Vu la procédure suivante :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2021 lui concédant une pension de retraite en tant que cette pension est liquidée sur la base de l'indice majoré 710 et d'enjoindre à l'administration de procéder à la révision de sa pension sur la base de l'indice majoré 743. Par une ordonnance du 28 septembre 2022, la présidente du tribunal administratif de Pau a, sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis le jugement de cette demande au tribunal administratif de Bordeaux.
Par un jugement n° 2205270 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a partiellement fait droit à sa demande en annulant le titre de pension contesté en tant qu'il liquide sa pension de retraite sur la base de l'indice majoré 710 et en enjoignant au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de réviser sa pension dans un délai de deux mois.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 juin 2023 et 23 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.
Il soutient que le tribunal administratif de Bordeaux a commis une erreur de droit en jugeant que M. B... pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 20 du code des pensions civiles et militaires de retraite pour demander la révision de son titre de pension, alors qu'il n'avait pas été promu mais avait fait l'objet d'un reclassement consécutif à une réforme statutaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2024, M. B... conclut au rejet du pourvoi et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que le moyen du pourvoi n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 97-464 du 9 mai 1997 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2009-1052 du 26 août 2009 ;
- le décret n° 2020-1644 du 21 décembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1646 du 21 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Denieul, auditeur,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. B... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 novembre 2024, présentée par M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., capitaine de port du 1er grade de classe fonctionnelle, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er février 2021. Par un arrêté du 16 novembre 2020, une pension de retraite liquidée sur la base de l'indice brut 901 (indice majoré 734), correspondant au grade de capitaine de port du 1er grade de classe fonctionnelle qu'il détenait depuis le 28 janvier 2017, lui a été concédée. Toutefois, en application du décret du 21 décembre 2020 modifiant le statut particulier du corps des officiers de port, M. B... a, par un arrêté du 23 avril 2021, été reclassé rétroactivement, à compter du 28 janvier 2017, dans le grade de capitaine de port de 1ère classe, correspondant à un indice brut 850 (indice majoré 695), en bénéficiant, en application de l'article 15 de ce même décret du 21 décembre 2020, du maintien, à titre personnel, de son indice brut antérieur majoré de 12 points, ce qui correspond à un indice majoré 743. Sa pension a alors été révisée par un arrêté du 5 juillet 2021, qui lui a concédé un nouveau titre de pension liquidé sur la base de l'indice brut actualisé 869 (indice majoré 710). M. B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler ce titre de pension en tant qu'il liquide sa pension sur la base de l'indice majoré 710 et d'enjoindre à l'administration de procéder à la révision de sa pension sur la base de l'indice majoré 743. Par un jugement du 9 mai 2023, contre lequel le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le titre de pension en litige en tant qu'il liquide la pension de retraite de M. B... sur la base de l'indice majoré 710 et enjoint au ministre de réviser sa pension dans un délai de deux mois.
Sur le pourvoi en cassation :
2. Aux termes de l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " I. - Aux fins de liquidation de la pension, le montant de celle-ci est calculé en multipliant le pourcentage de liquidation tel qu'il résulte de l'application de l'article L. 13 par le traitement ou la solde soumis à retenue afférents à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire ou militaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite ou, à défaut, par le traitement ou la solde soumis à retenue afférents à l'emploi, grade, classe et échelon antérieurement occupés d'une manière effective (...) ". Selon l'article L. 20 du même code : " En aucun cas, la pension allouée au titre de la durée des services ne peut être inférieure à celle qu'aurait obtenue le titulaire s'il n'avait pas été promu à un emploi ou à un grade supérieur ou reclassé en vertu des dispositions de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ". L'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 fixe les règles relatives au reclassement des fonctionnaires pour inaptitude physique à l'exercice de leurs fonctions.
3. Aux termes de l'article 15 du décret du 21 décembre 2020 modifiant le statut particulier du corps des officiers de port : " II. - Les fonctionnaires qui, au 1er janvier 2017, étaient promus aux classes fonctionnelles des premier et deuxième grades de capitaine de port prévues par le décret du 26 février 2001 susvisé sont rétablis dans la classe normale de leur grade, au rang qui aurait été le leur s'ils n'avaient pas cessé d'appartenir à cette classe, puis sont reclassés conformément au tableau de correspondance ci-dessus. Les fonctionnaires reclassés, en application de l'alinéa précédent, à un échelon doté d'un indice brut inférieur à celui qu'ils détenaient dans leur situation d'origine conservent à titre personnel le bénéfice de leur indice brut antérieur, majoré de douze points, jusqu'au jour où ils bénéficient dans leur nouvelle situation d'un indice brut au moins égal (...) ".
