Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision référencée " 48 SI " du 17 décembre 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul, ainsi que les décisions référencées " 48 " par lesquelles ce ministre a procédé au retrait de seize points de son permis de conduire à la suite d'infractions relevées les 23 juillet 2017, 30 mars 2018, 4 octobre 2019, 13 novembre 2019 et 15 janvier 2021, et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de rétablir ces points sur le capital de points de son permis de conduire dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un jugement n° 2202500 du 1er février 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif a annulé la décision de retrait de trois points consécutive à l'infraction commise le 15 janvier 2021 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Par un pourvoi enregistré le 2 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision de retrait de trois points consécutive à l'infraction qu'il a commise le 15 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues à ces articles, lesquelles constituent une garantie essentielle en ce qu'elles mettent l'intéressé en mesure de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite d'une infraction au code de la route relevée le 15 janvier 2021 par procès-verbal électronique, le ministre de l'intérieur a retiré trois points du permis de conduire de M. B.... Par le jugement du 1er février 2024 contre lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer se pourvoit en cassation, le magistrat désigné du tribunal administratif de Versailles a annulé cette décision au motif que, faute de signature du conducteur sur le procès-verbal électronique et de mention d'un refus de signer apposée par l'agent verbalisateur, ainsi que de preuve du paiement de l'amende forfaitaire ou de l'amende forfaitaire majorée, le ministre n'apportait pas la preuve qui lui incombe de la délivrance à l'intéressé, préalablement à ce retrait de points, de l'information prévue par les dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, dans le cadre de sa défense devant le tribunal administratif, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a fait valoir que l'infraction du 15 janvier 2021 a été constatée par procès-verbal électronique, qu'un avis de contravention a été adressé au titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule, que ce dernier a désigné l'entreprise locataire de ce véhicule, qui a désigné M. B... comme le conducteur et que celui-ci a formulé la requête en exonération prévue par l'article 529-2 du code de procédure pénale au moyen du formulaire attaché à l'avis de contravention, qu'il avait donc préalablement reçu. Pour justifier de ces circonstances, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a produit la transcription du procès-verbal d'infraction et un document intitulé " dossier transmis à Monsieur l'officier du ministère public " à Nanterre, faisant apparaître que la requête en exonération de M. B... a été reçue le 24 mars 2021 et précisant que cette requête, formulée au moyen du formulaire attaché à l'avis de contravention, a été envoyée par lettre recommandée avec avis de réception. Le ministre a soutenu que, dès lors que ce formulaire constitue l'un des volets de l'avis de contravention, ces circonstances étaient de nature à établir que M. B... a nécessairement reçu cet avis et doit dès lors être regardé comme ayant bénéficié de l'information préalable prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route dont ce document est assorti, à défaut pour l'intéressé de soutenir qu'il aurait reçu un avis incorrect ou incomplet. M. B... s'est borné à qualifier le document intitulé " dossier transmis à Monsieur l'officier du ministère public " de " document interne " et à inviter le ministre à produire la requête en exonération. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir qu'en jugeant qu'il n'apportait pas la preuve que M. B... avait reçu l'avis de contravention en litige et pris connaissance des informations que ce document comporte, le magistrat désigné du tribunal administratif de Versailles a dénaturé les pièces du dossier. Il y a lieu, par suite, d'annuler l'article 1er de son jugement.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
5. Il résulte de ce qui est dit au point 3 que l'infraction du 15 janvier 2021 a été constatée par procès-verbal électronique et que le ministre de l'intérieur et des outre-mer a produit devant le tribunal administratif de Versailles des éléments suffisants pour établir que l'intéressé a bénéficié de l'information prévue par les dispositions des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route préalablement à la décision retirant trois points du capital de points de son permis de conduire.
6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision de retrait de trois points du capital de points de son permis de conduire à la suite de l'infraction au code de la route qu'il a commise le 15 janvier 2021 doivent être rejetées. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 1er du jugement du 1er février 2024 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Versailles tendant à l'annulation de la décision de retrait de trois points consécutive à l'infraction commise le 15 janvier 2021 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 21 novembre 2024 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 20 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Barthélemy
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet