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20/12/2024 | FRANCE | N°464342

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 20 décembre 2024, 464342


Vu la procédure suivante :



La société civile d'exploitation viticole (SCEV) Domaine Les Hautes Noëlles a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision du 27 juillet 2017 valant titre exécutoire, par laquelle le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a rejeté son recours gracieux et lui a ordonné le reversement de la somme de 27 011,37 euros correspondant à une aide aux investissements vitivinicoles indûment perçue, ainsi que la décision du 21 septembre

2016 par laquelle FranceAgriMer a fixé à 13 767,19 euros le solde à verser...

Vu la procédure suivante :

La société civile d'exploitation viticole (SCEV) Domaine Les Hautes Noëlles a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision du 27 juillet 2017 valant titre exécutoire, par laquelle le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a rejeté son recours gracieux et lui a ordonné le reversement de la somme de 27 011,37 euros correspondant à une aide aux investissements vitivinicoles indûment perçue, ainsi que la décision du 21 septembre 2016 par laquelle FranceAgriMer a fixé à 13 767,19 euros le solde à verser de l'aide aux investissements vitivinicoles qui lui a été attribuée le 3 octobre 2013, ensemble la décision du 20 janvier 2017 rejetant son recours gracieux et, d'autre part, de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme de 25 498,66 euros au titre de l'aide lui restant due, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2016, ou à défaut au plus tard à compter du 24 janvier 2017, avec capitalisation à chaque échéance annuelle.

Par un jugement n° 1708611 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Nantes, après avoir constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions relatives à la décision du 27 juillet 2017, a annulé les décisions du 21 septembre 2016 et du 20 janvier 2017 de FranceAgriMer, condamné celui-ci à verser à la société Domaine Les Hautes Noëlles une somme de 25 498,66 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par un arrêt n° 21NT01134 du 25 mars 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par FranceAgriMer contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 25 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, FranceAgriMer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Domaine Les Hautes Noëlles la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 ;

- le règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 ;

- le règlement (CE) n° 491/2009 du Conseil du 25 mai 2009 ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2009-178 du 16 février 2009 ;

- le décret n° 2013-148 du 19 février 2013 ;

- l'arrêté du 17 avril 2009 définissant les conditions de mise en œuvre de la mesure de soutien aux investissements éligibles au financement par les enveloppes nationales en application du règlement (CE) n° 479/2008 portant organisation commune du marché vitivinicole ;

- la décision FILITL/SEM/D 2013-08 du 19 février 2013 du directeur général de FranceAgriMer ;

- la décision INTV-GPASV-2015-31 du 29 juin 2015 du directeur général de FranceAgriMer ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 3 octobre 2013, le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a accordé à la société civile d'exploitation viticole (SCEV) " Domaine Les Hautes Noëlles " une aide aux programmes d'investissements vitivinicoles d'un montant maximal de 60 200,86 euros correspondant à 162 349,54 euros de dépenses éligibles, pour des travaux d'isolation d'un chai de vinification existant et la construction d'un nouveau chai destiné au stockage des bouteilles. Après l'achèvement des travaux, FranceAgriMer a diligenté un contrôle sur place et constaté, dans un rapport daté du 21 juin 2016, l'absence d'anomalie et le respect de la réglementation. Le 4 août 2016, FranceAgriMer a versé à la société le solde de l'aide dont il a fixé le montant à 13 767,19 euros. Par lettre du 21 septembre suivant, FranceAgriMer a justifié ce montant par l'annulation de l'aide pour la tranche fonctionnelle " isolation " et l'application d'une sanction de 15% sur le montant total des factures pour sous-réalisation des dépenses subventionnées. Par un courrier du 20 janvier 2017, il doit être regardé comme ayant rejeté le recours gracieux formé par la société contre la décision du 21 septembre 2016 et indiqué, à titre purement informatif à ce stade et sans faire donc grief à l'intéressée, qu'il envisageait également l'annulation de l'aide ainsi que le remboursement de l'avance et du solde indûment perçus, assortis d'une majoration de 10 %, en raison de l'absence de transmission de l'intégralité des factures avant la date limite de réalisation des travaux, fixée au 3 octobre 2015. Par une décision du 27 juillet 2017 valant titre exécutoire, le directeur général de FranceAgriMer a confirmé le rejet du recours gracieux de la société Domaine Les Hautes Noëlles, annulé l'aide à l'investissement et demandé à l'intéressée le remboursement des sommes qu'elle avait indûment perçues, en assortissant le montant de l'avance d'une majoration de 10 %, soit un montant total de 27 011, 37 euros. Par un jugement du 25 février 2021, le tribunal administratif de Nantes, après avoir constaté un non-lieu à statuer sur la demande de la société Domaine Les Hautes Noëlles tendant à l'annulation de la décision du 27 juillet 2017, a annulé les décisions des 21 septembre 2016 et 20 janvier 2017, condamné FranceAgriMer à verser à la société requérante la somme de 25 498,66 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, et rejeté le surplus de ses conclusions. FranceAgriMer se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 mars 2022, par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre ce jugement en tant qu'il lui est défavorable.

