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30/12/2024 | FRANCE | N°471392

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 30 décembre 2024, 471392


Vu la procédure suivante :



La société en nom collectif Atlante Promotion a demandé au tribunal administratif de Versailles :

- sous le n° 2105568, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 mars 2020 par laquelle la société anonyme d'économie mixte Paris Sud Aménagement a exercé son droit de préemption sur un immeuble, propriété de la société Patrizia Immobilien Kapitalverwaltungsgesellschaft mbH, situé 6-8, rue Ampère et 11-13, rue Emile Baudot à Massy, parcelle cadastrée section BH n° 160 ;

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ous le n° 2008090, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 juin 2020 par laquelle l...

Vu la procédure suivante :

La société en nom collectif Atlante Promotion a demandé au tribunal administratif de Versailles :

- sous le n° 2105568, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 mars 2020 par laquelle la société anonyme d'économie mixte Paris Sud Aménagement a exercé son droit de préemption sur un immeuble, propriété de la société Patrizia Immobilien Kapitalverwaltungsgesellschaft mbH, situé 6-8, rue Ampère et 11-13, rue Emile Baudot à Massy, parcelle cadastrée section BH n° 160 ;

- sous le n° 2008090, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 juin 2020 par laquelle la société Paris Sud Aménagement a retiré la décision du 6 mars 2020, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

- sous le n° 2104242, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 mars 2021 par laquelle la société Paris Sud Aménagement a refusé de proposer la rétrocession du bien ayant fait l'objet de la préemption, d'autre part, d'enjoindre à la société Paris Sud Aménagement de proposer à la société Patrizia Immobilien la rétrocession de ce bien à un prix visant à rétablir les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle, sans enrichissement de l'une des parties, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, en cas de renonciation expresse ou tacite par la société Patrizia Immobilien à l'issue d'un délai de trois mois suivant la proposition de rétrocession, de proposer par priorité la rétrocession de ce bien à la société Atlante Promotion dans un délai d'un mois suivant cette renonciation, sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard.

Par un jugement nos 2008090, 2104242, 2105568 du 16 mai 2022, le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions des 6 mars 2020, 17 juin 2020 et 19 mars 2021 de la société Paris Sud Aménagement et a enjoint à cette dernière de prendre toute mesure afin de mettre fin aux effets des décisions annulées, notamment en proposant à la société Patrizia Immobilien ou à ses ayants cause universels ou à titre universel l'acquisition du bien illégalement préempté en priorité puis, le cas échéant, en cas de renonciation de ceux-ci, dans le respect des dispositions de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, en proposant cette acquisition à la société Atlante Promotion, à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une des parties les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Par un arrêt nos 22VE01458, 22VE01459 du 15 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur l'appel de la société Paris Sud Aménagement, annulé ce jugement en tant qu'il statuait sur les demandes enregistrées sous les nos 2104242 et 2105568, annulé la décision du 6 mars 2020 de la société Paris Sud Aménagement et confirmé l'annulation de sa décision du 17 juin 2020, enjoint à cette société de prendre toute mesure afin de mettre fin aux effets des décisions annulées et de proposer en priorité dans un délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt, à la société Patrizia Immobilien ou à ses ayants cause universels ou à titre universel, l'acquisition du bien illégalement préempté puis, le cas échéant, en cas de renonciation de ceux-ci, à l'acquéreur évincé, soit la société Atlante Promotion, à un prix visant à rétablir les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle, et enfin rejeté la demande présentée en première instance sous le n° 2104242.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 février, 10 mai et 6 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Paris Sud Aménagement demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a annulé ses décisions des 6 mars et 17 juin 2020 et a prononcé une injonction à son égard ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Atlante Promotion la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la société Paris Sud Aménagement et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la société Atlante Promotion ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Patrizia Immobilien a, par une déclaration du 31 décembre 2019, manifesté son intention d'aliéner à la société Atlante Promotion l'immeuble à usage principal de bureaux situé 6-8, rue Ampère et 11-13, rue Emile-Baudot à Massy, parcelle cadastrée section BH n° 160, inclus dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté Ampère. Par une décision du 6 mars 2020, la société Paris Sud Aménagement a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur ce bien. Par une décision du 17 juin 2020, elle a retiré cette décision de préemption. Elle a ensuite, le même jour, conclu avec la société Patrizia Immobilien un acte d'achat du même immeuble. Enfin, par une décision du 19 mars 2021, la société Paris Sud Aménagement a rejeté la demande de la société Atlante Promotion tendant à ce que soit proposée au vendeur puis, le cas échéant, à l'acquéreur évincé la rétrocession du bien initialement préempté.

2. Par un jugement du 16 mai 2022, le tribunal administratif de Versailles, saisi par la société Atlante Promotion, a annulé les décisions des 6 mars 2020, 17 juin 2020 et 19 mars 2021 de la société Paris Sud Aménagement et enjoint à cette société de prendre toute mesure afin de mettre fin aux effets des décisions annulées et, à ce titre, de proposer aux anciens propriétaires et, en cas de refus, à la société Atlante Promotion, acquéreur évincé, l'acquisition du bien en litige, sur le fondement des dispositions de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme.

