Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 mai et 2 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Kanra Publishing France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 juillet 2023 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a refusé d'instruire la plainte dont elle l'a saisie le 3 avril 2023 ;
2°) d'enjoindre à l'Arcom d'instruire sa plainte ;
3°) de mettre à la charge de l'Arcom le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bastien Brillet, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société BFM TV ;
Considérant ce qui suit :
1. Par courrier du 3 avril 2023, la société Kanra Publishing France propriétaire du trimestriel Playboy, a saisi l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à la suite de la diffusion, par le service de télévision BFM TV à quelques jours de la publication du magazine auquel ils étaient destinés, de photographies et d'extraits de l'interview qu'il contenait de Mme A... B..., qui exerçait alors des fonctions gouvernementales. Par une décision du 26 juillet 2023, l'Arcom a décidé de ne pas donner suite à sa plainte. La société Kanra Publishing France demande l'annulation de cette décision.
2. D'une part, aux termes de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre autre que ceux exploités par les sociétés nationales de programme, est subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel au nom de l'Etat et la personne qui demande l'autorisation ". A ce titre, l'article 4-2-1 de la convention relative au service " BFM TV ", conclue le 19 février 2005 entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la société BFM TV, indique que : " Le conseil supérieur de l'audiovisuel peut mettre en demeure l'éditeur de respecter les stipulations figurant dans la convention et les avenants qui pourraient lui être annexés. Il rend publique cette mise en demeure ". Aux termes de l'article 2-2-3 de la même convention : " L'éditeur respecte la législation française en matière de propriété intellectuelle. " Enfin, l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que : " Les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle et les opérateurs de réseaux satellitaires peuvent être mis en demeure de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 (...) ". Parmi les principes définis à l'article 1er figure le " respect de la propriété d'autrui ", laquelle comprend le droit d'auteur et les droits voisins protégés par le code de la propriété intellectuelle. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'il entre dans les missions de l'Arcom de veiller au respect de la législation relative à la protection de la propriété intellectuelle par les services audiovisuels placés sous son contrôle et, en cas de méconnaissance par ceux-ci de leurs obligations, d'exercer les prérogatives que lui confèrent les dispositions de la loi du 30 septembre 1986.
4. Il ressort des pièces du dossier que la lettre par laquelle la société requérante a saisi l'Arcom fait état de la diffusion par la chaine d'information continue BFM TV, à cinq jours de la publication du trimestriel Playboy, sans l'accord des détenteurs des droits sur cette publication et sur son contenu, d'extraits, obtenus dans des conditions non divulguées, d'un reportage faisant apparaître des extraits du texte et des photos du magazine en cours d'impression. Invoquant au soutien de sa plainte une méconnaissance de ses droits de propriété intellectuelle qui lui aurait causé un préjudice important eu égard à son effet sur les ventes du magazine, la société requérante dénonce ainsi des faits qui, s'ils sont établis, sont susceptibles d'ouvrir droit à réparation devant le juge judiciaire.
5. Eu égard au caractère isolé du manquement, au large pouvoir d'appréciation conféré à l'Arcom par le législateur pour la mise en œuvre des prérogatives qui lui sont conférées à l'égard des opérateurs qui manquent à leurs obligations ainsi qu'à la nature du préjudice, de nature essentiellement commercial invoqué par le société requérante, qui dans sa plainte faisait état de ce qu'elle n'excluait pas d'en rechercher la réparation devant le juge compétent, l'Arcom a pu, sans erreur manifeste d'appréciation, rejeter la demande dont elle était saisie.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par l'Arcom, que les conclusions à fin d'annulation de la requête doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Arcom, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société BFM TV au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1 : La requête de la société Kanra Publishing France est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société BFM TV au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Kanra Publishing France, à la société BFM TV et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Copie en sera adressée à la ministre de la culture.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 novembre 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et M. Bastien Brillet, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 20 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Bastien Brillet
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet