Vu la procédure suivante :
Par une décision n° 451758 du 15 novembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, d'une part, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 février 2021, le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 décembre 2018, le titre de recette émis le 15 septembre 2016 par le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) ainsi que la décision implicite de rejet par ce dernier du recours formé par la société La Guyennoise, d'autre part, déchargé la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux, venant aux droits de la société La Guyennoise, de l'obligation de payer la somme de 514 359,48 euros établi par ce titre de recette et, enfin, mis à la charge de FranceAgriMer la somme de 3 000 euros à verser à la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une demande, enregistrée le 24 février 2023 au secrétariat de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat, la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux a demandé au Conseil d'Etat de prendre les mesures qu'implique l'exécution de sa décision du 15 novembre 2022.
Elle soutient que FranceAgriMer n'a pas exécuté la décision du Conseil d'Etat.
La section du rapport et des études du Conseil d'Etat a exécuté les diligences qui lui incombent en vertu de l'article R. 931-4 du code de justice administrative et la présidente de cette section a transmis la demande d'exécution au président de la section du contentieux.
Par une ordonnance n° 476201 du 25 juillet 2023, le président de la section du contentieux a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.
La note que la présidente de la section du rapport et des études a adressée au président de la section du contentieux a été communiquée aux parties en application des dispositions de l'article R. 931-5 du code de justice administrative.
Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2023 à la section du contentieux du Conseil d'Etat, la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux, la SELAS ARVA, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux, et la SCP LGA, agissant en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux demandent au Conseil d'Etat :
1°) de constater que sa décision du 15 novembre 2022 n'a pas été exécutée ;
2°) d'ordonner à FranceAgriMer de rembourser à la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux la somme de 350 607,12 euros, assortie des intérêts légaux de retard, puis des intérêts légaux de retard majorés de cinq points à compter du 15 janvier 2023 ;
3°) d'ordonner à FranceAgriMer de verser à la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux les intérêts de retard au taux légal, puis au taux légal majoré de cinq points à compter du 15 janvier 2023, sur le montant de 3 000 euros payé, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le 7 mars 2023 ;
4°) de prononcer à l'encontre de FranceAgriMer une astreinte de 1 000 euros par jour de retard jusqu'à la complète exécution de sa décision du 15 novembre 2022 ;
5°) de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code monétaire et financier ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 décembre 2024, présentée par FranceAgriMer ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-5 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'une décision rendue par une juridiction administrative, le Conseil d'Etat peut, même d'office, prononcer une astreinte contre les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public pour assurer l'exécution de cette décision " et aux termes de l'article L. 931-2 du même code : " Les parties intéressées peuvent demander au Conseil d'Etat de prescrire les mesures nécessaires à l'exécution d'une de ses décisions ou d'une décision d'une juridiction administrative spéciale, en assortissant le cas échéant ces prescriptions d'une astreinte (...) ".
2. En application des dispositions citées au point précédent, la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux demande au Conseil d'Etat de prescrire les mesures nécessaires à l'exécution de la décision du 15 novembre 2022 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, d'une part, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 février 2021, le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 décembre 2018, le titre de recette émis le 15 septembre 2016 par le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) ainsi que la décision implicite de rejet par ce dernier du recours formé par la société La Guyennoise, d'autre part, déchargé la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux, venant aux droits de la société La Guyennoise, de l'obligation de payer la somme de 514 359,48 euros établie par ce titre de recette et, enfin, mis à la charge de FranceAgriMer la somme de 3 000 euros à verser à la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
3. En premier lieu, aux termes de l'article 1347 du code civil : " La compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques de deux personnes. / Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ces conditions se trouvent réunies ". Aux termes de l'article 1347-1 du même code : " Sous réserve des dispositions prévues à la sous-section suivante, la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles. (...) ". Il résulte de ces dispositions, applicables en l'absence de dispositions particulières à une personne publique lorsqu'elle entend procéder à une compensation légale, que tant que la créance qu'elle détient demeure litigieuse, cette créance est privée de caractère certain et ne peut, en conséquence, donner lieu à compensation.
4. Est à cet égard sans incidence la circonstance que la créance doit être regardée comme exigible. Si, ainsi que le fait valoir FranceAgriMer, l'opposition formée par le débiteur à l'encontre d'un titre de perception suspend durant la première instance la possibilité pour l'administration de recourir aux modes de recouvrement forcé, sans avoir de caractère suspensif en appel, et si cette opposition doit, en tout état de cause, être regardée comme étant sans effet sur l'exigibilité de la créance constatée par ce titre, cette circonstance se rapporte à la condition tenant à l'exigibilité de l'obligation et non à celle tenant à son caractère certain.