2. D'une part, le directeur général de FranceAgriMer a précisé, par décision du 19 février 2013, les conditions d'attribution des aides au secteur vitivinicole financées par le FEAGA régies, à la date des faits en litige, par les règlements (CE) n° 491/2009 du 25 mai 2009 et n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 et, en droit interne, par le décret du 16 février 2009 modifié et l'arrêté du 17 avril 2009. Aux termes du point 5.6, intitulé " Délai de réalisation des travaux ", de l'article 5 de cette décision, dans sa rédaction antérieure à la modification apportée par la décision du directeur général de FranceAgriMer du 29 juin 2015 : " En cas de non démarrage des travaux dans les 6 mois suivant la notification de l'aide, la notification devient caduque et le dossier est annulé et le montant d'avance indûment perçu doit être remboursé au taux de 110 %. / (...) Les travaux prévus doivent être réalisés dans les 2 années suivant la date de notification de l'aide, prorogeables d'une année sur demande justifiée du porteur de projet. La demande de prorogation, peut être réalisée au plus tard 2 mois avant la date limite de réalisation des travaux. / (...) Dans tous les cas, les travaux et prorogations doivent être terminés au plus tard avant le 31 mars 2018 et la demande de versement doit être fournie au plus tard le 31 mai 2018, comme indiqué au point 5.8.3. / A la date limite de réalisation des travaux, la totalité des factures doivent être émises. Elles peuvent être acquittées au plus tard 2 mois après la date limite de réalisation des travaux ". Aux termes du point 5.8.2, intitulé " Cas des dossiers approfondis ", de l'article 5 de cette décision : " (...) Un montant d'avance indûment perçu doit être remboursé au taux de 110 %. / Le solde est versé après la réalisation de la totalité des actions prévues et contrôle sur place de cette réalisation ". L'article 8 de cette même décision, intitulé " Sanctions ", prévoit l'application de réfactions sur le montant de l'aide " en cas de sous-réalisation des dépenses prévues de plus de 20 % ; (...) de non-respect du délai de transmission de la demande de paiement ou du délai de démarrage des travaux ; (...) de retard de dépôt des déclarations obligatoires de stocks ou de récolte et de production ; (...) de non déclaration de la non conservation de l'investissement pendant cinq ans ; (...) de fausse déclaration ".

3. D'autre part, la lettre du 3 octobre 2013 notifiant à la société Domaine Les Hautes Noëlles la décision du même jour du directeur général de FranceAgriMer lui accordant une aide à l'investissement d'un montant de 60 200,86 euros précisait que : " (...) Comme indiqué dans la décision du directeur Général de FranceAgriMer FILITL/SEM/D 2013-08 du 19/02/2013 : / - les travaux prévus doivent débuter dans les 6 mois suivant la date de signature de la présente décision, faute de quoi cette dernière deviendra caduque. Vous devrez fournir dans ce délai de 6 mois, une attestation de démarrage des travaux, justifiée par un bon de commande ou un devis accepté ou par le paiement de la première facture relative au projet. / - les travaux doivent par ailleurs être réalisés dans un délai de 2 années suivant la date de signature de la présente décision, éventuellement prolongeable d'une année supplémentaire sur demande dûment justifiée. / (...) En cas de non-respect des délais susvisés, des réductions sont appliquées sur le montant de l'aide, comme précisé à l'article 8 de la décision du Directeur Général de FranceAgriMer du 19 février 2013 (...) ".

4. Une décision qui a pour objet l'attribution d'une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention. Il en résulte que les conditions mises à l'octroi d'une subvention sont fixées par la personne publique au plus tard à la date à laquelle cette subvention est octroyée. Quand ces conditions ne sont pas respectées, en tout ou partie, le retrait ou la réduction de la subvention peuvent intervenir sans condition de délai.