3. Par un arrêt du 15 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Versailles, saisie par la société Paris Sud Aménagement, a annulé ce jugement en tant qu'il statuait sur les demandes d'annulation des décisions des 6 mars 2020 et 19 mars 2021, puis annulé la décision du 6 mars 2020 et confirmé l'annulation de la décision du 17 juin 2020 et enjoint à la société Paris Sud Aménagement de prendre toute mesure afin de mettre fin aux effets de ces décisions et, à ce titre, de proposer aux anciens propriétaires en priorité puis, le cas échéant, à l'acquéreur évincé, le bien en litige, à un prix visant à rétablir les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption avait fait obstacle, dans un délai d'un mois à compter de notification de l'arrêt, et rejeté la demande d'annulation de la décision du 19 mars 2021. La société Paris Sud Aménagement se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il lui fait grief.

Sur l'arrêt, en tant qu'il annule la décision du 6 mars 2020 :

4. L'article R. 411-1 du code de justice administrative dispose que : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. "

5. Le pourvoi de la société Paris Sud Aménagement ne comporte, au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il annule la décision de préemption du 6 mars 2020, l'exposé d'aucun moyen. Par suite, la société Atlante Promotion et fondée à soutenir que ces conclusions sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'arrêt, en tant qu'il confirme l'annulation de la décision du 17 juin 2020 :

6. Lorsque l'autorité administrative prend une décision individuelle créatrice de droits qui n'entre pas dans ses compétences et la retire avant l'expiration du délai dont elle dispose pour ce faire, la décision de retrait n'excède pas ses pouvoirs, quels que soient les motifs sur lesquels elle se fonde. Il s'ensuit qu'en jugeant que la société Paris Sud Aménagement ne pouvait légalement retirer la décision de préemption du 6 mars 2020 par la décision du 17 juin 2020 au motif qu'elle n'aurait pas été compétente pour prendre cet acte, la cour a commis une erreur de droit.

7. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi présentés au soutien de ces conclusions, la société Paris Sud Aménagement est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il confirme l'annulation de la décision du 17 juin 2020 de retrait de la décision de préemption.

Sur l'arrêt en tant qu'il prononce une injonction à l'encontre de la société Paris Sud Aménagement :

8. Aux termes de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel l'acquisition du bien en priorité. / (...) Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l'acquisition (...), le titulaire du droit de préemption propose également l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration mentionnée à l'article L. 213-2 ".

9. En faisant application de ces dispositions, dont il résulte des termes mêmes qu'elles ne s'appliquent que lorsque la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative après que le transfert de propriété a été effectué, sans s'assurer, alors que la société Paris Sud Aménagement le contestait, que le transfert de propriété effectué en l'espèce résultait de l'exercice du droit de préemption par la décision du 6 mars 2020 dont elle avait prononcé l'annulation, la cour a commis une erreur de droit.

10. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi présenté au soutien de ces conclusions, la société Paris Sud Aménagement est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il prononce une injonction à son égard.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Paris Sud Aménagement est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant seulement qu'il confirme l'annulation de la décision du 17 juin 2020 et qu'il prononce une injonction à son égard.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'annulation de la décision de préemption du 6 mars 2020, résultant de l'article 2 de l'arrêt du 15 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Versailles, est devenue définitive. Par suite, et eu égard au caractère rétroactif de cette annulation, la société Paris Sud Aménagement est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a statué sur les conclusions de la demande de la société Atlante Promotion tendant à l'annulation de la décision du 17 juin 2020 retirant la décision du 6 mars 2020.

14. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que c'est par une transaction de gré à gré avec la société Patrizia Immobilien que la société Paris Sud Aménagement a, le 17 juin 2020, acquis l'immeuble qui avait précédemment fait l'objet de la décision de préemption du 6 mars 2020, retirée avant la conclusion de cette transaction. Aucun transfert de propriété n'ayant ainsi été effectué à la suite de la décision de préemption, l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme ne saurait dès lors trouver à s'appliquer. Les conclusions de la société Atlante Promotion tendant à ce qu'une injonction soit prononcée à l'encontre de la société Paris Sud Aménagement sur le fondement de cet article ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 15 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il confirme l'annulation de la décision du 17 juin 2020 de la société Paris Sud Aménagement et qu'il prononce une injonction à l'encontre de cette société.

Article 2 : Le jugement du 16 mai 2022 du tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande de la société Atlante tendant à l'annulation de la décision du 17 juin 2020 de la société Paris Sud Aménagement.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société Atlante Promotion tendant à l'annulation de la décision du 17 juin 2020 de la société Paris Sud Aménagement.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme d'économie mixte Paris Sud Aménagement et à la société en nom collectif Atlante Promotion.

Copie en sera adressée à la société Patrizia Immobilien Kapitalverwaltungsgesellschaft mbH.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 471392
Date de la décision : 30/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2024, n° 471392
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyril Noël
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471392.20241230
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