5. Il résulte de l'instruction que, au moment de la notification de la décision du Conseil d'Etat du 15 novembre 2022 qui a annulé le titre de recette du 15 septembre 2016 par lequel FranceAgriMer avait mis la somme de 514 359,48 euros à la charge de la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux, la société avait déjà versé à FranceAgriMer la somme de 350 607,12 euros. FranceAgriMer soutient s'être acquitté de son obligation de reverser cette somme, en exécution de la décision du 15 novembre 2022, en procédant à une compensation légale avec une créance qu'il estime avoir antérieurement détenue sur la même société, d'un montant de 889 398,30 euros, pour le recouvrement de laquelle il a émis un titre de recette n° 2018-2991 le 21 novembre 2018. Toutefois, avant que FranceAgriMer ne procède à cette compensation, ce dernier titre de recette avait fait l'objet d'une opposition, de la part de la société, devant le tribunal administratif de Montreuil, qui a réduit le montant de la créance à 711 518,64 euros par un jugement du 24 mars 2023, et la société a relevé appel de ce jugement, dans la mesure où il lui fait grief, devant la cour administrative d'appel de Paris, par une instance toujours pendante à la date de la présente décision.
6. Dans ces conditions, la créance correspondant au titre de recette du 21 novembre 2018 demeurant litigieuse, FranceAgriMer n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait l'employer pour compenser sa dette à l'égard de la société requérante résultant de la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 15 novembre 2022 qui déchargeait cette société du paiement des sommes mises à sa charge par FranceAgriMer par titre de recette du 15 septembre 2016. La société Maison Le Star Vignoble et Châteaux est par suite fondée à demander le reversement de la somme de 350 607,12 euros par FranceAgriMer, qui ne peut être regardé comme ayant exécuté la décision du Conseil d'Etat du 15 novembre 2022.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1231-7 du code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision (...) ".
8. La décision par laquelle le juge administratif prononce la décharge de l'obligation de payer une somme établie par un titre de recette implique nécessairement la restitution, au bénéficiaire de cette décision, de toutes sommes qu'il aurait préalablement acquittées en exécution de ce titre. Elle doit être regardée, en ce qui concerne cette restitution, comme un jugement de condamnation à une indemnité au sens des dispositions de l'article 1231-7 du code civil et une condamnation pécuniaire au sens de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.
9. Il résulte de l'instruction que la décision du 15 novembre 2022 du Conseil d'Etat a été notifiée à FranceAgriMer le même jour et est devenue exécutoire à cette date. Par conséquent, les intérêts prévus à l'article 1231-7 du code civil ont commencé à courir à compter du 15 novembre 2022 et la majoration de cinq points prévue à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier à compter du 15 janvier 2023. Par suite, la société Maison Le Star Vignoble et Châteaux est fondée à demander que le remboursement de la somme de 350 607,12 euros soit assorti des intérêts de retard au taux légal à compter du 15 novembre 2022, puis au taux légal majoré de cinq points à compter du 15 janvier 2023.
10. En dernier lieu, alors même qu'elle ne le prévoit pas explicitement, la décision par laquelle la juridiction administrative met une somme à la charge d'une partie au titre des frais non compris dans les dépens a le caractère d'une condamnation à une indemnité au sens de l'article 1231-7 du code civil et d'une condamnation pécuniaire au sens de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier. Il résulte de l'instruction que FranceAgriMer a versé le 7 mars 2023 à la société requérante la somme de 3 000 euros mise à sa charge par la décision du 15 novembre 2022 en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dès lors, la société Maison Le Star Vignoble et Châteaux est fondée à demander que cette somme soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2022, puis au taux légal majoré de cinq points à compter du 15 janvier 2023 et jusqu'à la date de son paiement.
11. Il résulte de tout ce qui précède qu'à la date de la présente décision, FranceAgriMer, qui s'est contenté de verser la somme de 3 000 euros au titre des frais d'instance, n'a pas pris les mesures propres à assurer l'exécution de la décision du Conseil d'Etat du 15 novembre 2022. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à FranceAgriMer de prendre, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, les mesures permettant de reverser à la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux la somme de 350 607,12 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2022, puis au taux légal majoré de cinq points à compter du 15 janvier 2023, ainsi que ceux portant sur la somme de 3 000 euros versée au titre des frais d'instance. Il y a lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai d'un mois.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 3 000 euros à verser à la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Il est enjoint à FranceAgriMer de reverser à la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux la somme de 350 607,12 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2022, puis au taux légal majoré de cinq points à compter du 15 janvier 2023, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 2 : Il est enjoint à FranceAgriMer de verser à la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux les intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2022, puis au taux légal majoré de cinq points entre le 15 janvier 2023 et le 7 mars 2023, sur la somme de 3 000 euros, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : Une astreinte de 500 euros par jour est prononcée à l'encontre de FranceAgriMer, s'il ne justifie pas avoir exécuté la décision du Conseil d'Etat du 15 novembre 2022 dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Article 4 : FranceAgriMer versera à la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : FranceAgriMer communiquera à la section des études, de la prospective et de la coopération du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter sa décision du 15 novembre 2022.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Maison Le Star Vignobles et Châteaux, à la SELAS ARVA, à la SCP LGA et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la pêche (FranceAgriMer).
Délibéré à l'issue de la séance du 18 décembre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 30 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Nicole da Costa
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin