Vu la procédure suivante :
M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 novembre 2017 par lequel le maire de Sanary-sur-Mer (Var) a délivré à Mme E... un permis de construire en vue de la réalisation d'un centre équestre avec activité d'élevage. Par un jugement n° 1704450 du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a partiellement annulé ce permis et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Par un arrêt n° 20MA01734 du 21 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de M. et Mme A..., a annulé ce jugement et ce permis de construire et rejeté l'appel incident de la commune de Sanary-sur-Mer en tant que le jugement avait fait droit à la demande de M. et Mme A....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 décembre 2022 et 21 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Sanary-sur-Mer demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. et Mme A... et de faire droit à son appel incident ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Sanary-sur-Mer et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. et Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de Sanary-sur-Mer a délivré à Mme E..., le 3 septembre 2015, un permis de construire un centre équestre sur un terrain alors situé en zone NC du plan local d'urbanisme. Une ordonnance du 2 juin 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Toulon a suspendu l'exécution de ce permis, qui a été retiré par un arrêté du 29 octobre 2019 du maire de Sanary-sur-Mer. Par un arrêté du 2 novembre 2017, un second permis de construire a été délivré à Mme E..., portant sur un projet situé sur le même emplacement et différant du premier notamment en ce qu'il mentionne une double destination, à la fois de centre équestre et d'élevage de chevaux. Par un jugement du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a annulé partiellement ce second permis de construire à la demande de M. et Mme A.... Par un arrêt du 21 octobre 2022, contre lequel la commune se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. et Mme A..., infirmé ce jugement, annulé le permis litigieux et rejeté les conclusions de l'appel incident de la commune dirigées contre le jugement du tribunal en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. et Mme A....
Sur la légalité du permis litigieux :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date du permis litigieux : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. ". Aux termes de l'article L.121-10 dans sa rédaction applicable à la date du permis litigieux : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 121-8, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ".
3. Pour faire droit au moyen tiré de la méconnaissance par le permis de construire litigieux des dispositions des articles cités au point 2, la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir jugé qu'eu égard à ses caractéristiques, le projet présentait un lien avec une activité agricole au sens des dispositions précitées et qu'il n'était pas contesté qu'il était incompatible avec le voisinage des zones habitées, s'est fondée sur la circonstance que l'octroi du permis n'avait pas été précédé de la consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, ni de l'avis conforme du préfet du Var, qui n'avaient été saisis que de la précédente demande de permis de construire, portant sur un projet différent, sans lien avec une activité agricole. En déduisant de l'ensemble de ces constatations que le permis litigieux méconnaissait les dispositions des articles L. 121-8 et L. 121-10 du code de l'urbanisme et qu'au surplus, le défaut d'avis conforme du préfet l'entachait d'incompétence, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Sanary-sur-Mer, dans sa rédaction applicable au permis litigieux, sont interdites : " (...) Les constructions de quelque nature que ce soit qui ne seraient pas nécessaires à une exploitation agricole ou au fonctionnement d'un service public ou d'intérêt collectif (...) ". Aux termes de l'article A2, sont autorisés : " A condition qu'ils soient directement nécessaires à l'exploitation agricole en respectant le caractère de la zone, et qu'ils soient regroupés autour du siège d'exploitation : - Les bâtiments d'exploitation, installations ou ouvrages techniques nécessaires à l'exploitation agricole / (...) - Les constructions nécessaires à l'accueil journalier des salariés de l'exploitation, dans la limite de ce qu'impose la législation du travail (vestiaires, sanitaire, réfectoire, salle de repos...) (...) ".
5. La cour administrative d'appel de Marseille, après avoir constaté, d'une part, que le permis de construire litigieux portait sur des constructions destinées à la fois à une activité agricole d'élevage de chevaux et à une activité non agricole de centre de pratique de l'équitation et d'hébergement de chevaux appartenant à des tiers, d'autre part, que les pièces du dossier ne permettaient pas de déterminer le caractère résiduel ou substantiel de l'activité d'élevage par rapport aux activités du centre équestre, en a déduit, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation et sans commettre d'erreur de droit, que faute d'être des constructions nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'accueil journalier des salariés d'une exploitation agricole, les installations projetées relatives au seul centre équestre méconnaissaient les dispositions des articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme.
Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
6. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
7. La cour, qui, ainsi qu'il a été dit au point 5 de la présente décision, a précédemment relevé que les constructions projetées étaient, compte tenu de leurs caractéristiques, destinées à titre principal à une activité non agricole interdite par ces dispositions, et à titre seulement résiduel à une activité agricole, a suffisamment motivé son refus de faire droit à la demande de sursis à statuer dont elle était saisie et n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant que le vice résultant de la méconnaissance des dispositions de ces articles n'était pas susceptible d'être régularisé. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la commune de Sanary sur Mer doit être rejeté.
9. Il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme A..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la commune.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Sanary-sur-Mer est rejeté.
Article 2 : La commune de Sanary-sur-Mer versera à M. et Mme A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Sanary-sur-Mer, à M. C... A..., à Mme B... A... et à Mme D... E....
Copie en sera adressée au ministre [chargé de l'urbanisme A compléter].
Délibéré à l'issue de la séance du 5 décembre 2024 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 31 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Olivier Yeznikian
La rapporteure :
Signé : Mme Sophie Delaporte
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Léandre Monnerville