5. L'article 5 de la décision du directeur général de FranceAgriMer du 19 février 2013, cité au point 2., dans sa rédaction en vigueur à la date d'attribution de l'aide en litige, posait pour conditions au versement d'une aide le respect d'un délai de deux années pour la réalisation des travaux à compter de la date de sa notification, l'émission de la totalité des factures à la date limite de réalisation des travaux, et le paiement de ces factures au plus tard dans un délai de deux mois à compter de cette date limite. Il résulte de ce qui a été dit au point 4. que, dès lors que cette décision était en vigueur à la date d'attribution d'une aide, la méconnaissance des conditions de délais d'émission et d'acquittement des factures qu'elle posait, d'ailleurs rappelée dans la décision d'octroi de l'aide, était susceptible de fonder une décision de retrait ou de réduction de cette dernière. Est sans incidence, à cet égard, la circonstance que ni l'article 8 de cette décision du 19 février 2013, qui régit les conséquences à tirer d'une sous-réalisation des dépenses prévues, d'une méconnaissance du délai de transmission de la demande de paiement ou du délai de démarrage des travaux, d'un retard de dépôt des déclarations obligatoires de stocks ou de récolte et de production, d'une non déclaration de la non conservation de l'investissement pendant cinq ans et d'une fausse déclaration, ni aucune autre disposition de cette décision n'auraient explicité les conséquences encourues en cas de méconnaissance des conditions posées s'agissant des délais d'émission et d'acquittement des factures. Est également sans incidence, d'autre part, la circonstance que la décision individuelle accordant l'aide à un opérateur ne préciserait pas elle-même les conséquences d'une méconnaissance de ces mêmes conditions. Dès lors, en jugeant que FranceAgriMer ne pouvait décider du retrait de l'aide afférente à la tranche fonctionnelle d'isolation du chai existant et réduire, par voie de conséquence, l'aide restante de 15% pour sous-réalisation du projet initial, au motif qu'aucune disposition de la décision du 19 février 2013 du directeur général de FranceAgriMer ne prévoyait de possibilité de réduction voire de retrait de l'aide en cas de méconnaissance des conditions de délais relatives à la réalisation des travaux ainsi qu'à l'émission et au paiement des factures, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que FranceAgriMer est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Pour annuler les décisions contestées et restant en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur deux motifs tirés respectivement de l'irrégularité de la procédure suivie, faute pour FranceAgriMer d'avoir informé la société de son intention de procéder à la réfaction du montant de l'aide et des motifs de celle-ci avant l'édiction de la décision du 21 septembre 2016 et de l'avoir mise à même de présenter des observations sur son projet, et de l'illégalité du motif initialement retenu par FranceAgriMer pour remettre en cause et réduire l'aide, tiré de ce que la dernière facture produite par la société était postérieure à la date limite d'achèvement des travaux.

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ". Enfin, aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ".

10. D'une part, la décision du 3 octobre 2013 par laquelle FranceAgriMer a octroyé à la société Domaine Les Hautes Noëlles une aide d'un montant de 60 200,86 euros constituait une décision créatrice de droits, quand bien même ces droits étaient subordonnés au respect de diverses conditions et à la présentation, dans un délai de deux mois après la date limite de réalisation des travaux, d'une demande de paiement assortie des justificatifs permettant de vérifier ce respect. La décision du 21 septembre 2016 par laquelle FranceAgriMer a refusé de verser une fraction de cette aide, qui était motivée par le constat, ressortant des justificatifs produits par la société à l'appui de sa demande de paiement de l'aide, d'une sous-réalisation des travaux projetés dans le délai imparti, se bornait à exécuter cette décision d'octroi en tirant les conséquences du non-respect des conditions posées par cette dernière et n'en constituait donc pas le retrait.

11. D'autre part, compte tenu des droits créés par la décision d'octroi de l'aide, cette décision de refus de versement doit être regardée comme refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, et devait, à ce titre, en application des dispositions du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, être motivée. Toutefois, dès lors que cette décision faisait suite à une demande de la société tendant au versement du solde de l'aide octroyée, après examen des justificatifs à fournir à l'appui de cette demande, elle n'était pas au nombre des décisions soumises par les dispositions précitées des articles L. 121-1 et L. 122-1 du même code à la procédure contradictoire qu'elles instituent.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 441-9 du code de commerce : " I.- Tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle fait l'objet d'une facturation. / Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts. L'acheteur est tenu de la réclamer. / (...) ". Aux termes de l'article 289 du code général des impôts : " I. - 1. Tout assujetti est tenu de s'assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers : / a. Pour les livraisons de biens ou les prestations de services qu'il effectue pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, et qui ne sont pas exonérées en application des articles 261 à 261 E ; / (...) / 3. La facture est, en principe, émise dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services ".

13. Par ailleurs, ainsi qu'il a été rappelé au point 2, le point 5.6 de la décision du 19 février 2013 du directeur général de FranceAgriMer, dans sa rédaction applicable, impose la réalisation des travaux éligibles dans les deux années suivant la date de notification de l'aide, et l'émission de la totalité des factures à cette date limite de réalisation des travaux. A cet égard, le h) de l'article 3 de cette même décision précise que " La date de fin de travaux correspond à la date d'émission de la dernière facture présentée dans le cadre de la demande de versement du solde ". Il résulte de ces dispositions que la production des factures, y compris la dernière, a pour objet de permettre à FranceAgriMer de s'assurer de l'achèvement des travaux et du respect du délai imparti pour leur réalisation.

14. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Atlantique Fer Construction (AFC) a facturé les travaux afférents à la tranche fonctionnelle " isolation " selon les modalités habituelles en ce domaine, en éditant selon le contrat conclu avec le client, d'une part, au fur et à mesure de leur réalisation, des factures de situation dont l'objet est de permettre l'étalement des paiements sur l'ensemble de la période et le suivi de la progression des prestations, la dernière de ces factures de situation, numérotée 8, étant datée du 30 septembre 2015, puis, d'autre part, une facture de clôture, intitulée " décompte général définitif " datée du 12 octobre suivant, dont l'objet est de récapituler l'ensemble des factures de situation et de clore la relation avec le client à la fin de la prestation. Compte tenu des objets respectifs de ces factures, la facture du 30 septembre 2015, laquelle permettait, en l'espèce, d'attester de l'achèvement des travaux pour la réalisation desquels l'aide a été sollicitée et octroyée, pouvait être regardée comme la " dernière facture " du marché de travaux en cause au sens du h) de l'article 3 de la décision du 19 février 2013 du directeur général de FranceAgriMer. Par suite, FranceAgriMer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé illégal le motif retenu initialement par la décision attaquée, tiré de l'émission de la facture de clôture postérieurement à l'échéance du 3 octobre 2015.

15. Toutefois, FranceAgriMer fait valoir devant le juge qu'il était, en toute hypothèse, tenu de procéder à la réfaction contestée dès lors que le paiement du solde restant dû par la société, constaté à la suite de l'émission de la facture du 12 octobre 2015, soit 25 233,97 euros, n'a été acquitté par chèques que les 6 janvier et 16 février 2016, soit plus de deux mois après la date limite de réalisation des travaux et ce, en méconnaissance des dispositions du point 5.6 de la décision du 19 février 2013 de son directeur général. La société Domaine Les Hautes Noëlles, qui n'a pas produit en réponse au mémoire invoquant ce nouveau motif, ne conteste pas le caractère tardif de ces paiements. Dans ces conditions et dès lors qu'elle ne prive la société intimée d'aucune garantie procédurale, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de procéder à la substitution, demandée par FranceAgriMer, de ce motif, qui justifie légalement la décision attaquée, à celui initialement retenu par celle-ci.

16. Par suite, FranceAgriMer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s'est fondé sur les motifs rappelés au point 8 pour annuler les décisions du 21 septembre 2016 et du 20 janvier 2017 de son directeur général restant en litige et le condamner à verser à la société Domaine les Hautes Noëlles une somme de 25 498,66 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts.

17. Il appartient toutefois au juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Domaine les Hautes Noëlles devant le tribunal administratif.

18. En premier lieu, ainsi qu'il a été rappelé aux points 4 et 15, les droits créés par la décision du 3 octobre 2013 ne l'ont été que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, et il n'est pas contesté que la société Domaine les Hautes Noëlles n'a pas respecté celle tenant au paiement des dépenses au plus tard deux mois après la date limite de réalisation des travaux. Par suite, cette société n'est pas fondée à soutenir que FranceAgriMer aurait illégalement refusé de lui verser l'entier solde de la subvention octroyée et, ce faisant, illégalement procédé au retrait ou à l'abrogation partielle d'une décision créatrice de droit.

19. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs, les moyens soulevés par la société requérante tirés de ce que, dès lors que les travaux déclarés éligibles ont été réalisés pour un montant de 52 261, 06 euros et que le contrôle effectué sur place n'a conclu à aucune anomalie, la décision contestée ne serait pas justifiée en droit, méconnaîtrait la décision du directeur général de FranceAgriMer n° 2013-8 du 19 février 2013 et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ne peuvent qu'être écartés.

20. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que FranceAgriMer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif a annulé les décisions des 21 septembre 2016 et 20 janvier 2017 de son directeur général et l'a condamné par voie de conséquence à verser à la société Domaine Les Hautes Noëlles une somme de 25 498,66 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts.

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de FranceAgriMer qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par FranceAgriMer au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 25 mars 2022 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du 25 février 2017 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.

Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par la société Domaine Les Hautes Noëlles devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation des décisions du 21 septembre 2016 et du 20 janvier 2017 de FranceAgriMer, à la condamnation de FranceAgriMer à lui verser une somme de 25 498,66 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par FranceAgriMer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer et à la société civile d'exploitation viticole (SCEV) Domaine Les Hautes Noëlles.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 novembre 2024 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 20 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Stéphane Verclytte

La rapporteure :

Signé : Mme Muriel Deroc

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 464342
Date de la décision : 20/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2024, n° 464342
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Muriel Deroc
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:464342.20241220
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