4. Le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que dès lors qu'en l'absence du reclassement rétroactif dont il avait fait l'objet en application du décret du 21 décembre 2020 modifiant le statut particulier du corps des officiers de port, M. B... aurait obtenu une pension calculée sur la base de l'indice majoré 734 correspondant au 1er grade de la classe fonctionnelle spéciale qu'il détenait effectivement depuis plus de six mois à la date de son admission à la retraite, celui-ci avait droit, en application des dispositions de l'article L. 20 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à ce que cet indice plus avantageux soit retenu pour la liquidation de sa pension. Le ministre de l'économie est fondé à soutenir qu'en statuant ainsi, alors qu'un agent reclassé dans le cadre d'une réforme statutaire ne peut être regardé comme ayant bénéficié d'une promotion ou d'un reclassement pour inaptitude physique à l'exercice de ses fonctions, le tribunal administratif a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 20 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur le règlement de l'affaire au fond :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter de l'enregistrement de cet acte au recueil spécial mentionné à l'article L. 861-1 du code de la sécurité intérieure, lorsqu'il est fait application de cet article, ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé ainsi que les hauts fonctionnaires et les hauts fonctionnaires adjoints mentionnés aux articles R. 1143-1 et R. 1143 2 du code de la défense ; (...) ". Le deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 relatif à la création et à l'organisation des services à compétence nationale dispose que : " Les services à compétence nationale rattachés à un directeur d'administration centrale, à un chef de service ou à un sous-directeur sont créés par arrêté du ministre dont ils relèvent. Toutefois, ils sont créés par décret lorsqu'ils exercent des compétences par délégation du ministre ". Aux termes de l'article 1er du décret du 26 août 2009 portant création du service des retraites de l'Etat : " Il est créé, un service à compétence nationale dénommé "service des retraites de l'Etat". Ce service est rattaché au directeur général des finances publiques ".
8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que M. D... A... qui, par un arrêté du 29 septembre 2020 du Premier ministre et du ministre de l'économie, des finances et de la relance, a été renouvelé, pour une durée de deux ans à compter du 28 octobre 2020, dans l'emploi de chef du service des retraites de l'Etat, bénéficie, en sa qualité de chef d'un service à compétence nationale rattaché à un directeur d'administration centrale, d'une délégation permanente pour signer, au nom du ministre, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué manque en fait.
9. En deuxième lieu, la pension de retraite de M. B... ne pouvait être liquidée, en application des dispositions du I l'article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite citées au point 2, que sur la base de l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon qu'il détenait effectivement depuis six mois au moins avant son admission à la retraite. M. B... ne tenait de l'article 15 du décret du 21 décembre 2020 modifiant le statut particulier du corps des officiers de port cité au point 3 aucun droit à ce que sa pension soit liquidée sur la base de l'indice majoré 743 qui lui avait été accordé, à titre personnel, en application de ces dispositions. Ainsi qu'il a été dit au point 4, il ne peut davantage se prévaloir des dispositions de l'article L. 20 du code des pensions civiles et militaires de retraite citées au point 2 pour demander que sa pension soit liquidée sur la base de l'indice majoré 734 qu'il détenait avant son reclassement.
10. En troisième lieu, M. B... ne peut utilement soutenir, pour demander l'annulation de son titre de pension, qu'il aurait pu être nommé au grade de capitaine de port hors classe s'il n'avait pas déjà été admis à la retraite à la date de son reclassement.
11. En quatrième et dernier lieu, dès lors que le calcul de la pension de M. B... est fondé sur une exacte application des règles du code des pensions civiles et militaires de retraite, la circonstance, à la supposer établie, qu'un autre agent placé dans une situation équivalente aurait bénéficié d'un traitement différent n'est pas de nature à lui permettre d'invoquer utilement la méconnaissance du principe d'égalité.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées, devant le tribunal administratif et le Conseil d'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 9 mai 2023 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... B... et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.