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20/12/2024 | FRANCE | N°467547

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 20 décembre 2024, 467547


Vu la procédure suivante :



Par une décision du 14 février 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission partielle des conclusions du pourvoi de Mme A... B... dirigées contre l'arrêt n° 21VE03146 du 13 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Versailles, d'une part en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation du jugement n° 1302424 du 14 juin 2016 du tribunal administratif de Versailles concernant l'indemnisation de Mme B... au titre des préjudices subis en tant que secrétaire du syndicat intercommunal d'adduction d'eau

potable (SIAEP) de la région d'Angervilliers pour la période allant d...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 14 février 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission partielle des conclusions du pourvoi de Mme A... B... dirigées contre l'arrêt n° 21VE03146 du 13 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Versailles, d'une part en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation du jugement n° 1302424 du 14 juin 2016 du tribunal administratif de Versailles concernant l'indemnisation de Mme B... au titre des préjudices subis en tant que secrétaire du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable (SIAEP) de la région d'Angervilliers pour la période allant du 1er mai 2003 au 7 décembre 2007, d'autre part en tant qu'il a limité son indemnisation relative aux fonctions exercées au centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune d'Angervilliers à la somme de 28 000 euros et enfin en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation au titre du préjudice moral lié à son éviction de ses fonctions au sein du SIAEP et du CCAS.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, Bonichot et associés, avocat de Mme A... B... et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la commune d'Angervilliers ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., attachée territoriale exerçant les fonctions de secrétaire de mairie de la commune d'Angervilliers, a saisi le maire de cette commune, le 17 décembre 2012, d'une demande tendant à la réparation des préjudices résultant de son placement en arrêt de travail pour maladie imputable au service à compter du 3 février 2004 et des agissements fautifs de son employeur, constitutifs de faits de harcèlement moral et de manquements à son obligation de prévention et de protection. Le maire d'Angervilliers a rejeté sa demande par une décision du 14 février 2013. Par un jugement du 14 juin 2016, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête de Mme B... tendant à la condamnation de la commune d'Angervilliers à lui verser les sommes, à parfaire, de 175 514 euros en réparation de la perte des cinq indemnités liées à l'exercice des fonctions de secrétaire de mairie, de 171 759 euros au titre de la perte de son indemnité de secrétaire du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable (SIAEP) de la région d'Angervilliers, de 36 910 euros au titre de la perte de l'indemnité de secrétariat du centre communal d'action sociale (CCAS) et de 75 000 euros au titre de son préjudice professionnel et de retraite. Par un arrêt n° 16VE02674 du 28 novembre 2019, la cour administrative de Versailles a rejeté l'appel formé contre ce jugement. Par une décision n° 438056 du 22 novembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé partiellement cet arrêt et a renvoyé l'affaire, dans la mesure de cette cassation, à la même cour. Par l'arrêt en litige n° 21VE03146 du 13 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a condamné la commune d'Angervilliers à verser à Mme B... une indemnité de 28 000 euros au titre de la perte de rémunération de ses fonctions au centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune d'Angervilliers et rejeté le surplus de ses conclusions. Par une décision du 14 février 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission partielle des conclusions du pourvoi de Mme B... dirigées contre cet arrêt, d'une part en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation au titre des préjudices subis en tant que secrétaire du SIAEP de la région d'Angervilliers pour la période allant du 1er mai 2003 au 7 décembre 2007, d'autre part en tant qu'il a limité son indemnisation relative aux fonctions exercées au CCAS de la commune d'Angervilliers à la somme de 28 000 euros et enfin en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation du préjudice moral lié à son éviction de ses fonctions au sein du SIAEP et du CCAS.

Sur le pourvoi :

2. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou atteints de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait.

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a relevé, par des motifs non contestés en cassation, que les mesures prises par le maire d'Angervilliers entre 2003 et 2005, et particulièrement entre le 17 février 2003 et le 3 février 2004, date à laquelle Mme B... a été placée en congé pour une maladie reconnue par la suite imputable au service, constituaient des agissements fautifs de harcèlement moral de nature à engager la responsabilité de la commune. De tels agissements sont de nature à ouvrir droit à la réparation intégrale des préjudices subis par Mme B... en lien direct avec cette faute, y compris le cas échéant la perte des rémunérations qu'elle percevait pour les fonctions exercées au sein du CCAS et du SIAEP.

4. En premier lieu, pour écarter la demande de Mme B... demandant à la réparation du préjudice subi du fait de la perte de sa rémunération de secrétaire du SIAEP de la région d'Angervilliers pour la période allant du 1er mai 2003, date à laquelle le président du SIAEP a prononcé son licenciement du fait de son absence pour maladie, à celle au 7 décembre 2007, date à laquelle il a constaté, après l'avoir réintégrée, un abandon de poste, la cour a relevé, d'une part, que par un jugement du 1er juillet 2009, confirmé par un arrêt du 2 février 2012 de la cour administrative d'appel de Versailles, le tribunal administratif de Versailles avait condamné le SIAEP à verser à Mme B... une indemnité correspondant à la totalité de sa rémunération et de ses accessoires pour les périodes du 1er mai 2003 au 19 octobre 2003 et du 16 décembre 2003 au 2 mai 2004, ainsi qu'à la moitié dudit traitement pour les périodes du 20 octobre au 15 décembre 2003 et du 3 mai au 7 juin 2004 et, d'autre part, que par un arrêt du 10 juillet 2008, la même cour avait retenu que le SIAEP avait régularisé la situation administrative de Mme B... en la plaçant rétroactivement en position de congé à demi-traitement du 28 avril 2003 au 5 mars 2004, puis en position de congé sans traitement du 6 mars 2004 au 7 décembre 2007. La cour en a conclu que Mme B... n'établissait pas ne pas avoir perçu les indemnités qui lui étaient dues au titre de la période considérée. En statuant ainsi alors que Mme B... demandait, au titre de la réparation intégrale du préjudice subi, une indemnisation correspondant à la totalité des pertes de rémunération subies du fait de l'absence d'exercice de ses fonctions de secrétaire du SIAEP au titre des périodes comprises entre le 1er mai 2003 et le 7 décembre 2007 pendant lesquelles elle a été placée en position de congé à demi-traitement ou de congé sans traitement, la cour a commis une erreur de droit.

5. En deuxième lieu, pour statuer sur l'indemnisation demandée par Mme B... en réparation du préjudice lié à la perte de son indemnité de secrétaire du CCAS de la commune entre le 1er mai 2005 et le 14 juin 2015, la cour, après avoir relevé que cette indemnité était fixée à 10 % du traitement brut qu'elle percevait au titre de ses fonctions de secrétaire de mairie, a constaté que son traitement brut sur la période considérée s'élevait à la somme totale de 346 735,52 euros, correspondant par conséquent à un montant brut d'indemnité accessoire de secrétaire du CCAS de 34 673,55 euros. C'est sans erreur de droit que la cour a, par une décision suffisamment motivée, déduit de ces constatations, non arguées de dénaturation, que la condamnation de la commune d'Angervilliers à verser à Mme B... une somme totale de 28 000 euros permettait de réparer le préjudice financier résultant de la perte de son indemnité de secrétaire du CCAS de la commune, dès lors qu'une telle somme correspondait au montant de la rémunération, nette de cotisations sociales, qu'elle aurait dû percevoir à ce titre.

6. En dernier lieu, en rejetant les conclusions de la requérante à fin d'indemnisation du préjudice moral résultant selon elle de son éviction de ses fonctions au sein du SIAEP de la région d'Angervilliers et du CCAS de la commune, conclusions qui étaient au demeurant nouvelles en appel, au motif que ce préjudice n'était pas établi, la cour administrative d'appel a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation du préjudice financier lié à la perte de sa rémunération au titre de ses fonctions de secrétaire du SIAEP entre le 1er mai 2003 et le 7 décembre 2007. Par ailleurs, si la commune d'Angervillers indique dans son mémoire en défense exercer un pourvoi incident en tant que l'arrêt la condamne à verser la somme de 28 000 euros à Mme B..., elle ne reprend pas cette demande, qui n'est en tout état de cause assortie d'aucun moyen, dans ses conclusions.

8. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond, dans la mesure de la cassation prononcée.

Sur les conclusions d'appel :

9. D'une part, si Mme B... soutient que son emploi au SIAEP était accessoire à celui de secrétaire de la mairie d'Angervilliers qu'elle était dans l'impossibilité d'occuper du fait de la maladie reconnue imputable au service et du harcèlement subi de la part du maire de cette commune, elle n'apporte aucun élément de nature à démontrer que l'emploi contractuel qu'elle occupait au SIAEP, pour lequel elle était rémunérée à hauteur de 43% de son traitement de secrétaire de mairie exercé à temps complet, était accessoire à celui-ci, ni d'ailleurs qu'elle l'exerçait, comme elle le soutient, avec une autorisation de cumul du maire. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment des arrêts n° 06VE01886 du 4 octobre 2007 et 08VE00876 du 10 juillet 2008 de la cour administrative d'appel de Versailles invoqués par Mme B..., que si l'état anxio-dépressif dont elle a souffert a été reconnu imputable à son service à la mairie, ce n'est qu'à compter d'une altercation avec le maire en date du 3 février 2004, postérieure aux congés de maladie qui ont déterminé la décision du président du SIAEP de la licencier au 1er mai 2003 et à la délibération du conseil syndical créant un poste d'agent administratif pour son remplacement. Dans ces conditions, alors en outre que la commission de réforme a estimé le 30 octobre 2007 que l'état de santé de Mme B... ne s'opposait pas à ce qu'elle reprenne ses fonctions au SIAEP, il ne résulte pas de l'instruction qu'il existerait un lien direct entre la perte des indemnités que celle-ci percevait pour assurer le secrétariat du SIAEP et la maladie imputable à son service à la mairie d'Angervilliers ou le harcèlement moral que lui aurait fait subir le maire de cette commune.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la condamnation de la commune d'Angervilliers à lui verser une indemnité au titre de la perte de sa rémunération de secrétaire du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable de la région d'Angervilliers pour la période du 1er mai 2003 au 7 décembre 2007.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Angervilliers, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune d'Angervilliers formulées au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 13 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions d'appel de Mme B... à fin d'indemnisation du préjudice financier lié à la perte de sa rémunération de secrétaire du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable de la région d'Angervilliers durant la période du 1er mai 2003 au 7 décembre 2007.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme B..., ainsi que ses conclusions d'appel tendant à la condamnation de la commune d'Angervilliers à lui verser une indemnité au titre la perte de sa rémunération de secrétaire du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable de la région d'Angervilliers durant la période du 1er mai 2003 au 7 décembre 2007 sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la commune d'Angervilliers.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 novembre 2024 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat et Mme Nicole da Costa, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 20 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Stéphane Verclytte

La rapporteure :

Signé : Mme Nicole da Costa

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 467547
Date de la décision : 20/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2024, n° 467547
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nicole da Costa
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD, BONICHOT ET ASSOCIES ; SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:467547.20241220
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