Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 août 2022 par laquelle la commission d'attribution des logements de l'office public de l'habitat Paris Habitat l'a classée deuxième en vue de l'attribution d'un logement social de type T1 au 32, rue de la Procession à Paris ainsi que la décision du 19 décembre 2022 rejetant son recours gracieux, et, d'autre part, d'enjoindre à l'office public de l'habitat Paris Habitat de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un jugement n° 2302071 du 30 novembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a fait droit à sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 janvier et 30 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'office public de l'habitat Paris Habitat demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Carole Hentzgen, auditrice,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'office public de l'habitat Paris Habitat et à la SARL Jérôme Ortscheidt, avocat de Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme B... a été reconnue prioritaire au titre du droit au logement opposable par une décision du 14 mars 2019 de la commission de médiation du département de Paris. Constatant qu'aucune proposition de relogement ne lui avait été faite, le tribunal administratif de Paris a enjoint au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, par un jugement du 22 janvier 2020, d'assurer son relogement sous astreinte de 500 euros par mois de retard. Par une décision du 2 août 2022, la commission d'attribution des logements de l'office public de l'habitat Paris Habitat a classé l'intéressée au deuxième rang en vue de l'attribution d'un logement de type T1 au 32, rue de la Procession à Paris. Mme B... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision qui a été rejeté par une décision du 19 décembre 2022. Par un jugement du 30 novembre 2023, contre lequel l'office public de l'habitat Paris Habitat se pourvoit en cassation, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mme B... tendant à l'annulation de ces deux décisions et a enjoint à l'office public de l'habitat Paris Habitat de réexaminer sa situation.
2. Il résulte des termes du jugement attaqué que, pour retenir que la décision de la commission de médiation traduisait une discrimination directe par l'âge, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que la candidature Mme B... et celle du candidat classé premier par la commission présentaient un caractère comparable eu égard aux circonstances que les candidats faisaient face tous deux à une précarité et à des difficultés importantes, tenant notamment à la suroccupation d'un logement précaire pour le premier et à un " cumul de difficultés " pour Mme B.... Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis au juge du fond, et en particulier des fiches de situation des deux candidatures et du rapport social du centre d'accueil et d'intégration des réfugiés, que l'autre candidat, réfugié d'origine afghane dont la demande d'attribution d'un logement social datait du 1er avril 2019, avait eu à dormir quelques temps à la rue avant d'être hébergé dans une chambre suroccupée pour laquelle son contrat d'hébergement arrivait à échéance, l'exposant à une remise à la rue. Il ressort également des pièces du dossier soumis au juge du fond que ce candidat, qui ne pouvait bénéficier de solidarités sociales ou amicales, avait trouvé un emploi et présentait des perspectives d'insertion qui auraient été anéanties par l'absence de relogement. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme B..., qui percevait le revenu de solidarité active, était exposée à un risque d'expulsion ou de remise à la rue, alors qu'elle était hébergée par une association venant en aide aux femmes demandeuses d'asile qui l'accompagnait de longue date et qu'elle avait été antérieurement hébergée à plusieurs reprises par des particuliers de sa connaissance. Eu égard à l'ensemble de ces circonstances, la candidature classée au premier rang par la commission ne présentait pas un caractère comparable à celle de Mme B..., alors même que cette dernière, qui datait du 1er juin 2016, était plus ancienne. Le choix de la commission d'attribution ne saurait ainsi traduire une quelconque discrimination. La circonstance que la candidature de Mme B... avait obtenu une cotation plus élevée de 26, contre 17 pour l'autre candidature, n'est pas, à elle seule, de nature à remettre en cause l'appréciation de la commission, la cotation des dossiers ne constituant rien de plus qu'un outil d'aide à la décision.
3. Il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif de Paris a inexactement qualifié les faits de l'espèce. Par suite, l'office public de l'habitat Paris Habitat est fondé à demander, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, l'annulation du jugement qu'il attaque.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
5. Aux termes de l'article R. 441-3 du code de la construction et de l'habitation : " (...) Pour chaque candidat, la commission d'attribution prend l'une des décisions suivantes : / a) Attribution du logement proposé à un candidat ; / b) Attribution du logement proposé en classant les candidats par ordre de priorité, (...) / d) Non-attribution au candidat du logement proposé (...)
6. Il résulte des termes mêmes de la décision contestée, qui renferme l'énoncé des considérations propres à la justifier légalement, qu'elle est, en tout état de cause, suffisamment motivée.
7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que l'office public de l'habitat Paris Habitat a tenu compte, pour déterminer le classement des candidats au titre de l'attribution du logement social sollicité, de plusieurs critères tenant notamment à la situation locative des candidats, leurs ressources, la configuration de leur logement, l'ancienneté de leur demande mais aussi à leur situation économique et sociale. En outre, ainsi qu'il a été rappelé au point 2, ni une cotation élevée, ni une ancienneté importante ne constituent des critères déterminants dans le classement des candidatures par la commission d'attribution des logements. Par suite, dès lors que les deux candidats étaient reconnus prioritaires au titre du droit au logement opposable, et bien que Mme B... présentât une cotation plus élevée et une candidature très ancienne, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la commission d'attribution a commis une erreur d'appréciation en classant sa candidature en seconde position, alors que l'autre candidat vivait dans un logement suroccupé dont le terme du contrat d'hébergement l'exposait à un risque plus caractérisé d'expulsion et qu'il était engagé dans un parcours d'insertion professionnelle qu'une absence de relogement aurait remis en cause. La circonstance que les écritures en défense produites par l'office public de l'habitat Paris Habitat devant le tribunal administratif ont fait état de la jeunesse du candidat classé premier par la commission ne saurait traduire une discrimination par l'âge, les deux candidatures n'étant pas comparables, ainsi qu'il a été dit au point 2.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque. Sa demande doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'office public de l'habitat Paris Habitat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 30 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'office public de l'habitat Paris Habitat, tant en première instance qu'en cassation, et par Mme B..., dans l'instance de cassation, sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'office public de l'habitat Paris Habitat et à Mme A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 17 décembre 2024 où siégeaient : M. Alain Seban, assesseur, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et Mme Carole Hentzgen, auditrice-rapporteure.
Rendu le 27 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Alain Seban
La rapporteure :
Signé : Mme Carole Hentzgen
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet