré transmis par la cour administrative d'appel, et par un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 février, 16 mai et 10 novembre 2023 et le 14 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 1900381, 1900384 du 12 novembre 2020 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2019 de la directrice de la caisse locale de retraites ;
3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie et de la caisse locale de retraites de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 472747, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 avril et 4 juillet 2023 et le 14 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 21PA00421 du 3 février 2023 de la cour administrative d'appel de Paris ;
2°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 ;
- le code des pensions de retraites des fonctionnaires de Nouvelle-Calédonie ;
- l'arrêté (Nouvelle-Calédonie) n° 67-481/CG du 28 septembre 1967 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de Mme B..., et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de la caisse locale de retraites ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 19 juillet 2019, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a admis d'office Mme B..., agent d'exploitation du cadre des postes et télécommunications, à faire valoir ses droits à la retraite pour inaptitude définitive. Par un arrêté du 25 juillet 2019, la directrice de la caisse locale de retraites lui a concédé une pension de retraite. Par un jugement du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté les demandes de Mme B... tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. Par un arrêt du 3 février 2023, la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat le pourvoi de Mme B... contre ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté de la directrice de la caisse locale de retraites, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du président du gouvernement en tant qu'il ne se prononce pas sur le taux d'invalidité et rejeté le surplus des conclusions d'appel de Mme B... relatives à ce même arrêté. Mme B... se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant que celui-ci a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du président du gouvernement en ce qu'il l'a placée en retraite d'office. Les deux pourvois de Mme B... présentant à juger des questions communes, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur le litige relatif à l'arrêté du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie :
2. Aux termes de l'article Lp. 251-1 du code des pensions de retraite des fonctionnaires de Nouvelle-Calédonie : " L'agent qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dument établie peut être admis à la retraite, soit d'office, soit sur sa demande ". Aux termes de l'article R. 251-1 du même code : " La mise à la retraite prévue à l'article Lp. 251-1 est prononcée à l'expiration des congés de maladie, de longue maladie ou des congés de longue durée dont l'agent bénéficiait en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables. (...) ". En vertu de l'article 1er de l'arrêté n° 67-481/CG du 28 septembre 1967 relatif au congé de longue durée des fonctionnaires des cadres territoriaux, le fonctionnaire atteint de certaines pathologies, parmi lesquelles une " maladie mentale ", est, " de droit, mis en congé de longue durée ". Aux termes de l'article 2 du même arrêté : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de son congé de longue durée prendre son service, est, soit mis en disponibilité, soit, sur sa demande et s'il est définitivement inapte, admis à la retraite ". Aux termes de son article 3 : " Tout fonctionnaire suspect d'une des affections énumérées à l'article 1er est soumis, soit sur sa demande, soit d'office, à l'examen du Conseil de Santé s'il se trouve en Nouvelle-Calédonie, du Conseil Supérieur de Santé s'il se trouve en Métropole. (...) ".
3. La cour administrative d'appel a estimé que les éléments produits ne permettent pas d'établir que Mme B... aurait pu bénéficier d'un congé de longue durée. Toutefois, il ressort du rapport d'expertise médicale établi à la demande de l'administration par le chef du service de psychiatrie du centre hospitalier de Nouméa, comme des certificats médicaux produits par Mme B..., que l'état de celle-ci revêt le caractère d'une " maladie mentale " au sens des dispositions, citées au point précédent, de l'arrêté du 28 septembre 1967. Si la cour a également relevé que Mme B... n'a, au demeurant, pas demandé un tel congé, il résulte des dispositions citées aux points précédents que le fonctionnaire ne peut légalement être mis à la retraite d'office qu'à l'expiration du congé de longue durée auquel il est éligible, y compris lorsqu'il ne l'a pas demandé et y compris, contrairement à ce que soutient la Nouvelle-Calédonie en défense, lorsqu'il n'en bénéficie pas effectivement. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant, par ces deux motifs, que Mme B... ne peut utilement se prévaloir des articles 1er et 2 de l'arrêté du 28 septembre 1967, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et commis une erreur de droit.
4. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il statue sur l'arrêté du président du gouvernement, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Selon l'article 4 de l'arrêté du 28 septembre 1967 déjà cité, si le fonctionnaire est en congé de maladie, la première période du congé de longue durée part du jour où a été établi le premier diagnostic médical de la maladie ouvrant droit à ce congé. Mme B... soutient, sans être contredite sur ce point, que le total des jours de congés de maladie dont elle a bénéficié à la date d'effet de sa mise à la retraite est inférieur à la durée maximale d'un congé de longue durée, fixée par l'article 1er du même arrêté. Le total des congés de maladie déjà pris est, au surplus, attesté par l'état des absences produit par l'administration. Les droits de Mme B... à un congé de longue durée n'étant pas épuisés, elle ne pouvait, dès lors, eu égard à ce qui a été dit aux points 2 et 3, être mise à la retraite d'office.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2019 par lequel le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie l'a mise à la retraite d'office.
8. En l'absence de certitude, au regard de l'état du dossier, quant à l'appréciation à porter sur une éventuelle inaptitude définitive et absolue de Mme B... à la reprise de ses fonctions à l'épuisement de ses droits à congés de longue durée, dont la durée dépend également, selon l'article 1er de l'arrêté du 28 septembre 1967 cité au point 2, de l'appréciation que le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie devra porter à nouveau sur l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre l'intéressée, la présente décision n'implique pas nécessairement que le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie prenne, à l'issue de ces congés, une décision de mise à la retraite pour invalidité d'office. Elle implique, en revanche, que le président de la Nouvelle-Calédonie procède à un nouvel examen de sa situation. L'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 19 juillet 2019 du président du gouvernement n'implique pas, par ailleurs, contrairement à ce qui est demandé, son retrait du dossier de Mme B..., dès lors que ce dossier mentionne son annulation.
Sur le litige relatif à l'arrêté de la directrice de la caisse locale de retraites :
9. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif que Mme B... a demandé l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2019 par lequel la directrice de la caisse locale de retraites lui a concédé une pension de retraite, par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2019 du président du gouvernement la mettant à la retraite d'office. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le motif figurant au point 21 du jugement attaqué, par lequel il écarte une telle annulation par voie de conséquence, est entaché d'erreur de droit. Le jugement doit, dès lors, être annulé, dans la mesure de la cassation demandée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation demandée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
11. Par la présente décision, le Conseil d'Etat annule l'arrêté du 19 juillet 2019 par lequel le président du gouvernement a mis Mme B... à la retraite d'office. L'arrêté de la directrice de la caisse de retraite qui lui est consécutif doit, par suite, être annulé par voie de conséquence de cette annulation, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens de sa demande.
12. Une telle décision n'implique pas que Mme B... soit placée en retraite pour invalidité, ni que soit ordonnée l'expertise sollicitée par l'intéressée, ni que l'arrêté du 25 juillet 2019 de la directrice de la caisse locale de retraites soit retiré de son dossier, dès lors que ce dossier mentionne son annulation.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie et de de la caisse locale de retraites la somme de 3 000 euros chacune à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour l'ensemble des procédures de première instance, d'appel et de cassation. Les dispositions du même article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme B....
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 3 de l'arrêt du 3 février 2023 de la cour administrative d'appel de Paris, l'article 1er du jugement du 12 novembre 2020 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, l'arrêté du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie du 19 juillet 2019 et l'arrêté de la directrice de la caisse locale de retraites du 25 juillet 2019, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de procéder au réexamen de la situation de Mme B... dans les conditions précisées au point 8.
Article 3 : La Nouvelle-Calédonie versera la somme de 3 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La caisse locale de retraites de la Nouvelle-Calédonie versera la somme de 3 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... et par la Nouvelle-Calédonie et par la caisse locale de retraites est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B..., à la Nouvelle-Calédonie et à la caisse locale de retraites de la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré à l'issue de la séance du 14 novembre 2024 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Emmanuel Weicheldinger, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 31 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Bertrand Dacosta
Le rapporteur :
Signé : M. Emmanuel Weicheldinger
La secrétaire :
Signé : Mme Sylvie Leporcq