Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 avril et 5 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 22 février 2024 portant refus d'acquisition de la nationalité française ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 21-2 du code civil : " L'étranger (...) qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité (...) ". L'article 21-4 du même code prévoit toutefois que : " Le Gouvernement peut s'opposer par décret en Conseil d'Etat, pour indignité ou défaut d'assimilation, autre que linguistique, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger dans un délai de deux ans à compter de la date du récépissé prévu au deuxième alinéa de l'article 26 ou, si l'enregistrement a été refusé, à compter du jour où la décision judiciaire admettant la régularité de la déclaration est passée en force de chose jugée ".
2. M. B..., ressortissant tunisien, a souscrit le 8 novembre 2021 une déclaration d'acquisition de la nationalité à raison de son mariage. Par le décret attaqué, le Premier ministre s'est opposé à l'acquisition de la nationalité française au motif que M. B... ne pouvait être regardé comme digne de l'acquérir.
3. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que les signatures du Premier ministre et du ministre de l'intérieur soient apposées sur l'ampliation du décret qui a été notifiée à M. B....
4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions tant législatives que règlementaires que le point de départ du délai de prescription prévu à l'article 24-1 du code civil est le jour de délivrance du récépissé prévu à l'article 26 du code civil. En conséquence, la circonstance, au demeurant non établie, que le dossier de M. B... aurait été complet au jour de souscription de la demande et que, dès lors, le récépissé aurait dû lui être délivré ce jour-là est, en tout état de cause, sans incidence sur le point de départ du délai de prescription prévu à l'article 24-1 du code civil.
5. En troisième lieu, M. B... a été reconnu coupable, par un jugement du 24 mars 2021 confirmé en appel, de menaces de mort à l'encontre d'un professionnel de santé le 14 octobre 2019. Il a été condamné pour ces faits à six mois de stage de citoyenneté. En estimant, à la date du décret attaqué, que ces faits, eu égard à leur caractère récent et à leur gravité, rendaient M. B... indigne d'acquérir la nationalité française, le Premier ministre n'a pas fait, en l'état, une inexacte application des dispositions de l'article 21-4 du code civil.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 22 février 2024 par lequel le Premier ministre lui a refusé l'acquisition de la nationalité française. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.